JDP

Avis JDP n°198/12 – OPÉRATEUR DE TÉLÉPHONIE – Plainte rejetée

Décision publiée le 24.05.2012
Plainte rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

 – Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu le représentant de l’ARPP et de l’annonceur,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence de l’ARPP et des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits et la procédure

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 28 mars 2012, d’une plainte émanant de l’Association Robin des Toits, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité diffusée en télévision, au cinéma et sur Internet, en faveur d’un opérateur de téléphonie.

Le film, destiné à mettre en avant les capacités du réseau de téléphonie mobile de l’annonceur, met en scène une femme enceinte qui, passant une échographie, fait partager, par vidéo téléphonique, ce moment à son mari, lequel est assis, avec deux hommes qui l’accompagnent, à l’arrière d’un taxi new-yorkais. Une discussion s’engage alors sur le sexe du bébé entre la femme et l’échographe d’un côté, les hommes du taxi de l’autre.

L’association plaignante a été avertie de la date de la séance du Jury et des éléments de défense développés par écrit par l’agence de publicité, ainsi que par l’annonceur, par lettre recommandée du 11 avril 2012 ; cette lettre envoyée à l’adresse postale mentionnée sur son courrier a été retournée au Jury, comme non connue à l’adresse indiquée.

Un nouveau courrier lui a été expédié le 2 mai par lettre simple qui lui, n’a pas été retourné au Jury.

 2.Les arguments des parties

L’association Robin des Toits, qui s’est donné pour mission la protection de la sécurité sanitaire dans les technologies sans fil, considère que cette publicité est choquante en ce qu’elle met en scène trois comportements dangereux :

Le premier réside dans l’utilisation par une femme enceinte d’un téléphone mobile, de façon prolongée et avec un gros trafic de données (transfert d’images), près de son ventre, alors que l’étude de H.A. Divan et autres, de l’UCLA School of Public Health, University of California, publiée en 2008 et répliquée, montre l’incidence de l’usage du téléphone portable par la mère sur le développement ultérieur de l’enfant et, notamment, l’apparition de troubles neurologiques tels que l’hyperactivité.

Elle précise que même les plus timorées parmi les autorités sanitaires recommandent, au titre du principe de précaution, l’évitement du téléphone portable par les femmes enceintes;

Le deuxième consiste dans le fait de téléphoner longuement en voiture alors que, dans cette situation, le téléphone émet un maximum d’ondes, d’une part, parce qu’il se déplace et doit en permanence rechercher l’antenne la plus proche, d’autre part, pour sortir de la « cage de Faraday » constituée par l’habitacle métallique du véhicule ;

Le troisième est de solliciter l’avis du chauffeur de taxi en lui montrant l’image apparaissant à l’écran, ce qui le distrait de l’attention portée à la conduite, à la route et aux autres usagers, alors même que l’usage du portable au volant est d’ores et déjà une cause majeure d’accidents graves.

L’association plaignante demande le retrait de la publicité ou qu’il soit ordonné l’ajout de la mention « comportement à ne pas reproduire».

L’agence de communication fait valoir que ce spot a été préalablement soumis à l’approbation de l’ARPP par la procédure d’avis avant diffusion et a reçu un avis favorable.

Elle oppose que la femme tient son téléphone à bout de bras, vers le moniteur d’échographie et ne place à aucun moment l’appareil près et ou sur son ventre.

Elle fait observer qu’aucun texte réglementaire et/ou législatif n’interdit un tel usage et en déduit que la femme enceinte n’est donc pas dans une situation où la sécurité et la santé ne sont pas respectées.

Elle précise qu’il n’est pas démontré scientifiquement que cette situation d’usage revêt un caractère dangereux pour la santé de la femme enceinte ainsi que celle de son futur enfant. Aucune transposition de l’étude avancée dans la plainte « Divan HA et autres, de l’UCLA School of Public health, University of California » publiée en 2008 n’a été faite en France auprès des autorités sanitaires établissant un lien de causalité entre l’usage d’un mobile par une femme enceinte et l’apparition de troubles neurologiques tel que l’hyperactivité chez l’enfant exposé à des ondes électromagnétiques.

Elle ajoute que cette situation d’usage ne contrevient nullement aux indications faites notamment dans la campagne de prévention de l’INPES (www.lesondesmobiles.fr) ni des principes de précaution mis en exergue par les autorités sanitaires afin de limiter l’exposition à des ondes électromagnétiques.

Concernant le danger de téléphoner en voiture, l’agence fait observer que l’homme, n’a pas son mobile porté à son oreille mais utilise la fonction haut parleur et montre seulement les images aux personnes qui l’accompagnent.

Elle précise qu’il n’existe aucun principe de précaution édicté par les autorités sanitaires françaises limitant l’usage d’un mobile par un passager dans une voiture roulant à vitesse modérée et en déduit que cette situation d’usage ne contrevient nullement aux recommandations en vigueur. Elle précise que la seule recommandation qui existe au titre du principe de précaution est celle d’éviter d’utiliser son mobile lors de déplacements en train roulant à grande vitesse.

Enfin, elle objecte que le conducteur du taxi n’est pas distrait et n’est jamais sollicité par les passagers pendant sa conduite, le film montrant explicitement que ce n’est qu’une fois le véhicule à l’arrêt, que le conducteur est interpellé afin de lui demander son avis.

L’annonceur reprend l’argumentation de l’agence de publicité et précise que, comme le souligne un des dépliants édité par le Ministère de la jeunesse, de la Santé, des Sports et de la vie associative « il n’existe pas aujourd’hui de preuve scientifique démontrant que l’usage des téléphones mobiles présente un risque pour la santé. Néanmoins, cette hypothèse ne pouvant être définitivement exclue, les groupes d’experts invitent chacun à adopter une attitude inspirée du principe de précaution. ».

Ces recommandations des experts ne signifient pas qu’ils considèrent qu’un risque est avéré.

Elle indique s’être fait le relais actif des recommandations des autorités sanitaires en intégrant dans ses conditions générales d’abonnement des dispositions relatives à l’information, aux recommandations d’usage et aux règles de sécurité et en consacrant sur ses sites web, des développements spécifiques sur ces questions.

La régie publicitaire d’un groupe de télévision public indique ne pas avoir diffusé ce spot.

Le syndicat représentant les chaînes de télévision fait valoir que ce film a été diffusé dans la mesure où il a reçu un avis favorable de l’ARPP, conformément à la procédure d’avis préalable dans le cadre de l’autodiscipline mise en place depuis 1990 par l’interprofession publicitaire.

La régie publicitaire de cinéma explique qu’elle n’a pas jugé que ce spot comportait des éléments susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes lors de sa diffusion.

Elle indique que la campagne s’arrête le 17 avril et ne sera donc plus sur ses écrans à compter de cette date.

 L’ARPP indique qu’elle a examiné ce spot pour avis avant diffusion sur les chaînes de télévision. Dans ses contacts et échanges avec l’agence de communication, elle l’a alertée  sur le nécessaire respect des règles du code de la route (port des ceintures de sécurité, taxi nécessairement à l’arrêt lorsque le chauffeur se retourne pour regarder le téléphone portable…).

Dans son avis du 19 décembre 2011, elle a engagé l’agence à vérifier « que l’utilisation d’un téléphone portable dans une salle d’échographie n’est pas contraire aux conditions d’utilisation et aux règles de sécurité », l’agence ayant confirmé s’être rapprochée de cabinets d’échographies pour vérifier ce point.

Aucun élément contraire quant à un éventuel avertissement officiel des autorités médicales sur les dangers du téléphone portable dans le contexte précis d’une consultation échographique sous contrôle d’un médecin échographe, n’a été porté à sa connaissance et dans cette circonstance, ce spot lui est apparu acceptable au regard des principes déontologiques en vigueur et en particulier la Recommandation « Sécurité ».

3.Les motifs de la décision du Jury

 Le Jury rappelle que la Recommandation « Sécurité » de l’ARPP prévoit que :

 « La publicité, sous quelque forme que ce soit, ne doit pas porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens et doit donc respecter les règles déontologiques suivantes : sauf justification d’ordre éducatif ou social, la publicité ne doit comporter aucune présentation visuelle ni aucune description des pratiques dangereuses ou de situation où la sécurité et la santé ne sont pas respectées. »

 Le Jury relève que si l’étude invoquée par l’association plaignante alerte effectivement sur les effets que peuvent avoir sur les enfants, notamment dans la période prénatale, l’exposition aux ondes des téléphones mobiles, cette alerte a été retranscrite par les autorités sanitaires françaises par la reconnaissance de « l’existence d’un doute lié à la possibilité d’effets sanitaires associés à l’exposition directe du crâne aux champs de téléphones mobiles » ; les enfants étant, au cas où un tel risque serait avéré, davantage exposés que les adultes en raison du développement en cours de leur organisme (Fiche Téléphones mobiles – Santé et Sécurité, diffusée par le Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative).

Il n’apparaît cependant pas que des recommandations de précautions officielles, aient à ce jour, été diffusées concernant les femmes enceintes.

Si le respect du principe de précaution invite néanmoins à recommander des limitations dans l’usage de ces téléphones, le Jury observe qu’en l’absence de document officiel sur ce point, il ne peut être reproché à la publicité en cause de ne pas respecter la Recommandation « Sécurité » en montrant une femme enceinte qui ne tient son téléphone mobile ni près de sa tête, ni près de son ventre, mais à bout de bras et éloigné d’elle en utilisant la fonction haut parleur.

Il relève toutefois que l’annonceur, qui recommande dans ses « conditions d’utilisation des offres » aux femmes enceintes d’éloigner le téléphone de leur ventre et se montre donc soucieux du principe de précaution, n’a pas choisi un scénario publicitaire en totale cohérence avec cette préoccupation.

S’agissant du danger que comporterait le fait de téléphoner dans une voiture en raison de la quantité d’ondes mobilisées, le Jury observe qu’il n’existe là encore pas de mises en garde et de recommandations officielles permettant de considérer que la Recommandation Sécurité n’aurait pas été respectée.

Enfin, l’affirmation de la plaignante, selon laquelle le chauffeur serait distrait de sa conduite et du respect des consignes de sécurité qu’elle implique n’est pas fondée. En effet, le visionnage du film publicitaire permet de constater qu’un plan montre que le chauffeur actionne le clignotant du véhicule puis s’arrête sur le côté, avant de regarder l’écran du téléphone.

Dans ces conditions et en l’absence de toute étude ou avertissement officiels des autorités sanitaires alertant sur les dangers de l’utilisation du téléphone portable par une femme enceinte de la façon montrée dans la publicité en cause, ou du fait de téléphoner à l’intérieur d’une voiture roulant à une vitesse modérée, ainsi que cela apparaît dans le film, le Jury considère que ce message ne méconnaît pas la Recommandation Sécurité.

4.La décision du Jury

– La plainte est rejetée;

– La publicité de l’annonceur ne contrevient pas aux dispositions précitées de la Recommandation Sécurité de l’ARPP ;

– La présente décision sera communiquée à l’association plaignante, l’annonceur, l’agence de communication, la régie publicitaire de cinéma et à la régie publicitaire du groupe de télévision public, ainsi qu’au syndicat représentant les chaînes de télévision ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le 11 mai 2012, par Mme Michel-Amsellem, Vice-Présidente, en remplacement de la Présidente empêchée, Mme Drecq, et MM Benhaïm, Leers et Lacan.

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