Décision publiée le 24.04.2013
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– et, après en avoir délibéré dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 13 décembre 2012, d’une plainte de l’Association Femmes Professionnelles Solidaires, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de vêtements en cuir.
La publicité en cause, diffusée par voie de presse, montre la photo d’une jeune femme blonde vêtue d’une petite culotte rouge sur laquelle figure le dessin d’un renne et d’un blouson de cuir noir laissant largement apparaître son torse nu. Elle porte un bonnet rouge entouré de fourrure blanche semblable à celui du « Père noël ».
A côté de son visage apparaît une bulle de bande dessinée dans laquelle est inscrit le texte suivant « Même pas froid avec mon cuir ».
Un peu plus bas, une affiche énonce « X vous souhaitent de bonnes fêtes de fin d’année».
2.Les arguments des parties
L’Association plaignante fait valoir que cette publicité qui utilise le corps dénudé de la femme dans un but mercantile est choquante.
L’annonceur a été informé par courrier du 8 janvier 2013 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Il a été également informé que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du JDP.
La société explique que la publicité en cause n’a été diffusée qu’à La Rochelle et qu’elle n’a pas reçu de plainte à son sujet.
Elle fait valoir que son but était humoristique comme ses publicités précédentes, dont l’une présentait son dirigeant en slip, chaussé de pantoufles charentaises sous la neige.
Il communique des commentaires d’internautes, commentant avec amusement ses publicités.
Il précise que le visuel joint au courrier adressé par le secrétariat du Jury ne correspond pas à celui paru dans le numéro du titre de presse du 30 novembre 2012 qui montre la photographie de la jeune femme tronquée au niveau du buste, mettant ainsi plus précisément l’accent sur le blouson, objet de la publicité.
Le diffuseur, ajoute que le message ainsi délivré par l’annonceur ne lui est pas paru comme sexiste, le propriétaire de l’enseigne apparaissant en outre lui-même dans une publicité parue dans son édition du 7 décembre 2012 en slip et charentaises assis sur une terrasse dans la neige ou encore sur une photo illustrant un article paru le 20 décembre 2012, torse nu sous un blouson en cuir.
Par ailleurs, le texte accompagnant l’image, à savoir « Même pas froid avec mon cuir ! » n’a aucun caractère suggestif et ne peut en aucun cas laisser penser que la femme serait réduite à la fonction d’objet.
Selon le support, la publicité n’a pu choquer qu’un nombre réduit de personnes au regard du nombre d’habitants de La Rochelle.
Elle insiste sur son caractère humoristique.
3.Les motifs de la décision du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose :
Au point 1-3 que « D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures (…) etc., attentatoires à la dignité humaine ».
Au point 2-1 que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».
Le Jury relève qu’il n’existe aucun lien entre l’objet visé par la publicité et la représentation de la femme. Par sa tenue dénudée, celle-ci est utilisée comme un faire-valoir pour promouvoir les produits offerts à la vente par l’annonceur.
Ce procédé constitue une instrumentalisation du corps de la femme la réduisant à la fonction d’objet et contrevient aux dispositions précitées.
Le fait que le dirigeant de la société se soit lui-même mis en scène, dénudé, dans une autre publicité pour des charentaises, est sans incidence sur la méconnaissance des règles déontologiques précitées par la publicité litigieuse, qui doit faire l’objet d’une appréciation autonome du Jury.
Quant à l’argument selon lequel la publicité en cause ne serait qu’humoristique, ce qui ne ressort d’ailleurs pas avec évidence, il ne saurait non plus suffire à faire admettre l’utilisation d’un procédé publicitaire que la profession proscrit au travers des recommandations déontologiques dont elle s’est dotée.
4.La décision du Jury
– La plainte est fondée ;
– La publicité en cause contrevient aux points 1.3 et 2.1 de la Recommandation Image de la Personne Humaine ;
– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de prendre toutes mesures de nature à assurer le non renouvellement de cette publicité;
– La décision sera communiquée au plaignant, à l’annonceur et aux supports.
Délibéré le 1er février 2013, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio, MM. Benhaïm, Carlo, Depincé, Leers et Lacan.