Décision publiée le 22.11.2010
Plainte rejetée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après avoir entendu les représentants du syndicat représentant les chaînes de télévisions et de l’ARPP,
– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 29 septembre 2010 d’une plainte émanant d’une société d’imprimerie afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité télévisée en faveur d’un distributeur qui invite le téléspectateur à participer au projet en renvoyant vers la consultation de son site internet dédié.
Le film met en scène un homme regagnant son domicile après avoir récupéré un prospectus dans sa boîte aux lettres et être passé devant l’appartement de ses voisins en train de classer divers documents dans des sacs.
Une fois arrivé dans son appartement, le personnage dénommé Monsieur L. range minutieusement le prospectus au milieu de nombreux autres documents qu’il a préalablement empilés et disposés dans son logement avec soin.
Ces images sont accompagnées du texte suivant « Monsieur L. habite au 24. Comme tous ses voisins du 24, Monsieur L. reçoit des prospectus. Le prospectus est une source d’information utile sur les produits et les prix. Mais Monsieur L. qu’est-ce qu’il aime ? le papier ou l’info qu’il y a dedans ? Participez au projet x. Désormais le distributeur vous propose de recevoir toutes les infos promotionnelles sur Internet ou votre mobile. Rendez-vous sur le site de l’opération ».
2.Les arguments des parties
– Le plaignant, l’entreprise d’imprimerie, considère que le discours véhiculé par cette publicité met en cause le papier et le présente comme un produit polluant, que le renvoi vers l’utilisation de moyens dématérialisés pour s’informer sur les offres présente également un impact écologique qui n’est nullement mentionné et délivre une information erronée sur le secteur de l’imprimerie et le media papier qui est un produit renouvelable, biodégradable et recyclable. Il fait valoir que de telles pratiques sont de nature à porter atteinte à la santé économique de toute une filière professionnelle.
– L’annonceur sollicite le rejet de la plainte et précise les motifs de sa demande :
Sur l’argumentaire environnemental
L’entreprise plaignante soutient que la publicité critiquée veut supprimer le prospectus d’ici 2020 en le remplaçant par l’e-mail sous prétexte que le papier et l’encre sont des polluants.
L’annonceur fait valoir que le film Monsieur L. ne dénonce à aucun moment le caractère polluant du papier et de l’encre. En effet, ce film exprime exclusivement le choix d’une évolution vers le prospectus dématérialisé. Selon lui, l’argument écologique du plaignant serait d’ailleurs inexact et il rappelle que sur la base de ces éléments, plusieurs mouvements « STOP PUB » ont été initiés dont notamment le mouvement du Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de la Mer dénommé « Stop Pub : moins de prospectus dans sa boîte aux lettres, c’est possible ».
En conséquence, le bilan environnement du prospectus papier établit par l’imprimerie plaignante est, selon l’annonceur, inexact et sa comparaison avec le prospectus dématérialisé non pertinente.
Sur l’argumentaire économique
L’entreprise plaignante allègue que, par son film, le mouvement du distributeur poursuivrait le « seul but de réduire ses charges et casser les emplois associés en interne et en externe » et que « Leclerc transfère ainsi les charges sur le consommateur qui paiera les connexions internet pour lire les offres sans pour autant payer moins cher ses produits ».
L’annonceur précise sur ce point que le budget du mouvement lancé par le distributeur affecté à la création des prospectus papier est marginal (0.3% du chiffre d’affaires) au regard du chiffre d’affaire généré par les prospectus (10%). Il est donc peu sérieux de prétendre que pour ces motifs d’économie de coût, le mouvement de l’enseigne de distribution aurait fait un choix consistant à réduire un budget marginal au risque de mettre en péril consécutivement 10% de son chiffre d’affaires.
Il ajoute que le choix d’évoluer vers le prospectus dématérialisé repose sur des fondements sérieux et réfléchis. Cette évolution se place en effet dans la mouvance des « STOP PUB » lancés pour des motifs environnementaux au début des années 2000, par plusieurs associations puis entérinés par le Ministère de l’Ecologie. Elle paraît de plus inéluctable, comme le mentionne l’article d’un journal du 8/10/2010 transmis en annexe, qui indique que dans 5 ans, 55% des lecteurs accèderont à leurs contenus par voie dématérialisée. Refuser cette évolution technologique inéluctable placerait le mouvement du distributeur en retard et fragiliserait son activité, de sorte qu’accompagner cette évolution et en informer et préparer le consommateur relèvent d’une bonne administration du mouvement.
– L’agence de communication fait savoir que la réponse de son client ne nécessite pas d’être complétée.
– Selon la chaîne de télévision publique, le plaignant tient à instrumentaliser le JDP face à une campagne qui ne s’inscrit pas dans un contexte favorisant sa propre activité. Pour autant, ses reproches sont infondés dans la mesure où, à aucun moment, l’annonceur ne fait référence à la pollution par le papier ou par les encres des prospectus. Les seuls éléments mis en avant concernent explicitement la valeur de l’information et implicitement le gain d’espace réalisable. Aucun argument écologique n’est donc utilisé.
La chaîne de télévision publique se retranche par ailleurs derrière l’avis favorable de l’ARPP.
– Le syndicat représentant les chaînes de télévision, présent lors de la séance, fait valoir que l’avis de l’ARPP a été favorable.
Il ajoute que le spot en cause ne dénonce pas une pollution environnementale comme le laisse penser la plainte mais plutôt une pollution domestique. En ce sens, la plainte apparaît infondée au regard de la recommandation Développement durable de l’ARPP.
– L’ARPP précise que s’agissant d’un spot télévisuel, elle a eu à examiner cette publicité avant sa diffusion.
Un projet avait préalablement été soumis par l’agence de communication dès le script, pour conseil préalable, en septembre 2010. A ce stade, l’ARPP a veillé à ce que la présentation visuelle et le discours employés respectent les règles déontologiques en vigueur tant du point de vue de la publicité loyale que de la revendication environnementale implicite (« zéro prospectus »).
Pour ce faire, l’ARPP avait particulièrement noté que la présentation du projet du distributeur dans ce message s’appuyait sur un site Internet vers lequel le téléspectateur est explicitement renvoyé et qui comporte les informations nécessaires sur les actions effectivement menées par l’annonceur, pour la bonne compréhension du message.
Par ailleurs, l’ARPP a veillé à ce que les références à l’utilisation du prospectus papier ne puissent être perçues comme portant atteinte à la filière papier représentée ici par les prospectus ni aux professionnels intervenant pour ce média de diffusion :
– d’une part au niveau des allégations employées (« Monsieur L. reçoit des prospectus. Le prospectus est une source d’information utile sur les produits et les prix. Mais Monsieur L. qu’est-ce qu’il aime ? le papier ou l’info qu’il y a dedans ?). Ainsi, il a été particulièrement relevé l’emploi d’un vocabulaire modéré qui ne présente pas de façon négative l’utilisation du prospectus papier et se limite à renvoyer vers l’utilisation du site (Participez au projet x ». Désormais Leclerc vous propose de recevoir toutes les infos promotionnelles sur Internet ou votre mobile. Rendez-vous sur le site dédié du distributeur »), l’expression « zero prospectus » correspondant à la dénomination du projet d’entreprise sur laquelle l’ARPP n’est pas habilitée à se prononcer ;
– d’autre part, en ce qui concerne la mise en scène utilisée, laquelle en montrant un homme qui range, classe et conserve avec minutie des prospectus reçus et dont l’univers domestique semble exclusivement constitué de piles de papier, privilégie un ton décalé et caricatural qui rend le film acceptable.
Ces précautions ayant été prises en compte, un avis favorable a dès lors été délivré, sans restriction à la fin du mois de septembre.
Enfin, l’ARPP souligne que l’objet de cette campagne, qui vise à privilégier l’information publicitaire dématérialisée, n’a pas semblé aller à l’encontre des préconisations publiques en matière de développement durable. En effet, dans le cadre du Plan National de prévention des déchets qui vise à réduire la production de déchets, la campagne de sensibilisation de l’ADEME « Réduisons vite nos déchets, ça déborde » vise à alerter le public sur les gestes à accomplir en ce sens : la réduction des imprimés publicitaires et des journaux gratuits non adressés qui ne sont pas souhaités étant présentée comme un exemple, parmi bien d’autres, de ce qui peut être fait dans ce sens (utilisation du stop pub).
3.Les motifs de la décision du Jury
Le Jury constate que le spot incriminé ne contient aucun argument d’ordre écologique mais met en avant uniquement l’avantage tiré du gain de place permis par la dématérialisation des prospectus publicitaires. Il renvoie, par ailleurs, en des termes mesurés et qui ne peuvent être analysés comme dénigrant la filière papier, à un projet d’entreprise qui relève du seul choix de l’annonceur.
En conséquence, le Jury considère que ce film ne méconnaît pas les Recommandations de l’ARPP.
4.La décision du Jury
– La plainte est rejetée;
– La publicité du distributeur ne contrevient pas aux Recommandations de l’ARPP ;
– La présente décision sera communiquée au plaignant et à l’annonceur et à son agence de communication, ainsi qu’au syndicat représentant les chaînes de télévision et à la chaîne de télévision publique. Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le vendredi 5 novembre 2010 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio, et Ms Benhaim, Lacan, Leers et Raffin.