JDP

Avis JDP n°4bis/08 – GRANDE DISTRIBUTION

Décision publiée le 04.02.2009

Demande de révision rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– vu la décision du JDP en date du 5 décembre 2008,

– vu la demande de révision présentée par l’agence de communication le 5 janvier 2009,

– après avoir entendu les représentants de l’agence de communication, le 22 janvier 2009,

– et après en avoir délibéré,

rend la décision suivante

1.Rappel des faits et de la procédure

Par lettre du 5 janvier 2009, le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, par l’agence de communication concernée, d’une demande en révision de la décision prise le 5 décembre 2008 et par laquelle il a décidé qu’une publicité pour une enseigne de distribution, réalisée par l’agence, et diffusée dans divers médias, ne respectait pas les principes de déontologie  énoncés par les articles 1 et 5 du code consolidé sur les pratiques de publicité et la Recommandation relative aux mentions et renvois du BVP, devenu l’ARPP, et que cette publicité devait être retirée.

La décision du JDP a été communiquée par lettre simple, adressée aux sociétés concernées, le 15 Décembre 2008. Elle a été publiée sur le site internet du JDP le 16 décembre 2008.

Les parties ont été convoquées à la séance du JDP par lettre recommandée du 12 Janvier 2009, reçue le 13 Janvier 2009.

L’agence soutient que la procédure a été entachée de divers manquements au règlement intérieur du JDP, et notamment à ses articles 11 relatif aux saisines et 12 relatif à l’instruction des plaintes, qui sont les suivants :

Ensuite, l’agence oppose un certain nombre d’éléments contestant l’analyse faite par le Jury sur le défaut de respect des principes déontologiques du message publicitaire en cause. Elle conteste enfin la mise en jeu éventuelle de sa responsabilité.

2.Recevabilité de la demande de révision de la décision

L’article 22 du règlement du JDP prévoit la possibilité pour tout annonceur, agence, média ou plaignant, de demander la révision de la décision que le JDP a rendue à son encontre, en cas de survenance d’éléments nouveaux non connus par le JDP à la date de sa décision et/ou dans le cas où la procédure devant le Jury n’a pas été menée conformément au chapitre D de ce règlement. La demande doit intervenir dans le délai d’un mois qui suit la date de réception de la décision.

La demande de révision, présentée dans le délai d’un mois à compter de la réception de la décision, par l’agence qui a réalisé la publicité incriminée et qui soutient, notamment, que la décision comporte divers manquements au chapitre D du règlement du JDP est recevable.

3.Sur la procédure

L’agence soutient, d’une part, qu’aucune disposition du règlement du Jury ne l’autorise à occulter l’identité de l’auteur de la plainte, d’autre part, que ce traitement est discriminatoire par rapport à deux autres plaintes examinées le même jour qui n’ont pas fait l’objet du même traitement et, enfin, qu’il aurait été essentiel de connaître les éléments d’identification complets du plaignant, afin que puisse être vérifié, d’un côté, qu’il ne s’agissait pas en réalité de la plainte d’un concurrent, de l’autre, que la plainte qui se fondait sur une comparaison entre la réalité des prix et le texte de l’annonce était fondée.

L’article 11 du règlement intérieur dispose que «  le JDP peut être saisi d’une plainte par toute personne physique ou morale … une plainte pour être prise en compte doit être transmise au JDP par écrit et être clairement motivée . Il convient dans la mesure du possible, d’annexer une copie ou une reproduction de la publicité, ou, à défaut, d’indiquer où et quand cette publicité a été diffusée. Les plaintes anonymes ne sont pas traitées. Toute plainte doit être accompagnée du nom complet et des coordonnées du plaignant ». L’article 12 prévoit quant à lui que, lorsque la plainte est instruite et soumise au JDP pour délibération, le secrétariat du Jury en transmet une copie à l’annonceur, à l’agence et au média concerné.

Il résulte de ces dispositions que d’une part, une seule plainte émanant d’une personne physique ou morale peut suffire à saisir valablement le Jury dès lors qu’elle est clairement motivée et qu’elle n’est pas anonyme et d’autre part, que les personnes mises en cause doivent en recevoir une copie .

Si aucune disposition du règlement du JDP ne mentionne la possibilité d’anonymiser les copies des plaintes qui sont transmises aux personnes mises en cause lorsqu’elles émanent de particuliers, ce procédé répond à la volonté légitime de protéger les plaignants, personnes physiques, contre d’éventuels reproches ou pressions en vue d’un retrait de plainte qui pourraient être exercés contre elles. Ce procédé ne se justifie pas en ce qui concerne les plaignants personnes morales pour lesquelles la personne est un écran entre les personnes physiques qui la composent et les tiers. C’est la raison pour laquelle la désignation de l’association qui a déposé plainte contre une publicité diffusée par une fondation de défense des animaux a été énoncée dans la décision rendue à l’égard de cette dernière. Le procédé ne se justifie pas non plus lorsque le particulier plaignant demande lui-même à assister à la séance, ainsi que cela fût le cas dans le cadre de l’autre plainte évoquée par l’agence.

S’agissant de l’atteinte aux droits de la défense, qui résulterait de la méconnaissance des éléments d’identification du plaignant, le Jury souligne en premier lieu, que la copie de la plainte qui a été communiquée à l’agence, si elle n’indiquait pas, pour les raisons exposées ci-dessus, le nom et l’adresse de son auteur, comportait l’indication du message publicitaire qui l’avait causée et était clairement motivée. L’agence était ainsi informée des manquements qui lui étaient reprochés et mise à même de faire valoir toutes les explications et les arguments nécessaires à sa défense. En second lieu, il rappelle que sa décision ne porte que sur la conformité, ou non, d’un message publicitaire aux principes déontologiques fixés par l’ensemble des acteurs de la profession au travers des Recommandations de l’ARPP qui reprennent ceux édictés par la Chambre de Commerce Internationale et peuvent être plus exigeants que les dispositions légalement applicables. Cette analyse est menée de façon objective, elle ne concerne nullement les questions de conformité aux dispositions légales et réglementaires régissant la publicité qui relèvent des instances judiciaires, ni les questions de préjudices qui auraient pu être causés au plaignant. L’identité de ce dernier est donc sans emport sur l’exercice des droits de la défense.

Dans le cadre de sa défense sur le fond, l’agence soutient encore que le Jury de Déontologie Publicitaire n’aurait pas du retenir la plainte qui est demeurée unique et n’est pas représentative du large public ayant pu prendre connaissance de la publicité incriminée ni du consommateur moyen. Cependant, ainsi qu’il été rappelé précédemment, il résulte des dispositions de l’article 11 du règlement qu’une seule plainte peut suffire à déclencher l’examen du Jury sans que le caractère isolé de celle-ci suffise, à lui seul, à déterminer son analyse sur la conformité du message aux règles déontologiques.

L’agence rappelle que l’article 12 du règlement énonce que le secrétariat du Jury doit réunir « tous les éléments permettant de poser un diagnostic sur la conformité ou la non-conformité, du message mis en cause avec les règles déontologiques de l’ARPP ».  Elle soutient qu’elle n’a reçu communication d’aucun élément relatif à cette instruction, ce qui témoignerait d’une violation des droits de la défense, soit en ce qu’elle n’aurait pas eu communication de tous les éléments du dossier, soit en ce que le défaut d’instruction préalable l’aurait privée de moyens de défense. Elle précise que la plainte l’accusant de publicité trompeuse, le Jury devait instruire « à charge et à décharge ».

A titre liminaire, le Jury précise que, chargé de statuer sur le respect des règles déontologiques par les messages diffusés dans le public, il ne saurait être tenu par les termes de la plainte. Sa décision, rendue le 5 décembre 2008, ne qualifie en rien la publicité en cause de « trompeuse », elle retient seulement que celle-ci est susceptible, soit en raison d’un examen trop rapide ou inattentif, soit en raison d’un déficit de compréhension d’induire le consommateur en erreur sur un élément auquel il est particulièrement sensible : le prix. Le Jury n’avait donc pas, contrairement à ce que soutient l’agence, à vérifier le caractère véridique ou non des allégations contenues dans la plainte et selon lesquelles le plaignant n’aurait pas constaté la différence de prix annoncée dans les magasins qu’il fréquente, ces termes témoignant  seulement de la confusion que peut entraîner, dans l’esprit des consommateurs, le message examiné.

Dans ce cadre, les éléments de l’instruction permettant au Jury de se prononcer sont la plainte, le message publicitaire critiqué, les recommandations déontologiques dont la méconnaissance pourrait être invoquée, ainsi que, éventuellement, les observations des parties.

Lors de la séance, l’ARPP qui était représentée a rappelé les termes de la plainte, le déroulement de la procédure suivie à la suite du dépôt de cette plainte et qu’elle avait par lettre du 19 novembre 2008, antérieure à la saisine, déjà fait connaître à l’agence que la présentation de la publicité en cause était contraire aux principes selon lesquels la publicité doit être véridique et loyale.

S’agissant de la communication de la plainte, l’agence oppose que la correspondance qui lui a été adressée le 24 novembre 2008, l’informant de l’existence d’une plainte, ne contenait pas la copie de celle-ci, la privant ainsi de la possibilité de se défendre correctement.

Il convient cependant de rappeler qu’ainsi qu’il a déjà été relevé, dès le 19 Novembre 2008, le directeur général de l’ARPP avait, par une lettre recommandée reçue le 27 Novembre 2008, appelé l’attention de l’agence sur le fait que la publicité en cause était, par sa présentation et sa formulation, de nature à induire le consommateur en erreur. Par ailleurs, le courrier du 24 novembre 2008 précisait quelle était la publicité visée et, enfin, le texte de la plainte a été communiqué tant à l’agence qu’à l’annonceur le 1er décembre 2008.

L’agence, qui était donc ainsi informée du message qui avait fait l’objet d’une plainte et des difficultés qu’il posait au regard des principes déontologiques, n’a fait de démarche auprès du JDP ni pour annoncer le dépôt d’observations écrites, ni pour demander un nouveau délai pour produire de telles observations ni demandé le report de la séance pour davantage préparer sa défense ; elle ne saurait, dans ces conditions, légitimement invoquer une violation de ses droits à cet égard.

L’agence soutient encore que la convocation à la séance, adressée avant sa réponse relative à l’existence de la plainte et avant que celle-ci ne lui ait été communiquée, constitue une infraction au processus d’instruction défini par l’article 12 du règlement, dont il résulterait que c’est au regard de la réponse des personnes mises en cause que le Jury doit décider de l’opportunité d’une convocation.

Les termes de l’article 12 du règlement qui précise qu’« en cas de doute ou, a fortiori, de présomption de manquement, la plainte est instruite et soumise au JDP pour délibération. Dans ce dernier cas le secrétariat transmet une copie de la plainte à l’annonceur et (…) à l’agence (…) en les invitant à lui communiquer leurs arguments par écrit », n’implique nullement l’ordre chronologique invoqué.

L’agence oppose que le fait qu’elle n’ait pas été autorisée, le jour de la séance, à déposer les observations écrites qu’elle n’avait pu matériellement produire auparavant, compte tenu du délai écoulé entre la convocation et la séance, constitue une atteinte aux droits de la défense en ce que le Jury a été privé « d’un support ».

Avertie des difficultés posées par la publicité en cause le 19 novembre 2008, puis de l’existence de la plainte le 24 novembre 2008 qui lui a été communiquée le 28 novembre 2008 suivant par une lettre reçue le 1er décembre 2008 en même temps que la convocation à la séance du 5 décembre 2008, la société a disposé d’un délai qui lui a permis d’exposer ses moyens de défense et ses explications. A aucun moment, elle n’a demandé qu’en raison du délai qui lui avait été imparti, l’examen de l’affaire soit reporté.

Le Jury rappelle que l’agence a développé oralement le jour de la séance tous les éléments de défense qu’elle a indiqué être contenus dans le mémoire refusé et qu’elle souhaitait faire valoir devant lui et qu’à l’issue de ses observations orales, des questions lui ont été posées et des explications demandées par les membres du Jury auxquelles elle a pu répondre.

Elle n’invoque enfin aucun grief résultant de ce que le mémoire contenait des moyens ou arguments qu’elle n’aurait pu faire valoir oralement et de ce qu’ils auraient nécessairement conduit le Jury à prendre une décision différente de celle qu’il a prise.

4.Sur le fond

L’agence, soutient que la jurisprudence sur la publicité trompeuse retient que le public doit faire un effort de réflexion et que, pour être qualifiée comme telle, la publicité doit être susceptible de tromper un consommateur normalement intelligent et attentif. Elle reproche au Jury de ne pas avoir adopté la même analyse. Elle indique que l’auteur de la plainte n’est pas représentatif et qu’il n’a subi aucun préjudice. Elle oppose que les mentions de renvoi sont conformes aux prescriptions de la Recommandation de l’ARPP « mentions et renvois » et que la méthode de comparaison des prix a été validée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 18 juin 2008. Elle indique enfin qu’elle n’a commis aucune faute et ne saurait engager sa responsabilité.

Le Jury rappelle qu’il résulte de l’article 22 du règlement intérieur, que la révision d’une de ses décisions peut être demandée en cas de survenance d’un élément nouveau non connu du Jury à la date de sa décision.

Or, les seuls éléments nouveaux invoqués et produits par l’agence consistent dans le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 29 mars 2007 et l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 18 juin 2008, qui selon elle, ont validé le mode de calcul et de présentation des prix utilisé par le message publicitaire en cause pour la comparaison entre les distributeurs. Cependant, cette décision judiciaire, qui ne traite que de la méthode de comparaison des prix entre les grandes enseignes et de la concurrence déloyale qui aurait pu en résulter, n’est pas de nature à modifier le constat de la décision du JDP selon lequel, au regard des règles de déontologie applicables, la présentation du message comporte une ambiguïté dépassant l’hyperbole et le symbolique qui le rend susceptible, soit en raison d’un examen trop rapide et inattentif soit en raison d’un déficit de compréhension, d’induire en erreur le consommateur sur un élément, auquel il est particulièrement sensible, le prix.

5.La décision du Jury

– La demande en révision de l’agence de communication est rejetée

– La présente décision sera communiquée au plaignant, à l’annonceur et à l’agence. Elle sera diffusée sur le site internet du JDP.

Délibéré le jeudi 22 janvier 2009 par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio et Mrs, Lacan, Leers et Raffin.

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