JDP

Avis JDP n°450/17 – AUTOMOBILE – Plainte fondée

Avis publié le 20 juin 2017
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 21 novembre 2016, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité diffusée sur Internet en faveur d’un modèle de véhicule automobile de type Crossover.

Cette publicité présente le véhicule circulant dans un environnement naturel.

2. Les arguments échangés

– Le plaignant considère que cette publicité qui montre un véhicule circulant en dehors de voies ouvertes à la circulation contrevient aux règles rappelées dans les bilans déontologiques de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 6 janvier 2017, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

La société, qui notamment importe et commercialise en France des véhicules automobiles sous la marque en cause, a précisé dans un mémoire qu’elle a fait parvenir au Jury que :

Sur la recevabilité de la plainte

Le lien visé dans la plainte renvoie à un seul film et non à une « playlist Youtube » (dont l’intitulé n’est même pas indiqué). Ainsi, en application des dispositions de l’article 11 du Règlement intérieur du Jury, seul le film auquel renvoie le lien précisément visé dans la plainte doit faire l’objet du contrôle.

L’annonceur précise de plus qu’il n’entre pas dans les missions du Jury de statuer sur la violation de dispositions législatives qui relèvent de l’appréciation des tribunaux et qu’en conséquence, il ne peut se prononcer sur le respect des dispositions légales invoquées par le plaignant.

Par ailleurs, la société précise que ce film a été diffusé à la télévision et qu’il a ainsi fait l’objet d’un avis de diffusion favorable de la part de l’ARPP. Or les règles déontologiques dont le Jury est en charge de contrôler l’application sont élaborées par l’ARPP elle-même. Il y aurait donc un paradoxe à considérer qu’une publicité autorisée par l’Autorité ayant elle-même élaboré les règles de déontologie puisse ensuite être considérée, au regard de ces mêmes règles, comme correspondant « manifestement à un cas relevant d’un manquement flagrant aux règles professionnelles, en particulier aux dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP » comme cela ressort du courrier adressé le 6 janvier 2017 à la société.

Rendre une décision contraire à un avis de l’ARPP reviendrait, selon elle, à ôter tout intérêt aux avis de l’ARPP. Plus encore, rendre une décision contraire à un avis de l’ARPP serait une atteinte au principe constitutionnel de sécurité juridique dont le Jury ne saurait s’affranchir.

Sur le fond de la plainte, la société annonceur explique que l’avis de diffusion favorable de l’ARPP était en outre parfaitement justifié, la publicité en cause étant conforme à la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP et à la position constante de celle-ci sur la question.

Elle rappelle que l’article 9.1 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose que « La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple : […] e/ La représentation, sous quelque forme que ce soit, de véhicules à moteur en milieu naturel devra clairement les positionner sur des voies ouvertes à la circulation. […] ». Afin de permettre une application plus concrète de ces dispositions, le Bureau de Vérification de la Publicité avait précisé qu’il faut entendre par « voies ouvertes à la circulation » les « voies carrossables, c’est-à-dire dont la nature ou l’état permet la circulation. Concrètement, tout véhicule doit apparaitre sur des voies visiblement/clairement tracées et/ou empruntées par divers véhicules et matérialisées » ; qu’« une voie ouvert à la circulation sera matérialisée par tous signes tels que des bornes, fléchages, panneaux, bandes au sol, talus, … » ; – que l’état de la voie n’a pas d’importance, « elle peut être en terre, goudronnée ou non goudronnée, en bon ou en mauvais état : route dégradée, chemin mal empierré, route de campagne en terre (sable, graviers etc.), bordée de talus ou autre, rue recouverte d’asphalte ou même de dalles voire chemin / route mal entretenus (avec de l’herbe repoussant au milieu, des nids de poule, ou des flaques etc.). L’essentiel est que cette voie se distingue de l’environnement naturel ».

Elle indique que l’ARPP a relevé divers cas de manquements dans son 8e bilan Publicité & environnement de juin 2016, dans lequel on peut relever qu’est interdite la représentation de véhicules à moteur en milieu naturel dès lors qu’il est flagrant qu’ils ne sont pas sur des voies ouvertes à la circulation.

Elle précise avoir adopté cette démarche en veillant, malgré la nécessité de mettre en avant un véhicule de type Crossover et la volonté d’évoquer le thème de l’aventure en famille, dans des espaces naturels (montagne en l’occurrence), à ce que son véhicule soit systématiquement représenté sur des voies manifestement ouvertes à la circulation et distinctes de l’environnement naturel dans lequel se situe l’action.

La société annonceur transmet différentes captures d’écran du film démontrant, selon elle, qu’une analyse détaillée de la publicité en cause permet d’observer que les règles susvisées ont été respectées : la route est parfaitement matérialisée (goudronnée, bandes au sol, poteaux

sur les côtés de la route), le chemin sur lequel la voiture s’apprête à s’engager est également incontestablement une voie ouverte à la circulation, dès lors notamment qu’elle est accessible depuis la première route. Elle est en outre matérialisée puisqu’elle est en terre (contrairement aux champs en herbe qui la bordent) et signalée par des poteaux en bois (usuel à la campagne). Elle est donc distincte de l’environnement naturel. Elle ajoute que si le plan situé à la 20ème seconde, pris isolément, pourrait paraître ne pas respecter les dispositions de l’article 9.1 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, ce plan séquence dure moins d’une seconde avec le plan suivant compris et que ces deux plans sont insérés entre deux autres plans où le véhicule est incontestablement situé sur des voies ouvertes à la circulation. L’annonceur estime donc évident que le «trajet » entre les deux et qui dure moins d’une seconde se fait également sur une voie ouverte à la circulation ; même avec un arrêt sur image, il reste possible de distinguer la voie (route avec des graviers) de l’environnement naturel qui l’entoure (beaucoup plus rocailleux).

Le plan qui suit les 2 précédents d’une seconde confirme qu’il s’agit d’une voie ouverte à la circulation puisque l’on aperçoit aisément que le chemin est distinct de l’environnement rocailleux qui l’entoure. Un panneau indiquant un parking vient également matérialiser la voie, donc nécessairement ouverte à la circulation. La voie est ensuite matérialisée par des bornes (potelets) qui la bordent et qui la distinguent de l’environnement naturel. Enfin, le véhicule est stationné sur un espace de stationnement à nouveau matérialisé par des bornes (rondins) qui le distinguent de l’environnement naturel, spécialement du bord de la rivière.

Ainsi, selon l’annonceur, les deux seules séquences où il pourrait éventuellement être considéré comme « non flagrant » qu’il s’agisse de voies ouvertes à la circulation (0:11 et 0:20) sont comprises entre des séquences où le véhicule se trouve incontestablement sur des voies manifestement ouvertes à la circulation bien distinctes de l’environnement naturel.

Ces deux séquences sont en outre très fugaces, de sorte qu’il ne peut être considéré que le véhicule se trouve dans un environnement naturel manifestement non ouvert à la circulation comme le prétend le plaignant.

Pour la société annonceur, il résulte donc de cette analyse détaillée de la vidéo en cause que le véhicule de la marque est représenté tout au long de la publicité sur des voies ouvertes à la circulation distinctes de l’environnement naturel.

3. L’analyse du Jury

– Le Jury rappelle que la Recommandation «Développement durable» de l’ARPP prévoit dans son point 9 « Impacts éco-citoyens » que :

« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant compte notamment de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité. (…)

9/1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

b/ La représentation, sous quelque forme que ce soit, de véhicules à moteur en milieu naturel devra clairement les positionner sur des voies ouvertes à la circulation. »

Sur la recevabilité de la plainte qui est contestée, le Jury observe qu’ainsi que le soutient la société annonceur, la plainte renvoie expressément à un seul film par l’énoncé des coordonnées du lien permettant d’y accéder. En conséquence, il ne peut se prononcer sur d’autres films présents dans la « play list Youtube » qui est évoquée par le plaignant.

Par ailleurs, il est exact qu’il n’entre pas dans les missions du Jury de statuer sur la violation de dispositions législatives qui relèvent de la seule appréciation des tribunaux. Conformément à l’article 3, alinéa 4, de son règlement intérieur, le Jury ne se prononce que sur le respect des dispositions des recommandations de l’ARPP et celles du code de la Chambre de commerce Internationale que l’ARPP a déclaré faire siennes.

Sur la plainte, le Jury précise que même s’il prend en considération les raisons qui ont pu conduire l’ARPP à délivrer ses avis préalables, soit pour une diffusion à la télévision, soit dans le cadre de son activité de conseil, il n’est pas lié par l’appréciation qu’elle a pu porter sur le respect de la déontologie.

En tout état de cause, pour ce qui concerne le film sur lequel porte la plainte, le Jury a visionné le film qui a recueilli un avis favorable des services de l’ARPP avant sa diffusion télévisée. Il a pu constater que le film publicitaire diffusé sur Internet, n’est pas exactement identique à celui diffusé à la télévision et comporte au moins un plan supplémentaire qui sera analysé dans le développement qui suit.

En effet, si le film diffusé sur Internet présente le véhicule sur des voies ouvertes à la circulation matérialisées par plusieurs éléments, goudronnage, panneaux ou bornes diverses, il comporte, juste avant sa fin, un plan où l’avant de la voiture envoie une gerbe d’eau qui permet de constater qu’elle sort du torrent, auprès duquel elle s’arrête ensuite sur une aire de parking. La présentation du plan et le positionnement du véhicule exclut qu’il puisse s’agir d’une flaque d’eau. Il est enfin sans effet que ce plan soit fugace et unique dans le film concerné par la plainte.

En conséquence, le Jury est d’avis que cette image présentant le véhicule sortant du torrent et donc d’une aire qui n’est pas ouverte à la circulation n’est pas conforme aux dispositions du point 9. 1,b de la Recommandation de l’ARPP sur le développement durable précité.

Avis adopté le 3 février 2017 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM. Benhaïm, Depincé, Lacan et Leers

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