JDP

Avis JDP n°255/13 – PLACEMENTS FINANCIERS – Plainte fondée

Décision publiée le 26.06.2013
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu le représentant de la société IG Markets,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 11 avril 2013, d’une plainte émanant de la société IG Markets afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur d’une société concurrente qui propose aux particuliers des services de « trading » sur le marché des devises et des matières premières, diffusée sur un site internet.

Celle-ci se présente sous la forme d’une bannière qui met en avant l’accroche suivante : « Devenez un trader professionnel – Aucune expérience requise – Commencez maintenant », accompagnée d’un texte en petits caractères précisant « Le trading de forex et de CFD est très spéculatif et présente un risque de pertes élevées ».

L’internaute qui clique sur cette bannière accède au site de l’annonceur sur lequel apparaît en cours de navigation une fenêtre se présentant comme une discussion avec des personnes fictives prénommées Sarah et Amy, sollicitant les coordonnées de l’internaute afin de lui expliquer « comme il est simple de gagner de l’argent avec Forex Trading (…) ».

2.Les arguments des parties

La société IG Markets, plaignante, énonce que la bannière publicitaire méconnaît la fiche de doctrine « Publicité des produits financiers – Publicité pour les produits financiers permettant de s’exposer sur le Forex, les indices boursiers, le cours des matières premières avec un effet de levier », notamment, sur le caractère équilibré de la publicité.

En effet, le message présentant les risques se borne à énoncer que « le trading de forex et de CFD est très spéculatif et présente un risque de pertes élevées », ce qui laisse entendre que le risque serait limité et, en aucun cas, supérieur aux dépôts initiaux.

De même, le message contrevient à la fiche de doctrine en laissant entendre que tout client peut, sans expérience, devenir un trader professionnel grâce au « e-book » gratuit fourni par la société Markets.com. Il suggère que l’utilisation de ces produits peut améliorer durablement la situation financière du consommateur, par le sous-entendu de professionnalisation de l’investissement dans les produits à effet de levier.

Ces carences ne sont pas compensées par les informations évasives figurant sur le site auquel accède l’internaute qui clique sur la bannière, à savoir que « Le trading de contrats de différence (CFDs) et de contrats de change au comptant (Sopt FX) est très spéculatif, comporte un risque de pertes élevées et n’est pas approprié à tous les investisseurs mais uniquement aux clients qui sont financièrement en mesure d’assumer des pertes de façon significative au-delà de la marge ou des dépôts vu que les investisseurs peuvent perdre la valeur totale du contrat, non seulement la marge ou le dépôt ».

La société annonceur a été informée de la plainte par courrier recommandé avec avis de réception en date du 25 avril 2013.

Elle n’a pas présenté d’observations.

3.Les motifs de la décision du Jury 

Le Jury rappelle qu’aux termes du point 2-1-2 de la fiche de doctrine « Publicité des produits financiers » de l’ARPP :

« 2-1-2 Clarté, loyauté et véracité de la publicité (…)

  1. b) Équilibre de la publicité – « Le contenu de la publicité et des promesses annoncées doit être véridique et répondre au principe de loyauté.

En ce sens, l’ensemble de la publicité doit être équilibré entre, d’une part, la présentation des performances (gains, rendements y compris sous forme visuelle ou graphique) du produit ou service et, d’autre part, les risques inhérents à la souscription de ce dernier.

Cet équilibre de la publicité, recommandé par divers régulateurs européens, implique la présence, dans toute publicité, quel que soit le support de diffusion utilisé, d’une information claire, intelligible et parfaitement lisible et/ou audible sur les risques propres à l’activité ou au(x) produit(s) visé(s).

Lorsque la présentation de ces risques se traduit à l’écrit par une mention, celle-ci devra se distinguer, par tous moyens, des autres informations (et, notamment, ne pas être accolée aux autres mentions) sauf impossibilité technique liée au format et, à l’oral, un énoncé audible devra se distinguer clairement de toutes autres informations.

Dans tous les cas, la publicité ne peut laisser penser que le consommateur ne prend aucun risque et/ou que son risque est limité. »

Ainsi que le Jury l’a précisé dans ses décisions du 28 mars 2012 (n° 185/12), du 28 mars 2012 (n° 187/12) et du 21 juin 2012 (n° 199/12), les bannières constituent une forme de publicité appelant par un message accrocheur à se rendre sur le site de l’annonceur, dont la taille réduite ne permet pas d’y mentionner un grand nombre d’informations. Dans la mesure où ces bannières comportent un message d’offre attractive, la règle d’équilibre résultant du point 2-1-2 de la fiche de doctrine précitée doit s’appliquer dès ce stade.

L’annonceur doit donc veiller à ce que, sur ces messages, figure au moins une mention lisible afférente aux risques que présentent les investissements en cause, dont la taille et la précision doivent être proportionnées à l’ampleur et à la probabilité de la promesse de gain éventuellement affichée par la publicité.

En outre, le point 2-2-1 de la même fiche de doctrine prévoit que la publicité pour ces produits et services ne doit pas minimiser les engagements et les risques, soit à l’étape dite de « formation » avec de l’argent virtuel, soit à l’étape de passage au marché réel, et ne doit pas conférer une supériorité sociale à ceux qui utilisent ces produits.

En l’espèce, le Jury relève que la bannière litigieuse comporte un message d’avertissement peu lisible sur les risques encourus par les clients, et indique qu’en l’absence de toute expérience préalable, tout un chacun peut devenir un « trader professionnel ».

Une telle mention laisse entendre qu’il serait aisé pour tout client de réaliser des gains sans formation et en consultant simplement la documentation mise à sa disposition par la société.

Eu égard en outre à l’ambiguïté des informations figurant sur le site accessible depuis la bannière quant aux risques inhérents à cette pratique, et à la mention de la fenêtre qui s’affiche sur ce site selon laquelle il est « simple de gagner de l’argent », le Jury estime que la publicité litigieuse ne respecte pas le principe d’équilibre posé par les règles rappelées ci-dessus.

4.La décision du Jury

– La plainte est fondée ;

– La publicité en cause contrevient aux règles déontologiques rappelées dans la fiche de doctrine « Publicité des produits financiers » ;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de veiller à ce que cette publicité ne soit plus diffusée ;

– La présente décision sera communiquée aux sociétés annonceur et plaignante ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du Jury de déontologie publicitaire.

Délibéré le vendredi 7 juin 2013 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M Lallet, Vice-Président, Mmes Moggio et Drecq, et MM Benhaïm, Carlo, Depincé et Leers.

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