Avis publié le 4 octobre 2024
KINOUGARDE – 1026/24
Plainte non fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- après avoir entendu la représentante de la société Kinougarde,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 18 juillet 2024, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, de publicités de la société Kinougarde, pour promouvoir son offre de garde d’enfants.
Les deux publicités en cause, diffusées par affichage dans le métro parisien, montrent les photographies en gros plan de visages de jeunes enfants souriants : l’un est associé au texte « Mr pourquoi cherche Mme parce que » et l’autre au texte « Moulin à paroles cherche oreille attentive ».
Ces visuels comportent également l’accroche « Kinougarde garde les enfants, détend les parents » ainsi que les indications « Recrute baby-sitter sortie d’école » ou « Recrute nounou sortie de crèche/école ».
2. Les arguments échangés
– Le plaignant dénonce le caractère sexiste de cette campagne véhicule des stéréotypes de genre en ce que la petite fille est désignée comme « moulin à paroles » et présentée comme bavardant pour ne rien dire (selon la définition du dictionnaire) alors que le petit garçon s’intéresse à ce qui l’entoure.
– La société Kinougarde a été informée, par courriel avec accusé de réception du 26 juillet 2024, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
La société fait valoir que l’objectif de la campagne était de montrer aux parents sa capacité à proposer une nounou adaptée à la personnalité de leur enfant.Son axe créatif est de traduire quelques traits de caractères positifs quand on parle des enfants par des expressions publicitaires systématiquement valorisantes.
A titre d’exemples :
- Réveur(euse)/Distrait(e) : « Mr/Mme dans la lune », « Tête en l’air »
- Curieux(euse)/Sérieux(euse) : « Mr/Mme Pourquoi »
- Gai(e) : « Petit soleil »
- Amusant(e)/Drôle : « Petit clown »
- Volubile/Eloquent(e) : « Moulin à paroles »
La campagne a d’ailleurs été testée auprès d’un échantillon de parents pour garantir que chacune des expressions retenues soit valorisante à l’égard d’un enfant, ni plus ni moins qu’une autre.
Chaque visuel a été choisi en fonction de sa capacité à illustrer le trait de caractère évoqué, ni plus, ni moins. Il s’agit de visuels libres de droits en prenant soin d’équilibrer le nombre de garçons et de filles.
« C’est un vrai moulin à paroles » est une expression péjorative quand on parle d’un adulte, qui parle pour ne rien dire. C’est une expression positive quand on parle d’un enfant, montrant notamment sa confiance en lui, son imagination.
– La société Médiatransports a également été informée de la plainte, par courriel avec accusé de réception du 26 juillet 2024.
La société d’affichage indique que la campagne est actuellement diffusée sur les réseaux exploités par Métrobus Ile-de-France sur les supports dits « panneaux de fond », à l’intérieur des rames de métro de certaines lignes RATP.
Comme à l’accoutumée, au-delà de l’appréciation de chaque visuel seul, les équipes de Métrobus Ile-de-France se sont attachées à apprécier cette campagne dans son ensemble en considérant la globalité des visuels à afficher.
Cette campagne met en avant certains traits de caractère des enfants pour vendre le service de garde de l’annonceur. En premier lieu, ces traits de caractère se retrouvent chez tous les enfants, quel que soit leur genre, et ne peuvent constituer des traits de caractères stéréotypés assignés à un genre ou un autre. En second lieu, si certains de ces traits pourraient être perçus comme péjoratifs ou dévalorisant lorsqu’ils qualifient des adultes, à l’image du « moulin à paroles », ils doivent accueillir une signification différente lorsqu’ils sont associés à l’image des enfants : tous ces traits de caractère sont valorisants du développement de l’enfant.
A titre accessoire, les photographies choisies renforcent encore cette valorisation de comportements, y compris pour le visuel « moulin à paroles » représentant une petite fille vive et rieuse au regard pétillant.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose en son point 2, (Stéréotypes), que :
« …2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.
2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme. »
Le Jury relève que la publicité en cause propose en gros plans des visages d’enfants accompagnés de textes qui font référence très explicitement au monde de l’enfance aussi bien du côté des nombreux « pourquoi » qui en sont l’apanage que du côté de la volubilité enfantine. Les messages eux-mêmes empruntent donc directement à l’univers de l’enfance toujours en quête de réponses ou d’échanges vis-à-vis d’adultes qui ne savent pas toujours faire face à une telle profusion et qui peuvent avoir besoin d’être épaulés par une « nounou ». C’est précisément un tel service qui est promu par les messages en cause.
Le Jury constate, d’abord, que les photographies en cause offrent à voir des visages expressifs d’enfants manifestement éveillés. Le fait qu’il s’agisse d’une petite fille pour illustrer le texte « Moulin à paroles cherche oreille attentive » n’est pas évident au premier regard comme ne l’est pas non plus le fait qu’il s’agisse nécessairement d’un garçonnet en la personne de celui qui interroge par ses pourquoi.
En second lieu, la recherche de l’enfant volubile « moulin à paroles » est celle d’une « oreille attentive » ce qui renvoie à la bienveillance de l’adulte et atténue ainsi l’effet « moulin à paroles » en ce qu’il pourrait avoir de péjoratif.
Enfin, le Jury relève que le message associé au visage du petit garçon « Mr pourquoi cherche Mme parce que » n’est pas nécessairement plus flatteur puisqu’il fait référence également à la profusion de la parole, sous la forme d’interrogations incessantes propres au très jeune âge. Comme pour l’autre message, il est d’ailleurs également atténué par la référence en forme de clin d’œil subliminal aux « Mr » et « Mme » très connue de la littérature enfantine.
Le Jury déduit donc de tout ce qui précède que les messages en cause ont manifestement pour objectif, comme les autres visuels de la campagne de la société, de rester dans l’univers de l’enfance en utilisant ses codes, son vocabulaire, ses travers particuliers mais sans dénigrement pour l’enfant lui-même ou discrimination envers un genre spécifique, notamment, sans assimiler plus particulièrement la petite fille au caractère incessant et inutile de sa parole par contraste avec le petit garçon.
En conséquence, le Jury conclut que les messages en cause ne contreviennent pas aux points 2.2 et 2.3 de la Recommandation précitée.
Avis adopté le 13 septembre 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Lucas-Boursier et Thomelin.
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