JDP

GREENAFFAIR – Internet – Plainte non fondée

Avis publié le 10 novembre 2022
GREENAFFAIR – 875/22
Plainte non fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 août 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur le site Internet de la société, en faveur de la société Greenaffair, pour promouvoir son offre de conseil et ingénierie en développement durable.

Les allégations publicitaires en cause sont « Contrairement aux a priori, le low-tech ne s’oppose pas au bâtiment intelligent dit high-tech, mais s’inscrit bien dans une démarche globale d’architecture durable et écologique visant la sobriété, l’efficience et la résilience. » « L’architecture low-tech chez Greenaffair […] Bâtiment intelligent : les transitions environnementales et numériques ne peuvent être dissociées. Nos experts vous guident pour rendre votre bâtiment intelligent, c’est-à-dire un bâtiment qui cherche à maximiser l’expérience des occupants, tant au niveau de la connectivité que sur les questions de confort et de santé (en limitant leur exposition aux ondes électro-magnétiques, par exemple), tout en prenant en compte la qualité environnementale. Le numérique, utilisé à bon escient pour le bâtiment, offre la possibilité de réduire les consommations, optimiser les performances énergétiques et le confort des utilisateurs. ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce, au moyen de citations, que les principes de la démarche low-tech évoqués dans la définition de l’ADEME ne sont pas respectés : « L’approche low-tech, […] est une démarche innovante et inventive de conception et d’évolution de produits, de services, de procédés ou de systèmes qui vise à maximiser leur utilité sociale, et dont l’impact environnemental n’excède pas les limites locales et planétaires. La démarche low-tech implique un questionnement du besoin visant à ne garder que l’essentiel, la réduction de la complexité technologique, l’entretien de ce qui existe plutôt que son remplacement. La démarche low-tech permet également au plus grand nombre d’accéder aux réponses qu’elle produit et d’en maîtriser leurs contenus ».

Il considère qu’il faut dissocier la transition écologique de la transition numérique, puisque le numérique n’est pas durable (durabilité forte). L’architecture low-tech s’oppose donc frontalement au smart building contrairement à ce que veut laisser entendre Greenaffair.

Il ajoute que, questionné à ce sujet, l’ingénieur et spécialiste des Low-Tech Philippe Bihouix précise que « le smart building a plutôt tendance à venir rajouter de l’obsolescence dans le bâtiment [car] au final, les promesses du smart building ne sont jamais vraiment tenues parce que la prise en main par les usagers n’est jamais complète ni parfaite ».

Le plaignant cite encore le même ingénieur en joignant plusieurs sources :

La société Greenaffair fait valoir, en préambule, que la démarche low-tech dans le secteur de l’immobilier renvoie à de nombreux aspects décrits dans son article : résilience, bioclimatisme, approvisionnement local, économie des ressources, réemploi ou encore stratégie de réversibilité. Le point de friction de l’article semble donc se limiter à l’usage du numérique, question qui en effet fait débat au sein des spécialistes, comme le précise la publication de l’ADEME mentionnée par la plainte.

En octobre 2021, un groupe de travail a été créé comprenant notamment Philippe Bihouix, personnalité faisant référence sur le sujet et cité par l’auteur de la plainte. Ce groupe de travail a restitué en juin 2022 un document intitulé « Vers une fabrique de la ville low-tech ».

On y lit, dans le chapitre sur leur vision : « Nous (…) entendons [la low-tech] ici comme une démarche qui vise à remettre la technologie à sa juste place dans nos modèles de développement, sans l’en supprimer nécessairement. La dépendance croissante de nos modèles aux solutions à hautes composantes technologiques implique une consommation de ressources et une pollution excessive, mais est également à l’origine d’impasses techniques et économiques dans les métiers de la fabrique urbaine. C’est le cas par exemple du secteur du bâtiment qui voit ses coûts d’exploitation et de maintenance s’envoler du fait de la sur-technologisation de ses infrastructures. »

Selon l’annonceur, il est souvent opposé low-tech et high-tech, mais cela serait une simplification du débat au sein de l’éco-système low-tech.

En tant que société de conseil et d’ingénierie en développement durable et RSE spécialiste des enjeux immobiliers depuis 2002, la société Greenaffair a constaté que les prérequis et besoins technologiques ne sont pas les mêmes selon les usages des bâtiments : habitat individuel ou collectif, bureaux, hôpital… Actuellement, la technologie et le numérique sont omniprésents.

La société précise que la technologie est un levier à utiliser pour aider à la transition écologique et environnementale. Comme évoqué dans l’article initial, la vision de l’architecture low-tech est la suivante : « Appliqué au secteur du bâtiment, le low-tech représente en définitive la logique globale d’un projet immobilier tertiaire responsable : une architecture bioclimatique, une utilisation raisonnée des matériaux de construction et des ressources et des systèmes efficients pour un suivi énergétique, environnemental et numérique. »

De même, selon l’article « Faire converger les transitions numériques et écologiques » paru sur le site du Cairn : « La transition écologique est un horizon incontournable pour nos sociétés, la transition numérique est, quant à elle, la grande force transformatrice de notre époque(…) L’une est le but à atteindre, l’autre est le chemin à emprunter : chacune de ces deux transitions a besoin de l’autre. »

Elle ajoute que le bâtiment intelligent est une notion avec un imaginaire technophile et futuriste, qui peut donc sembler antinomique avec le low-tech, disposant pour sa part d’un imaginaire frugal. Toutefois, un bâtiment intelligent permet une complémentarité avec l’intelligence des occupants, ayant pour objectifs principaux la réduction des consommations et l’amélioration du confort.

Selon elle, l’utilisation d’une technologique simple et durable permet une réduction des consommations d’énergie qu’il ne faut pas négliger, l’objectif étant de pouvoir utiliser le numérique à bon escient tout en prenant en compte la qualité environnementale et l’impact du numérique.

Comme mentionné dans l’article du Moniteur par Anne Keusch : « Le low-tech ne signifie pas que nous voulons développer des immeubles sans technologie, mais avec le juste niveau de tech. ». L’annonceur indique partager cette vision du discernement technologique, comme écrit dans la publication initiale : « Le numérique, utilisé à bon escient pour le bâtiment, offre la possibilité de réduire les consommations, optimiser les performances énergétiques et le confort des utilisateurs. »

Le débat semble davantage se polariser sur les concepts de bâtiment intelligent, smart building ou bâtiment connecté qui peuvent manquer à première vue de discernement technologique. La société Greenaffair considère que la technologie doit se limiter à des besoins et fonctionnalités essentiels, qu’elle doit créer de la valeur pour les occupants et qu’elle doit permettre de réduire les consommations énergétiques.

Pour illustrer sa position, la société Greenaffair donne quelques exemples de technologies simples et éprouvées permettant d’améliorer la performance énergétique et le confort et qui lui semblent donc faire partie intégrante d’une architecture low-tech :

Pour conclure, le low-tech est, selon la société Greenaffair, un sujet vaste où la place du numérique ne fait pas encore consensus au sein des experts. Le low-tech est une démarche avec une logique de techno-discernement où la technologie doit être utilisée à bon escient.

Lors de la séance, les représentants de l’annonceur ont repris ces éléments et insisté sur les débats doctrinaux autour de la notion de « low-tech ».

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :

« 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ; / 2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ; / 2.3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité (…) »

« 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. (…) /

3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. (…) ».

« 4.1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ; (…) / 4.3. Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP (…) »

« 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.

7.2 Lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition.

7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.

7.4 Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur.

7.5 Le vocabulaire technique, scientifique, ou juridique, peut être utilisé s’il est approprié et compréhensible pour les personnes auxquelles s’adresse le message publicitaire.

Le Jury relève que la publicité en cause, diffusée sur le site Internet de la société, a pour objet de promouvoir une offre de conseil et ingénierie en développement durable sous le titre « Architecture low tech : de quoi s’agit-il ? ».

S’agissant de l’utilisation du terme low-tech en publicité

Le Jury constate qu’il n’existe ni définition officielle de l’expression « low-tech » (qui se traduit littéralement par « basse technologie »), laquelle n’appartient pas au « vocabulaire technique, scientifique, ou juridique » mentionné au point 7.5 de la Recommandation « Développement durable », ni de norme encadrant le recours à cette notion au sens du point 7.2. Dans son rapport de mars 2022 « Démarches « Low-tech » – Etat des lieux et perspectives », l’ADEME indique ainsi que « le concept de low-tech est mouvant et en construction », que « les définitions existantes sont diverses et parfois floues » et que « Bien que plusieurs acteurs aient déjà proposé des éléments de définition, il n’en existe actuellement pas qui soit unanimement partagée ». La définition proposée par l’ADEME dans ce document (« L’approche low-tech, parfois appelée innovation frugale, est une démarche innovante et inventive de conception et d’évolution de produits, de services, de procédés ou de systèmes qui vise à maximiser leur utilité sociale, et dont l’impact environnemental n’excède pas les limites locales et planétaires ») n’a fait l’objet d’aucune forme d’homologation ou de reconnaissance officielle, et constitue seulement une contribution à la réflexion sur ce concept.

Il ressort toutefois de ce document et de sources publiquement disponibles que la qualification de « low-tech » est en général attachée à des démarches qui répondent à trois critères : l’utilité, la durabilité et l’accessibilité. Chacun de ces critères comporte des exigences qui peuvent ne pas toutes être remplies :

Peuvent y être associées, selon les points de vue, des considérations tenant à la recherche du compromis entre efficacité et convivialité, au questionnement sur l’intérêt même d’une technologie et sur la notion d’innovation, à la « frugalité », ou encore à l’utilisation de ressources locales et à l’abondance de celles-ci. Si la démarche « low-tech » entend s’inscrire dans l’effort collectif de limitation de l’impact environnemental des produits et services et se déployer en tenant compte des contraintes de ressources et des conséquences écologiques de la production et de la consommation de biens, et si, en conséquence, une telle allégation constitue en principe un argument écologique au sens de la Recommandation « Développement durable », elle n’équivaut pas, dans l’esprit du public, à l’idée que le produit ou le service qui en relève serait respectueux de l’environnement, dépourvu d’incidence environnementale ni même écologiquement viable sur le long terme.

En présence d’une notion particulièrement nébuleuse et en construction, dont la définition est, en elle-même, un objet de débat, le Jury considère qu’un annonceur peut, dans une communication publicitaire, recourir à l’allégation « low-tech » pour désigner sa démarche à une double condition :

S’agissant de la publicité en cause

Le Jury estime que l’utilisation de cette notion pour décrire l’offre de Greenaffair peut être considérée, dans le contexte de la publicité critiquée, comme un argument écologique justifiant l’application de la Recommandation « Développement durable ».

La critique porte en l’espèce sur l’usage de l’expression pour englober les évolutions numériques, au motif que, par définition, le numérique ne serait pas durable, l’architecture low-tech s’opposant frontalement au « smart building ».

Or la finalité même de l’encart publicitaire est d’exposer en quoi « le low-tech ne s’oppose pas au bâtiment intelligent dit high-tech, mais s’inscrit bien dans une démarche globale d’architecture durable et écologique visant la sobriété, l’efficience et la résilience ». La démarche est explicitée comme ne dissociant pas les « transitions environnementales et numériques » par une démarche visant « un bâtiment qui cherche à maximiser l’expérience des occupants, tant au niveau de la connectivité que sur les questions de confort et de santé (en limitant leur exposition aux ondes électro-magnétiques, par exemple), tout en prenant en compte la qualité environnementale. Le numérique, utilisé à bon escient pour le bâtiment, offre la possibilité de réduire les consommations, optimiser les performances énergétiques et le confort des utilisateurs ». Dans un contexte de débat académique sur les apports du numérique, ces allégations peuvent être regardées comme désignant la démarche de l’entreprise pour encourager l’usage de technologies numériques au soutien d’objectifs de développements durables, ainsi qu’elle le revendique par l’emploi de la formule « à bon escient » et par les illustrations qu’elle en propose pour contester les arguments de la plainte puisqu’il s’agit bien de favoriser la mise en place de capteurs de températures permettant de piloter de façon intelligente la régulation du chauffage et de gérer l’inoccupation des bâtiments ou de moderniser l’éclairage et la ventilation automatisés.

Par ailleurs, le Jury constate que, contrairement à ce que laisse entendre le plaignant, la publicité ne prétend pas que la construction et l’aménagement des bâtiments qu’elle promeut seraient dépourvus d’incidence environnementale. A cet égard, la publicité ne saurait être considérée comme contraire au point 7.4 de la Recommandation précitée.

L’effort d’explicitation de l’expression « low-tech » au sein de la publicité et sur le site, notamment en exposant une démarche « en amont des projets », un souci de simplicité et des projets d’aménagement et d’urbanisme dans une approche sociale et sociétale de recyclabilité, permet de considérer que la démarche de la société répond au critère de simplicité de conception et de minimisation du recours à des procédés techniques de pointe.

Le Jury considère qu’il s’en déduit que l’utilisation de l’expression « low-tech » dans la publicité en cause ne méconnaît pas les points précités de la Recommandation
« Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 7 octobre 2022 par M Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain et Boissier, MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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