JDP

Avis JDP n°287/13 – ARTICLES DE PUÉRICULTURE – Plainte rejetée

Décision publiée le 26.12.2013
Plainte rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants de l’annonceur et du site ayant réalisé l’interview,

– et, après en avoir délibéré hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 15 octobre 2013, d’une plainte de particuliers se réclamant de l’association Initiative citoyenne, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une vidéo publicitaire, diffusée sur internet, en faveur du programme en matière de vaccination contre le tétanos de l’annonceur.

La vidéo mise en cause se présente comme une interview de la chanteuse Jenifer, marraine de la campagne 2013 de l’UNICEF sur la lutte contre le tétanos, en partenariat avec l’annonceur.

Ses propos se concluent par la phrase « Achetez un paquet de X parce que ça sauve automatiquement une vie ».

2.Les arguments des parties

 L’association plaignante fait valoir que cette publicité est trompeuse au regard des données acquises et actuelles de la science. La vaccination antitétanique n’est pas une protection automatique contre la morbidité et la mortalité, puisqu’on peut développer la maladie en ayant été vacciné et en ayant des anticorps. Partant, la chanteuse Jenifer contribue à une publicité ouvertement trompeuse en faveur de la firme et indirectement de la vaccination en général.

L’association plaignante renvoie à un site internet qui démontre le caractère dangereux et répréhensible de ce genre de publicité désinformatrice et irresponsable dans un domaine aussi sensible que celui de la santé.

L’association plaignante relève également que cette présentation des prétendus bénéfices de la vaccination anti-tétanique de façon trop absolue, tout en taisant complètement ses risques, est de nature à induire le consommateur en erreur, en méconnaissance des articles 3 et 5 du Code de la Chambre de Commerce Internationale. Elle renvoie à cet égard à la décision rendue par le Jury d’Ethique Publicitaire en Belgique, le 9 novembre 2011, dans un cas très similaire.

L’annonceur fait valoir que contrairement à ce qu’affirment les plaignantes, il ne s’agit pas d’une « publicité sous forme de publi-reportage » mais seulement d’une interview de la chanteuse Jenifer réalisée par un journaliste indépendant. En vertu du principe de liberté d’expression et de liberté de la presse, l’annonceur n’a eu aucun droit de regard concernant le contenu de cette interview, qu’il n’a pas sollicité ni financé. Il ne s’agit donc pas d’un film publicitaire destiné à promouvoir la vente de ses produits.

Après visionnage attentif de cette interview vidéo et lecture de sa transcription sur le forum, l’annonceur relève que la phrase faisant l’objet de la plainte « Achetez un paquet de X car cela sauvera AUTOMATIQUEMENT une vie » est introuvable. Les mots exacts de la chanteuse sont « En achetant un paquet de X, c’est un vaccin pour la maman qui protégera automatiquement son enfant si elle le fait vacciner », ce qui est évidemment très différent.

Cette affirmation est confirmée par l’UNICEF qui indique qu’ « un enfant dont la mère a été vaccinée contre le tétanos (maternel et néonatal) est aussi protégé contre la maladie au cours des premiers mois de sa vie » – c’est-à-dire pendant la période la plus critique et à laquelle cette maladie se révèle mortelle. De fait, selon l’OMS, le tétanos a été éliminé dans 30 pays sur les 59 initialement ciblés par l’UNICEF et le soutien de l’annonceur a contribué à éliminer la présence de cette maladie dans 10 pays.

Selon la société, la plainte remet en question, de manière bien plus générale, le bien fondé de la campagne de vaccination contre le tétanos maternel et néonatal menée par l’UNICEF, ce qui conduit l’annonceur à s’interroger sur la compétence du JDP pour juger de cette question, qui devrait relever des organismes de santé.

La vaccination est considérée par l’UNICEF comme un moyen efficace de lutte contre le tétanos maternel et néonatal. Le site internet de l’UNICEF consacre de nombreux articles pour démontrer l’utilité de la vaccination qui y est considérée comme un « droit à la vie ».

A ce titre, les messages véhiculés par Jenifer dans son interview ainsi que les campagnes publicitaires de l’annonceur visant à promouvoir ce partenariat sont parfaitement en ligne avec les principes de déontologie publicitaire.

Le responsable du site fait valoir que la vidéo en cause n’est en aucun cas un publi-reportage ou une publicité déguisée de la marque. Il s’agit d’une interview de la chanteuse Jenifer, réalisée par la rédaction, et portant sur l’engagement de celle-ci en tant que marraine d’une opération lancée par l’UNICEF, en partenariat avec l’annonceur. Cette interview n’est en aucun cas un publi-reportage à caractère commercial.

La phrase de conclusion « achetez un paquet de X parce que ça sauve une vie » a été prononcée dans le vif de l’interview et exprime simplement l’idée que l’achat d’un paquet de couches permet de fournir un vaccin contre le tétanos et que ce vaccin pourra permettre de sauver une vie.

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que, selon le Préambule du Code consolidé de la Chambre de Commerce Internationale sur les pratiques de publicité et de communication commerciale (code ICC), ce code s’applique à l’ensemble de la publicité et des autres formes de communication destinées à la promotion d’un quelconque type de biens ou de services, en ce compris la promotion institutionnelle et auprès des entreprises. La publicité est définie comme « toute forme de communication commerciale pratiquée par les médias, habituellement en échange d’un paiement ou d’une autre contrepartie de valeur ». La « communication commerciale » inclut « la publicité et toute autre technique, telle que la promotion, le parrainage et le marketing direct, et doit être interprété dans un sens large en ce qu’il désigne toute forme de communication produite directement par un professionnel de la communication ou en son nom et destinée principalement à promouvoir un produit ou à influencer le comportement des consommateurs ».

La vidéo mise en cause se présente comme une interview de la chanteuse Jenifer par un site, dans lequel elle fait part de sa vision de la vaccination antitétanique, de son choix de faire vacciner son enfant et du soutien qu’elle a apporté à la campagne de l’UNICEF et de l’annonceur pour la distribution de vaccins contre le tétanos dans les pays où il sévit.

Le Jury constate, d’une part, que, selon les indications de la société, qui commercialise des produits sous la marque X, Jenifer a conclu avec elle un contrat commercial qui fait d’elle la marraine de la campagne UNICEF/X contre le tétanos, en France. D’autre part, cette société diffuse régulièrement des publicités sur le site en cause. Enfin, l’interview litigieuse, dans la version visée par la plainte, comporte de multiples allusions à la marque et se conclut par un gros plan de la chanteuse déclarant : « Achetez un paquet de X parce que ça sauve automatiquement une vie ». Elle vise ainsi principalement à influencer le comportement des consommateurs de couches en les incitant à porter leur choix sur la marque pour des raisons humanitaires. Dans ces conditions, et même si le dossier ne fait pas ressortir l’existence d’un lien financier direct entre la société et le site pour la diffusion de cette vidéo, le Jury considère qu’elle doit être regardée comme une communication commerciale au sens du code ICC. La présente plainte est donc recevable.

Le Jury rappelle qu’en vertu de l’article 3 du code ICC relatif au principe de loyauté : « La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération.». En vertu de l’article 5 relatif au principe de véracité : « La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur… ».

Le Jury relève que, dans la version visée par la plainte, l’interview se conclut par la phrase : « Achetez un paquet de X parce que ça sauve automatiquement une vie ».

Il n’appartient pas au Jury de déontologie publicitaire de s’immiscer dans des controverses d’ordre scientifique et de trancher des débats sur des questions sanitaires, mais seulement d’apprécier la conformité des publicités aux règles déontologiques en vigueur.

En l’espèce, il constate que la publication « Le Tétanos en France en 2005-2007 » diffusée par l’Institut national de veille sanitaire indique que le vaccin antitétanique est d’une « efficacité et d’une innocuité quasi parfaites », et que le guide des vaccinations 2012 de l’Institut national de prévention et d’éducation en santé de 2012 fait état d’une « innocuité et d’une efficacité parfaites ». Les pouvoirs publics ont d’ailleurs, de longue date, rendu obligatoire le vaccin contre le tétanos en France. Il ressort, en outre, des allégations non contestées de la société que la distribution des vaccins a permis d’éradiquer la maladie dans un grand nombre de pays. Dans ces conditions, l’affirmation selon laquelle ce vaccin sauve des vies ne saurait être regardée comme déloyale ou trompeuse.

Le Jury observe certes que, selon les mots employés dans la version litigieuse de l’interview, qui n’apparaissent toutefois plus dans la retranscription à laquelle a procédé le site, le vaccin contre le tétanos sauverait « automatiquement » la vie de l’enfant qui en bénéficierait, le cas échéant via la vaccination de sa mère. Or, on ne peut exclure que, dans certains cas, la maladie puisse se développer chez une personne vaccinée, notamment, dans un contexte sanitaire moins favorable qu’en France. Il considère toutefois que cette commodité de langage n’est pas, en l’espèce, de nature à induire en erreur le public dans la mesure où, d’une part, elle émane d’une chanteuse et non d’un médecin ou d’une personnalité faisant autorité dans le domaine médical ou scientifique, et, d’autre part, elle s’inscrit dans un long entretien dans lequel cette chanteuse livre, par un propos d’apparence spontanée, son propre point de vue sur la question, en tant que mère de famille, en faisant part de ses propres interrogations et sans prétendre maîtriser entièrement ce sujet. A cet égard, elle précise qu’on peut légitimement hésiter à administrer certains vaccins à son enfant, de sorte que les risques associés à la vaccination en général ne sont pas occultés.

Dans ces conditions, le Jury estime que cette publicité n’est pas contraire aux dispositions des articles 3 et 5 du Code consolidé de la Chambre de Commerce Internationale sur les pratiques de publicité et de communication commerciale.

4.La décision du Jury

– La plainte est rejetée ;

– La publicité litigieuse est conforme aux dispositions des articles 3 et 5 du Code consolidé de la Chambre de Commerce Internationale sur les pratiques de publicité et de communication commerciale;

– La décision sera communiquée aux plaignants, à l’annonceur et aux médias de diffusion;

– Elle sera publiée sur le site du Jury de déontologie publicitaire.

Délibéré le 6 décembre 2013, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-Président, Mme Drecq, et MM. Benhaïm, Carlo, Depincé et Leers.

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