Décision publiée le 11.06.2009
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 28 avril 2009, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une campagne de publicité diffusée en affichage sur un véhicule exposé au public dans le hall d’une galerie marchande, en faveur d’un constructeur automobile.
Sur l’aile arrière du véhicule est apposée la photo d’une jeune femme nue, le sexe couvert par une feuille de vigne, qui se tient debout auprès d’un pommier dont elle semble cueillir l’un des fruits ; sur la porte, à côté de la photo, figure le texte suivant : « Nouvelle Colt Soft Hybrid, Essayez-moi ».
2.Les arguments des parties
Le plaignant énonce que cette publicité qui, d’une part, repose sur un parallélisme entre la voiture et la femme, d’autre part, utilise un symbole biblique de la tentation et, enfin, dont l’accroche annonce « Essayez moi », est attentatoire à la dignité de la femme, laquelle est réduite à l’état d’objet. Il critique de surcroît, l’exposition de cette photo dans un espace ouvert à tous publics.
L’annonceur précise que la publicité critiquée est un autocollant apposé sur des véhicules exposés par certains de ses concessionnaires en divers lieux publics dans le cadre d’invitations à l’essai de ces véhicules.
Il explique que la publicité en cause utilise le personnage d’Eve, parfaitement identifiable et que cette représentation a pour finalité, d’une part, d’illustrer une caractéristique essentielle du modèle de véhicule, qui comporte une motorisation plus respectueuse de l’environnement; d’autre part de faire référence au Paradis terrestre et donc à la nature et la pureté.
Il ajoute que la nudité est justifiée par le personnage lui-même et que ce visuel ne saurait être considéré comme une représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine et qu’il n’induit aucune idée de soumission ou de dépendance dévalorisant les femmes.
L’annonceur fait valoir également que les termes « Essayez moi », inscrits immédiatement sous la dénomination commerciale du véhicule, ne sont pas mis en relation avec la femme représentée, mais sont l’expression directe et exclusive d’une invitation commerciale à l’essai du véhicule.
Il rappelle que dans sa décision Fournisseur de café, du 11 décembre 2008, le Jury a estimé que le renvoi sans ambiguïté à une référence mythologique excluait que l’image en cause puisse être considérée comme dégradante et attentatoire à la personne humaine et soutient que sa publicité repose sur le même mécanisme d’interprétation.
3.Les motifs de la décision du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la Personne Humaine » de l’ARPP dispose, dans le point 2-1 du paragraphe relatif aux « stéréotypes sexuels, sociaux et raciaux » que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».
Il relève qu’au cas d’espèce, la représentation du personnage biblique d’Eve qui renvoie à l’idée du Paradis terrestre, quand bien même serait-elle admissible pour illustrer le caractère prétendument moins polluant d’un véhicule automobile, ne saurait justifier l’utilisation de l’image d’une femme nue pour promouvoir la vente d’un produit dont la représentation est sans lien avec le corps et ne nécessite pas ce recours.
En conséquence, le Jury considère que la représentation en cause contrevient à la règle déontologique rappelée ci-dessus.
4.La décision du Jury
– La plainte est fondée ;
– La publicité de l’annonceur contrevient au point 2-1 de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP ;
– La présente décision sera communiquée à la plaignante et à l’annonceur. Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le vendredi 5 juin 2009 par Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, suppléant la présidente empêchée, Mmes Drecq et Moggio, et Ms Benhaim, Carlo, Leers et Raffin.