JDP

Avis JDP n°107/11 – ASSOCIATIONS DE SANTÉ – Plainte non fondée

Décision publiée le 18.05.2011
Plainte non  fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu le plaignant, les représentants de l’association annonceur et de l’agence de communication,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties ;

rend la décision suivante :

1.Les faits

– Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 février 2011, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité, au regard des règles déontologiques en vigueur, d’une campagne publicitaire diffusée en affichage en faveur d’une association oeuvrant contre mucoviscidose afin d’alerter le public sur la gravité de cette maladie, les nécessités de la combattre et l’appelant à la rejoindre dans cette lutte.

La campagne est déclinée en quatre affiches présentant soit des personnes atteintes de la maladie, un chercheur et un médecin, chacun des visuels est accompagné d’un texte différent et comporte sous l’adresse internet vaincrelamuco.org, le slogan « rejoignez le combat ».

La première affiche présente la photo d’une petite fille à côté de laquelle figure le texte « Elle est bien plus forte que ses poumons. La mucoviscidose provoque de graves lésions pulmonaires », la deuxième montre un adolescent et comporte le texte « Il est bien plus beau que ses bronches. La mucoviscidose détruit progressivement les poumons » ; la troisième présente un homme blouse blanche accompagné du texte « Il est bien plus acharné qu’une maladie incurable. Les chercheurs ne reculent pas devant la mucoviscidose », la dernière affiche présente une femme, souriante, et le texte « Elle est bien plus douce que ses traitements. La mucoviscidose impose des soins quotidiens très lourds ». Seules les deux premières affiches ont été visées par la plainte, le Jury ne peut donc se prononcer que sur celles-ci.

2.La procédure

A la demande de l’annonceur, pour permettre l’audition en séance des responsables de l’association, l’examen de l’affaire initialement prévu le 8 avril 2011 a été reporté à la séance du 6 mai 2011.

3.Les arguments des parties

– Le plaignant considère que ces publicités qui utilisent des visages d’enfants à l’air maladif et au visage grave sont choquantes pour les patients et leurs familles en ce qu’elles leur mettent sous le regard, brutalement, la gravité de cette maladie qu’ils subissent au quotidien et en ce qu’elles exploitent abusivement la douleur pour des raisons financières. Il leur reproche de ne contenir aucun message d’espoir.

Par ailleurs il considère que ces images sont trompeuses quant à la représentation de l’état réel des jeunes malades et susceptibles de les décourager dans leur combat contre la maladie.

Il indique avoir fait part directement de ses remarques à l’association.

– L’annonceur rappelle qu’elle est une association de parents et de patients, atteints de la maladie. Elle affirme qu’elle est particulièrement sensible au fait que cette campagne ait pu affecter un parent dont l’enfant en est atteint. Elle ajoute être particulièrement vigilante, lors de la réalisation de ses campagnes et qu’elle veille à ce qu’une publicité destinée à faire connaître la maladie au grand public n’utilise ni des images ni des termes choquants car elle sait que les parents et patients sont eux-mêmes exposés à la campagne et pourraient potentiellement en être affectés.

Elle précise que la conception et la réalisation de la campagne en cause ont été faites en concertation avec des parents et patients. Toutes les précautions ont été prises pour éviter que cette campagne soit considérée comme recourant à un quelconque dolorisme qui serait contraire à l’éthique. Elle fait observer que la campagne critiquée ne fait pas état de la douleur de la souffrance ou de l’ «asphyxie» des malades et ne présente pas, contrairement à ce qu’indique la plainte, des malades en fin de vie.

L’association fait valoir également que la campagne a pour vocation de rappeler la dureté de la maladie au quotidien et son paradoxe : elle ne se voit pas mais détériore le système respiratoire. Si les malades ont un regard et une expression grave, ce n’est pas dans un objectif doloriste mais, à l’inverse pour témoigner de leur combativité contre la maladie.

Les termes employés pour évoquer les personnes à l’image sont « beau » et « forte », deux adjectifs valorisants et positifs appliqués à des personnes qui luttent contre une maladie si grave.

La présentation qui est faite de deux malades n’est donc pas contraire aux Recommandations de l’ARPP sur l’image de la personne humaine : ni la pénibilité des soins, ni la souffrance physique liée à la maladie ne sont montrées.

L’association précise encore que cette campagne a été post-testée et a obtenu un score d’agrément de 71%, le standard étant de 68% pour les campagnes d’intérêt général selon le panel de l’Ipsos. Elle ajoute que l’intention était de sensibiliser sur la maladie, l’information et la sensibilisation sur la mucoviscidose étant une des missions sociales de l’association (la mucoviscidose étant une maladie rare et donc par nature insuffisamment connue).

Son objectif principal n’est donc pas de recueillir des fonds, même si la possibilité du don est sous-entendue. Elle invite plus globalement à « rejoindre le combat » des malades sous toutes leurs formes possibles : faire un don, mais aussi s’informer, découvrir le combat des malades et de l’association, devenir bénévole.

Même si cette publicité ne constitue pas strictement une campagne de collecte, elle n’est pas contraire aux recommandations de l’ARPP en la matière. Elle ne comporte en effet aucune inexactitude sur le but poursuivi par l’association ni de référence à une action précise et n’utilise pas de message personnalisé.

Enfin, l’association fait valoir que la mention sur l’une des affiches « la mucoviscidose détruit progressivement les poumons » est exacte : cette destruction, à laquelle concourent des bactéries est bien malheureusement l’une des conséquences de la maladie.

L’association précise qu’elle n’a reçu aucune plainte sur cette campagne qui a été largement diffusée dans 850 villes.

– L’agence soutient que les visuels ne contiennent aucun appel direct aux dons mais un simple message « Rejoignez le combat » accompagnant la mention du site Internet de l’annonceur. Ils ne contiennent aucun message personnalisé, les enfants photographiés n’étant pas identifiés.

La dénomination même de l’association permet à elle seule de renseigner le public sur l’objet de son action et l’utilisation des fonds reçus.

Les visages déterminés des enfants incarnent leur combat contre la maladie. Ils n’expriment aucune détresse mais au contraire une grande dignité face à la maladie.

Elle ajoute que l’application de la Recommandation sur l’image de la personne humaine prend en considération la nécessité d’un message fort et interpellant destiné à un public préparé à ce type de message. Tel est le cas de la présente campagne.

Il observe que les décisions antérieures du JDP montrent que celui-ci reconnaît que, dans le cas des grandes causes, les principes de dignité et de décence doivent s’apprécier au regard de la capacité du public à être confronté à des images choquantes, violentes ou dérangeantes.

L’agence souligne que la portée des visuels et du message est proportionnée à l’objectif poursuivi, conformément aux préconisations du CEP et du JDP.

En l’espèce, la campagne représente quatre visages dont celui de deux enfants effectivement porteurs de la maladie qui ont souhaité y participer en se montrant tels qu’ils sont face à elle, à savoir déterminés et combatifs.

Les textes qui les accompagnent n’ont pas pour but de choquer ni de heurter le public mais de lui rappeler les effets de la maladie avec le seul objectif de sauver des vies en incitant le public à s’impliquer dans le combat.

Les images représentées correspondent à la réalité et sont montrées en lien avec la cause défendue. Elles demeurent ainsi tout à fait proportionnées et conformes au message dont la diffusion est recherchée.

L’agence souligne enfin que cette campagne a été conçue et réalisée avec l’étroite collaboration de personnes touchées par la maladie, qu’elle est diffusée depuis le mois de décembre 2008 et n’a depuis ce temps, fait l’objet d’aucune remarque, critique ou observation négative que ce soit de la part du public ou des personnes directement touchées. Bien au contraire, les post-tests effectués démontrent la qualité et l’efficacité de cette campagne dans  la mesure où elle contribue à augmenter la notoriété de l’association et la compréhension des enjeux à agir plus vite pour soutenir les malades et les professionnels.

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine»  dispose que :

La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.

D’autre part, la Recommandation « Appel à la générosité publique » précise, dans son point relatif à la dignité des personnes représentées, que :

 Les illustrations ne doivent pas exploiter abusivement l’image de la détresse humaine. La dignité des personnes représentées doit être respectée quel que soit le lieu géographique de diffusion.

Le Jury rappelle que l’objectif d’alerter le public pour combattre un mal ou des comportements néfastes ou dangereux pour la société, nécessite de lui faire prendre conscience de la gravité et des conséquences de ce mal. Ceci nécessite, dans certains cas, que la réalité soit montrée ou dite, même si elle peut être choquante ou douloureuse pour les personnes directement concernées. Ce constat doit, dans le cas de campagnes destinées à la lutte contre les maladies, être concilié, d’une part, avec le respect de ce que peuvent ressentir les malades et ceux qui les accompagnent, d’autre part, avec la sauvegarde de l’espoir de réussite sans lequel aucun combat ne saurait être engagé.

Concernant la campagne en cause, il relève qu’aucune des photos n’inspire l’idée de souffrance mais montre, ainsi que l’objectif a été fixé par l’association, une forte détermination des sujets, laquelle s’exprime par le regard grave et intense de l’enfant et de l’adolescent  photographiés.

Ces photos sont accompagnées d’un texte qui exprime à la fois la volonté affirmée de chacun des acteurs de lutter contre la maladie et la gravité de celle-ci.

Le texte accompagnant la photo de l’enfant (« Elle est bien plus forte  que ses poumons – La mucoviscidose provoque de grave lésions pulmonaires »), exprime de manière sobre, tant la gravité de la maladie que la capacité de l’enfant à y faire face et à la combattre. Cette phrase formulées sous forme de témoignage et de constat objectif relativement distancié, ne pose pas de difficulté au regard de la protection et du respect des malades et de leur entourage.

La phrase accompagnant la photo du jeune homme et selon laquelle « La mucoviscidose détruit progressivement les poumons » a une portée plus violente qui renvoie à la réalité des dégâts engendrés par la maladie, quand bien même ce ne serait pas celle-ci qui aurait cet effet, mais les bactéries rencontrées par l’organisme.

S’il est malheureusement inéluctable que certaines personnes touchées par la maladie ressentent une souffrance à la vue de ce message en raison de leur expérience personnelle, ce texte demeure néanmoins objectivement acceptable au regard des principes déontologiques, en ce qu’il fait état d’une situation que la recherche pourrait, à terme, améliorer, si elle obtenait davantage de moyens, ce à quoi s’emploie l’association.

 

4.La décision du Jury

– La plainte est  rejetée ;

– La présente décision sera communiquée au plaignant, ainsi qu’à l’association annonceur et à l’agence de communication;

–  Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 6 mai 2011 par Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, substituant la Présidente empêchée, Mmes Drecq et Moggio, et MM. Carlo, Lacan, Leers et Raffin.

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