Avis publié le 29 janvier 2025
C&A – 1039/24
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 18 octobre 2024, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société C&A, pour promouvoir son offre d’articles de mode et habillement.
La publicité en cause, diffusée sur le bâtiment du magasin C&A de Rennes, se présente en deux parties : la partie de gauche montre la photographie en contre-plongée de trois personnages souriants, se touchant les mains ou les bras ; la partie de droite comporte, sur fond vert, le texte « Une mode plus durable c’est simple » ainsi que « #wear the change ».
2. Les arguments échangés
– Le plaignant énonce que l’enseigne C&A ne met en œuvre aucune démarche structurante pour aller vers une mode plus durable. L’affirmation présente dans la publicité vise à déculpabiliser les personnes pour les inciter à acheter sans réfléchir. Elle est à la fois fausse (NON, mettre en place une politique pour une mode plus durable n’est pas simple pour une marque même si elle y investissait des moyens et mettait en place une politique active à ce sujet) et mensongère (car elle laisse supposer que C&A y est parvenu ou même y consacre des moyens importants).
Il indique s’être rendu dans le magasin C&A et avoir découvert que la majorité des vêtements vendus (estimation au visu) étaient fabriqués dans des pays à main d’œuvre pauvre (PRC, Bangladesh, Vietnam, etc.), dans une démarche de production de vêtements à bas prix, sans aucune politique active concernant une mode durable (pas de pratiques environnementales ou sociales responsables affichées). La responsable du magasin aurait été incapable de lui expliquer la stratégie de mode durable de la marque et lui aurait indiqué que le magasin avait un rayon qui vendait des jeans bio fabriqués en Allemagne (part minime des produits vendus). La publicité lui aurait été imposée par le siège.
Le plaignant ajoute que de nombreuses études démontrent la complexité de sortir de la fast fashion, de réduire le volume de vêtements vendus et de ralentir le cycle des renouvellements de produits dans les magasins de mode comme C&A. Selon lui, une marque de cette importance ne peut pas méconnaître les enjeux environnementaux et sociaux de la mode.
L’affirmation de C&A est donc un mensonge flagrant et une pratique de publicité mensongère délibérée qui vise à tromper ses clientes et clients, sous couvert d’une opération de greenwashing grossière.
– La société C&A a été informée, par courriel avec accusé de réception du 2 décembre 2024, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.
La société fait valoir que C&A est une entreprise motivée par un but précis et un engagement profondément ancré dans le développement durable. Son parcours a commencé sérieusement il y a plus de vingt ans, marquant le début d’un effort à long terme pour parvenir à un changement significatif et durable. Ses objectifs en matière de développement durable sont doubles : reconnaître l’impact de l’industrie de la mode sur la planète et anticiper les changements nécessaires pour atténuer cet impact. Le rapport sur le développement durable 2023 met en évidence les progrès réalisés pour atteindre ces objectifs et présente les mesures nécessaires pour élever encore ses ambitions.
La société déclare se concentrer sur :
- ce qu’elle fabrique : les matériaux utilisés et les principes de circularité.
- comment elle le fabrique : réduction de l’impact sur l’environnement et amélioration du bien-être des travailleurs
- toutes les personnes : créer des vêtements abordables pour le plus grand nombre et s’efforcer de fournir des informations claires pour aider les consommateurs à faire les bons choix.
- un accent fort sur l’équité, l’inclusion et les droits de l’homme comme fondement.
Certaines réalisations du rapport sur le développement durable 2023 illustrent cet effort continu. Par exemple, 80 % des matériaux de base proviennent d’un approvisionnement plus durable. Les matériaux de base sont le coton, le polyester et les fibres cellulosiques régénérées, qui représentent 89 % de nos matériaux. Veiller à ce que les matières premières proviennent de sources plus durables signifie qu’elles sont cultivées et fabriquées de manière à utiliser moins de ressources naturelles, à avoir un impact moindre sur les écosystèmes, à respecter le bien-être des personnes et à garantir le bien-être des animaux tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
C&A exige que 100 % des matériaux qu’elle se procure de manière plus durable soient justifiés par des tiers.
Autre exemple, 80 % de l’électricité achetée pour ses propres activités provient de sources renouvelables. Cette part de 55 % a été augmentée en 2022. Elle est garantie par des certificats de garantie d’origine 100 % renouvelable. Le volume de plastique à usage unique a également été réduit de 36 % par rapport à la référence, et la gamme Cradle to Cradle Certified® élargie pour y inclure les vêtements pour bébés. C&A fournit une protection financière aux travailleurs et à leurs familles par le biais d’un projet pilote de régime d’indemnisation des accidents du travail pour le secteur du prêt-à-porter au Bangladesh.
La société s’attache à utiliser des matériaux plus durables, à minimiser l’impact sur l’environnement et à soutenir les droits des travailleurs, tout en proposant des vêtements abordables et en aidant les consommateurs à faire des choix éclairés. Sa priorité est d’offrir à ses clients ce qu’ils veulent, et elle s’efforce de leur offrir la meilleure qualité au meilleur prix. Le caractère abordable est un facteur important, mais pas dans le sens du prix le plus bas possible. Pouvoir acheter des produits de qualité à des prix abordables est la ligne rouge du marché.
Bien que la société célèbre de nombreuses réalisations, elle reconnaît que ce n’est pas le moment de se reposer sur ses lauriers. Alors que les défis mondiaux en matière de développement durable s’intensifient, elle réévalue en permanence ses stratégies et ses ambitions pour rester à l’avant-garde. Elle est convaincue que ses initiatives sont sur la bonne voie, mais reconnaît la nécessité d’élever sans cesse ses ambitions.
La représentante de la société ajoute que ses équipes travaillent actuellement sur une nouvelle communication relative à la durabilité pour l’année 2025 et qui devrait aboutir à une modification de l’affichage du magasin de Rennes.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :
- au titre de la véracité des actions (point 2) :
- « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
- au titre du « vocabulaire » (point 7) :
-
- « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
- 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ».
Le Jury relève que la publicité critiquée correspond à une affiche très grand format, apposée sur le bâtiment qui abrite le magasin C&A de Rennes et faisant apparaître, sur sa partie gauche, une photographie d’enfants qui se donnent l’accolade ou la main avec en surimpression le logo de la marque (C&A), et, sur sa partie droite, un texte écrit en blanc sur fond vert : « Une mode plus durable c’est simple » avec, dans le coin supérieur droit, un encadré : « # wear the change ».
Comme l’observe le plaignant, l’expression employée et qui plus est, contextualisée sur un fond de couleur verte et accompagnée d’une photographie d’enfants souriants et épanouis, renvoie à l’idée d’un résultat obtenu et donc à l’idée que les produits vendus par la marque sont durables, c’est-à-dire compatibles avec un développement assurant, pour reprendre les termes de la citation introduisant la Recommandation précitée : « la capacité des générations présentes à satisfaire leurs besoins sans compromettre l’aptitude des générations futures à couvrir leurs propres besoins ».
Or la publicité associe ce terme à la marque sans la moindre explication ou justification alors même qu’elle accrédite l’idée que ce caractère durable est à la portée de tous (« c’est simple »), ce qui, notamment dans ce secteur d’activité, ne va pas tout à fait de-soi, nonobstant les explications apportées par l’annonceur à l’occasion de la présente plainte, sur la politique de la marque en matière de développement durable.
En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les règles déontologiques précitées.
Avis adopté le 10 janvier 2025 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.
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