JDP

Avis JDP n°245/13 – VÊTEMENTS – Plainte partiellement fondée

Décision publiée le 24.04.2013
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– et, après en avoir délibéré,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 janvier 2013, d’une plainte de la Confédération nationale des associations familiales catholiques, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sous la forme d’un catalogue diffusé sur internet et disponible en version papier en faveur d’une marque de vêtements.

La plainte porte principalement sur cinq des visuels du catalogue publicitaire :

Un premier présente une femme en lingerie portant des oreilles de lapin, poursuivie dans une prairie par plusieurs hommes, habillés brandissant des bâtons.

Le deuxième montre deux femmes, dénudées, près d’une cheminée devant laquelle est assis un homme vêtu.

La troisième photographie présente un couple debout devant le miroir d’un meuble penderie, s’embrassant, l’homme tenant la jambe relevée et dénudée de la femme. En arrière-plan, une femme habillée passe non loin du couple mais ne semble pas les apercevoir.

Le quatrième visuel critiqué montre plusieurs personnages autour d’une table dans une scène de repas en extérieur.

La dernière image relevée par la partie plaignante présente une femme passant en courant devant un homme affalé dans un fauteuil, dans un jardin.

2.Les arguments des parties

 La Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC) considère que ces visuels ne respectent pas plusieurs dispositions de la Recommandation « Image de la personne humaine », en particulier les règles relatives à la décence et la dignité, la responsabilité sociale ainsi que celles concernant la soumission, la dépendance et la violence.

L’association ajoute que ces images suggèrent un rapport de « dominant » masculin à « dominée » féminin.

Par ailleurs, la CNAFC regrette que ces images puissent être vues par des enfants et fait valoir que cette campagne ne respecte pas non plus la Recommandation « Enfant » de l’ARPP.

L’annonceur qui exploite la marque, a été informé, par courrier du 11 janvier 2013, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée. Elle n’a pas présenté d’observations.

L’ARPP indique être intervenue auprès de l’annonceur en novembre 2012 concernant sa campagne publicitaire et principalement sur les trois premiers visuels mentionnés ci-dessus.

Elle explique que son intervention a porté sur le non respect des dispositions de la Recommandation « Image de la personne humaine ».

Elle a rappelé que cette campagne était susceptible d’entrainer des réactions de la part du corps social, fortement mobilisé s’agissant de la représentation de l’image des femmes en publicité.

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose :

Au point 1-1 que : « La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence ».

Au point 1-3 que : « D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures (…) etc., attentatoires à la dignité humaine ».

Au point 2-1 que : « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet » ;

Au point 3-3 que : « La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique ».

Sur le premier visuel (femme lapin)

Le Jury relève que la photo présente une femme en lingerie, affublée d’oreilles de lapin, poursuivie par un groupe d’hommes brandissant des bâtons, cette scène se déroulant dans une prairie en hiver. Cette image utilise une symbolique de la femme chassée. La tenue du personnage donnant à l’ensemble une connotation érotique.

Cette représentation utilisée pour promouvoir la lingerie de la marque, sans rapport avec le produit, instrumentalise le corps de la femme. De plus, elle pourrait être interprétée comme légitimant les violences faites aux femmes, comparées à  des proies.

Sur le deuxième visuel (trio autour d’une cheminée)

Le Jury observe que la scène représente un salon, les trois personnages étant réunis autour d’une cheminée. L’homme étant habillé de façon élégante, le regard sévère, voire méprisant, les femmes étant nues ou très dénudées et présentées de profil ou de dos.

Cette mise en scène valorise l’homme qui est habillé et dont on perçoit le regard, les femmes apparaissant comme des faire-valoir, voire des objets décoratifs du salon. Cette publicité réduit ainsi le corps de la femme à un objet et la représente de façon dégradante.

Le troisième visuel (le couple)

Le Jury considère que ce visuel, dont le plaignant se borne à demander « l’examen » sans plus de précision, ne méconnaît pas la Recommandation précitée, notamment son point 1-1. S’il peut susciter la réprobation d’une partie de l’opinion publique en raison de sa connotation sexuelle et de l’idée d’infidélité qu’il véhicule, il n’apparaît pas susceptible de choquer la majorité de celle-ci en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à la décence. Il se borne en effet à représenter des personnes  vêtues et s’embrassant à l’abri des regards.

Sur les quatrième et cinquième visuels (le repas et la femme courant)

S’agissant de la photographie qui réunit l’ensemble des personnages du catalogue présentés autour d’une table dans des attitudes qui renvoient à une imagerie des repas médiévaux, elle ne comporte aucune image dévalorisée de la femme ou de l’homme ni aucune suggestion de violence. L’association plaignante ne formule d’ailleurs aucun grief particulier à l’encontre de cette photo, se contentant de réclamer son examen par le Jury.

Le Jury relève enfin que la dernière photo présente deux personnages habillés, la femme passant en  courant devant l’homme, l’air désabusé, affalé dans un fauteuil. Elle ne traduit, contrairement à ce que soutient l’association plaignante, ni dans l’attitude des personnages, ni dans leur apparence, l’idée que la femme serait « chassée » tel un animal et ne donne pas particulièrement une image dévalorisée de la femme.

4.La décision du Jury

– La plainte est fondée s’agissant des visuels représentant la femme poursuivie et les trois personnages réunis autour d’une cheminée.

– La publicité en cause contrevient dans cette mesure aux points 1.3, 2.1 et 3.3 de la Recommandation « Image de la Personne Humaine » ;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de prendre toutes mesures de nature à assurer le non renouvellement de cette publicité en l’état;

– Le surplus de la plainte est rejeté ;

– La décision sera communiquée à la Confédération nationale des associations familiales catholiques et à l’annonceur;

– elle sera publiée sur le site du JDP ;

Délibéré le 1er février 2013, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio, MM. Carlo, Depincé, Leers et Lacan.

Quitter la version mobile