JDP

Avis JDP n°70/10 – JEUX VIDEO – Plainte fondée

Décision publiée le 22.09.2010
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les plaignants et l’annonceur ayant été avertis de la date de la séance par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juillet 2010,

– après voir entendu le représentant de l’ARPP,

– et après en avoir délibéré, hors la présence de l’ARPP et des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 24 juin 2010, par deux plaintes de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’un spot publicitaire télévisé en faveur du jeu vidéo A proposé par la société éditrice.

Le spot met en scène des personnages en image de synthèse au départ d’une course de jeu vidéo enfantin dans des véhicules imaginaires.

L’un des concurrents stoppe son engin et s’éloigne du circuit pour observer, admiratif, une autre course qui se déroule à proximité, plus réaliste montrant une course poursuite entre des véhicules de sport. L’un des personnages de son univers, un petit bonhomme rose, le rejoint et lui fait remarquer que « L’important n’est pas de gagner la course mais de se faire des amis » ; le premier personnage lui répond « La ferme » et lui envoie alors un coup de poing.

Le message est signé : « Jeu A, entrez dans la course des grands ».

2.Les arguments des parties :

– Les plaignants considèrent que cette publicité est violente et choquante car elle va à l’encontre de toute morale, le « gentil » étant frappé sans aucune raison. La valeur humaine qui consiste à se faire des amis est pulvérisée. L’un des plaignants regrette que ce spot soit diffusé en journée.

L’un des plaignants précise, en outre, que cette publicité montre une évidente scène de violence gratuite et banalisée et se réfère à l’application de la recommandation de l’ARPP en ses points 3/3 et 3/4.

Il ajoute que si un adulte peut trouver cette scène amusante par son caractère parodique, un enfant n’est pas forcément capable d’apprécier l’ironie et le seul message qu’il comprendra est que l’important est d’être le gagnant et le plus fort au dépend des rapports sociaux comme l’amitié.

En cela, cette publicité qui s’adresse aux enfants peut être également perçue comme contraire à la Recommandation Enfant de l’ARPP, points 4/2 et 4/3.

– L’annonceur fait valoir que le jeu en cause est un jeu de course unique qui se déroule dans un monde moderne avec des voitures et des pistes réelles. Les développeurs du jeu se sont déplacés sur chaque lieu pour les représenter fidèlement dans le jeu. La conduite des véhicules est extrêmement réaliste.

Il explique que le spot illégitimement incriminé a vocation à s’adresser à un public mature, capable d’apprécier l’expérience inédite apportée par le jeu loin des jeux de courses existants, évoluant dans un univers enfantin et abstrait. Ce spot tient compte de la maturité et de l’expérience du public auquel il s’adresse. Il a été réalisé sur un ton humoristique et décalé sans jamais promouvoir directement ou indirectement la violence. Il met en scène des personnages de dessins animés et la réaction du petit personnage est l’illustration de sa frustration de ne pouvoir participer à l’excitation d’une course dans le jeu.

Ce spot se trouve, selon la société éditrice, conforme aux recommandations de l’ARPP en ce qu’il a reçu son agrément par l’émission d’un avis favorable n°2010.05.1477. L’annonceur précise que le spot n’est plus diffusé.

Il affirme être très sensible à la nécessité de réguler les publicités pour veiller à la loyauté des contenus diffusés.

– L’ARPP qui a validé ce spot avant sa diffusion sur les chaînes précise que s’agissant d’un spot télévisé, elle a examiné cette campagne publicitaire dans le cadre de sa mission de contrôle des publicités télévisées avant diffusion. Différentes versions de spots lui ont été soumises d’abord pour conseil préalable sur projet, puis sur le film finalisé, lesquelles ont reçu un avis favorable sans restriction.

L’ARPP indique être particulièrement attentive, au quotidien, à ce que la publicité ne véhicule pas de présentation d’actes ou de situations violentes, qui plus est lorsqu’il s’agit de messages s’adressant plus particulièrement aux jeunes.

Les principes élémentaires en matière de publicité interdisent l’utilisation de la violence et ce, quels que soient les supports et quels que soient les publics exposés au message.

Les Recommandations « Image de la personne humaine » et « Enfant » prévoient en effet que :

« La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique.

La publicité ne doit, en aucun cas, par ses messages, ses déclarations ou sa présentation, banaliser la violence.     

Elle ne doit en aucun cas, par ses messages ou sa présentation, banaliser la violence ou la maltraitance, ni donner  l’impression que ces comportements sont acceptables.

 Elle ne doit pas inciter les enfants à reproduire des comportements agressifs ou violents.

L’article 18 du Code de la CCI rappelle qu’un soin particulier doit être mis en œuvre dans la communication ciblant les jeunes et stipule que « La communication de marketing ne doit comporter aucune déclaration ou aucun traitement visuel qui risquerait de causer aux enfants ou aux adolescents un dommage sur le plan mental, moral ou physique »

De plus, s’agissant de publicité télévisée, l’ARPP prend nécessairement en compte, lorsqu’elle rend ses avis avant diffusion, la grande vigilance du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel en matière de protection des mineurs et la stricte application des dispositions du décret du 27 mars 1992 (article 4) qui en découle.

Concrètement, l’ARPP déconseille de façon générale la mise en évidence de coups, de gifles, de destructions volontaires de biens, de propos violents…etc

Parfois, la nature du produit ou du service présenté peut cependant justifier le recours à des allégations ou des illustrations se référant à un univers violent (DVD de films, Jeux vidéo,…) et l’ARPP prend évidemment en compte cet élément.

En l’espèce, l’ARPP a considéré que le ton employé, le caractère humoristique du scénario, le traitement visuel et l’univers très irréaliste et fictif dans lequel évoluent des personnages imaginaires conféraient un aspect décalé au message et le rendait compatible avec les dispositions juridiques et déontologiques en vigueur.

3.Les motifs de la décision du Jury

Il résulte des dispositions déontologiques, notamment celles contenues dans les Recommandations de l’ARPP

– Image de la personne humaine, que :

et Enfant, que :

Le Jury relève que la publicité en cause, par l’univers qu’elle décrit et les personnages qu’elle représente, est susceptible d’intéresser un public de jeunes ou d’enfants, qu’elle montre explicitement un acte violent totalement non justifié, qu’elle déconsidère le personnage « gentil » qui fait l’éloge de l’amitié et se termine par une invitation à rejoindre le monde des grands illustré comme étant celui de la violence.

Une telle publicité, qui est à l’opposé des idéaux du sport dont elle se réclame, présente favorablement des actes antisociaux ou violents et véhicule un message qui va à l’encontre de tout  objectif éducatif, tel qu’énuméré dans la Recommandation Enfant.

Elle méconnaît, en conséquence, l’ensemble des Recommandations précitées.

4.La décision du Jury

– La plainte est fondée ;

– Le message publicitaire en cause méconnaît la Recommandation Image de la personne humaine dans ses points  3/3 et  3/4 et la Recommandation Enfant dans ses points 2, 2/1 ,2/2, 4/2 et 4/3 .

– Il est demandé au directeur général de l’ARPP de prendre les mesures nécessaires à la cessation et au non renouvellement de ce message.

– La décision du Jury sera communiquée aux plaignants, à la société éditrice, à l’agence de communication, au syndicat représentant les chaînes de télévision et à l’ARPP;

– elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 10 septembre 2010 par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio,  MM. Benhaïm,  Lacan, Leers et Raffin.

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