Décision publiée le 04.05.2011
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– et, après en avoir délibéré, en application prévue à l’article 12, alinéa 3, point 3, de son règlement intérieur, les parties n’ayant pas souhaité être entendues en séance,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 3 mars 2011, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de la publicité reçue par courrier électronique, émanant d’une société de services informatiques, en faveur de son nouveau serveur basse consommation.
Cette publicité présente un homme et une femme debout, l’homme tenant la femme à califourchon, jupe relevée et plaquée contre une armoire informatique.
Le texte accompagnant cette image est « Mettez-vous au vert et profitez de la nature ».
2.Les arguments des parties
– Le plaignant considère que cette publicité est indécente et sexiste.
– La société annonceur fait valoir que cette image n’a suscité aucune plainte autre que celle transmise par le Jury.
Elle explique que cette opération ne constitue pas une publicité mais une opération de marketing direct (newsletter) envoyée uniquement à ses clients. Elle n’est pas adressée au grand public mais envoyée sur des messageries privées, une seule fois. Il s’agit d’une opération ponctuelle n’ayant pas de pérennité puisqu’elle est ensuite supprimée des bases de la société et inaccessible pour le client final. L’image en question ne se retrouve pas sur le site web de l’entreprise ni en cliquant une nouvelle fois sur la newsletter partagée.
Concernant le contenu de l’envoi, la société précise qu’elle cible principalement les développeurs, les services informatiques qui sont dans la grande majorité de sexe masculin et sensibles à ce type de communication décalée. Le but recherché n’était pas de porter atteinte à la dignité de la femme.
Par ailleurs, l’annonceur indique que cette photo provient d’un site mondialement connu qui met à disposition des photos libres de droit. Il fait valoir que si ces photos sont présentes sur ce site Internet, elles sont donc commercialisées en France et ne contreviennent donc pas aux droits fondamentaux de l’être humain ni aux lois et règlements en vigueur sur le territoire français.
Il ajoute être étonné de la plainte car nombre de publicités accessibles au grand public quel que soit le média de diffusion sont selon lui autorisées alors qu’elles présentent un caractère érotique très prononcé ou un message à connotation sexuelle ou sexiste et auxquelles même le jeune public est confronté, alors qu’aucune censure n’est prononcée.
3.Les motifs de la décision du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose :
« La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».
« La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence »
« D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. »
Il résulte par ailleurs du code consolidé sur les pratiques de publicité de la Chambre de Commerce Internationale (Article 2) que :
« La publicité doit proscrire toute déclaration ou présentation visuelle contraire aux convenances selon les normes couramment admises. »
Le Jury relève que la publicité en cause présente une scène de relation sexuelle qui ne présente aucune corrélation avec le produit objet de la publicité.
Elle porte atteinte à la décence et, ni le fait qu’elle soit diffusée de manière éphémère et confidentielle, ni la libre circulation de la photo en cause ou sa commercialisation sur internet ne sont de nature à justifier ou atténuer cette atteinte.
Il s’ensuit que cette publicité méconnaît les Recommandations précitées de l’ARPP.
4.La décision du Jury
– La plainte est fondée ;
– La publicité méconnaît les dispositions de la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP et du code consolidé sur les pratiques de publicité de la CCI;
– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de veiller à ce que cette publicité cesse et à ce qu’elle ne soit pas reconduite;
– La présente décision sera communiquée à l’annonceur et au plaignant ;
– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le vendredi 8 avril 2011 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, MM Benhaïm, Lacan, Leers et Raffin.