JDP

Avis JDP n°109/11 – PRODUCTION FRUITS ET LÉGUMES – Plainte fondée

Décision publiée le 02.05.2011
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

–  après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants de l’association France Nature Environnement et de la société annonceur,

–  et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi d’une plainte de l’association France Nature Environnement (FNE), en date du 3 février 2011, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité en faveur d’une variété de pommes, produite par l’annonceur, et diffusée sur son site Internet.

L’association plaignante précise que ce site ne respecte pas les dispositions de la  Recommandation Développement durable de l’ARPP, d’une part, en ce qu’il utilise le terme « Pomme écologique », d’autre part, en ce qu’il propose des explications vagues et insuffisamment justifiées qui pourraient engendrer des confusions dans l’esprit du public avec les produits de l’agriculture biologique, enfin, en ce qu’il comporte la mention « Recommandée par tous les bons nutritionnistes ».

2.Les arguments des parties

– L’association plaignante estime que l’adjectif « écologique » pour qualifier la pomme constitue une formule globalisante non étayée par des éléments pertinents, significatifs, vérifiables. De plus, la communication passe sous silence les aspects négatifs de la production et de la commercialisation du produit.

Cette formulation peut aussi laisser supposer que cette pomme est issue de l’agriculture biologique. Ce risque de confusion est renforcé par les informations ambiguës qui sont apportées aux consommateurs par rapport à l’utilisation de produits phytosanitaires et d’engrais chimiques.

Enfin, la formulation « Recommandée par tous les bons nutritionnistes » suppose que ce produit est bon pour la santé et constitue une caution médicale.

Lors de la séance, l’association FNE a précisé qu’en dépit de sa plainte, elle estimait que les règles de productions sur lesquelles s’appuie l’annonceur allaient dans un sens favorable au respect de l’environnement et méritaient d’être approfondies. Elle soutient néanmoins que les messages délivrés par son site internet étaient insuffisamment étayés d’éléments objectifs et précis et risquaient d’engendrer des confusions avec le mode de production « biologique » lequel repose sur un cahier des charges précis et sévèrement contrôlé.

– L’annonceur fait valoir que « la pomme écologique » est un produit du verger. Il s’agit d’un fruit lavé, prêt à être consommé, conditionné sous emballage plastique recyclable. Il est destiné à une distribution spécialisée en machine à distribution automatique de confiserie et de boissons dans les lieux publics. La marque « la pomme écologique » a été déposée auprès de l’INPI en décembre 2009.

L’annonceur est un producteur de pommes et de poires depuis trois générations. Il a été un des fondateurs de l’Association Demain la Terre qui s’est constituée en 2004 autour de la volonté de promouvoir une agriculture qui contribue à une démarche de développement durable qui concilie progrès écologique, efficience économique et justice sociale. Cette association a identifié des bonnes pratiques de développement durable entre ses membres de 2004 à 2008. Celles-ci couvrent l’ensemble des thématiques du développement durable.

En 2008, l’Association a décidé de s’équiper d’un outil indépendant, précis, mesurable pour accélérer et rendre objective la transition de ses membres actuels et à venir vers des pratiques plus écologiques et plus responsables. Elle a investi dans le développement d’un référentiel. Ce groupe de travail a été conduit par l’un des fondateurs d’Ecocert.

Le référentiel a donné lieu à une phase de tests dès 2010. Il est constitué de 80 critères répartis sur 9 thématiques correspondant aux critères du développement durable : les phytosanitaires, l’eau, la terre, les OGM, le social, l’économique, l’énergie, les déchets et la biodiversité. L’association demain la terre a été agréée par la société Ecocert environnement pour entreprendre les contrôles de conformité.

L’annonceur ajoute que « la pomme écologique » est une pomme produite sous le référentiel Demain la terre et que les critères de cette qualification sont donc précis, observables et contrôlés.

Il souligne la réalité de l’action écologique de son produit qui s’appuie sur la prise en compte de l’ensemble du cycle de vie en s’efforçant de manière réelle et justifiable de diminuer les impacts sur l’environnement voire de le protéger.

L’annonceur fait valoir les notes obtenues dans la cadre du référentiel Demain la terre et fait observer que l’emballage de la pomme écologique est recyclable, qu’il y est explicitement inscrit de le jeter dans une poubelle de tri sélectif et doit être passé à terme dans un emballage biodégradable après étude économique et écologique sur l’impact exact du cycle de vie de cette solution alternative. Il ajoute que la culture de « la pomme écologique » se fait dans le respect de la biodiversité pour laquelle le verger soutient avoir entrepris une action particulière au moyen de la présence de mésanges bleues, auxiliaires efficaces utilisées dans la lutte intégrée contre les ravageurs.

Concernant la publicité incriminée, l’annonceur fait valoir que le ton de la communication est volontairement sympathique et humoristique qui permet de faire passer au public des idées complexes ou austères avec plus de facilité. De plus, il est très difficile de mettre une quantité d’information importante sur un emballage réduit, d’où la nécessité des renvois vers les sites internet www.lapommeecologique;com et www.demainlaterre.com.

La phrase « Recommandée par tous les bons nutritionnistes » fait référence au dicton populaire qui dit qu’ « une pomme par jour éloigne le médecin ». L’annonceur indique à cet égard qu’un nutritionniste qui ne recommanderait pas la pomme comme base d’une alimentation saine ne serait pas un bon nutritionniste et fait valoir  que ce conditionnement est exclusivement vendu en distributeur automatique avec des produits en général gras et sucrés décommandés par le PNNS.

3.Les motifs de la décision du Jury

La Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose, notamment, que :

1/1 La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur  les propriétés de ses produits en matière de développement durable.

 2/1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose.  La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit.

 23b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif.

  6/1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable. 

La Recommandation «  Allégations santé » dans sa partie Caution dispose que :

2/3/1 Une recommandation, émanant d’un ou des membre(s) d’une profession médicale, paramédicale ou scientifique, peut s’appliquer au composant d’un produit, sous réserve qu’elle repose sur des preuves scientifiques objectives et vérifiables et qu’elle ne reflète pas seulement l’opinion personnelle du ou des professionnels représentés.

2/3/2 Ces messages ne doivent pas conférer une présentation médicale au produit.

2/3/3 La recommandation directe d’un produit n’est pas acceptée. »

Enfin, la Recommandation «  Internet support publicitaire », en vigueur au moment de la plainte, dispose que :

Toute publicité doit se conformer aux règles du droit positif, être loyale, honnête et véridique. La publicité ne doit pas être de nature à induire le consommateur en erreur sur l’offre réellement proposée et/ou sur l’entreprise à l’origine de l’offre.

Sur l’appellation « Pomme écologique » et sur les textes figurant sur le site internet:

La société annonceur a expliqué avoir déposé la marque « la pomme écologique » à l’INPI et que l’utilisation de ce termes est adossée à un référentiel de bonnes pratiques élaboré par le groupement Demain La terre, dont l’UNAF et Ecocert sont partenaires. Elle reconnaît que cette allégation est globalisante, mais elle s’appuie sur le respect tout au long de la chaîne de production de mesures précises et objectives.

Elle fait enfin observer qu’il n’est en rien allégué que le produit est biologique et qu’il ne peut dès lors y avoir de confusion dans l’esprit du public.

Le Jury observe que le dépôt du terme « la pomme écologique » à titre de marque ne donne aucune certification sur la qualité et les propriétés du produit.

Il considère que les explications données, tant par écrit, que lors de la séance ou encore sur le site « lapommeecologique.com » apportent des justifications attestant que les fruits dont il s’agit sont bien produits selon un mode de production qui se veut respectueux de l’environnement, c’est-à-dire écologique, terme qui ne fait l’objet d’aucune définition juridique particulière.

Toutefois, l’utilisation du terme générique « pomme écologique » utilisé pour qualifier le fruit en lui-même, à des fins publicitaires, doit être justifiée par des éléments précis, objectifs et, si possible mesurables.

A cet égard, si les développements du site « lapommeecologique.com » expliquent de manière  que les pommes du verger sont produites selon un mode d’exploitation qui présente des avancées incontestables eu égard à la protection de l’environnement, le Jury relève cependant qu’aucune justification n’est donnée sur la nature et les quantités de produits phytosanitaires utilisés, au sujet desquels il est seulement indiqué qu’il en est fait un usage « raisonné ».

Par ailleurs, le mode d’arrosage indiqué comme réalisé par un goutte à goutte permettant d’économiser 150 000 m3 d’eau ne précise pas par rapport à quelle norme ou référent cette économie est réalisée.

Il ressort de ces observations que les explications données sur le site « lapommeecologique.com » n’expriment pas avec suffisamment d’exactitude l’action de l’annonceur et sont de ce fait de nature à induire le consommateur en erreur sur la juste qualité du produit, notamment au regard de son appellation.

Sur l’allégation « recommandé par tous les bons nutritionnistes » :

Ainsi que l’a reconnu le représentant de l’annonceur lors de la séance, cette affirmation donne au produit l’apparence d’une recommandation médicale qui, si elle n’est pas inexacte, peut avoir pour effet d’induire, là encore, une confusion dans l’esprit du public sur les propriétés réelles de produit.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la publicité ne respecte pas les dispositions 1/1, 2/1, 2/3.b. 6/1 de la Recommandation Développement durable, la disposition 2/3/2 de la Recommandation Allégations santé, ainsi que de la Recommandation Internet support publicitaire de l’ARPP.

4.La décision du Jury

–  La plainte est  fondée ;

–  La publicité méconnaît les dispositions précitées;

–  Il est demandé au directeur général de l’ARPP de prendre les mesures nécessaires au non renouvellement de ce message publicitaire tel qu’il est présenté ;

–  La présente décision sera communiquée à l’association plaignante et à l’annonceur ;

–   Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 8 avril 2011 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice-Présidente, MM, Lacan, Benhaïm et Leers.

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