JDP

AVIS DU JDP N°743/21 – CHASSE  

Avis publié le 6 septembre 2021
Plaintes partiellement fondées 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,  

– après examen des éléments constituant le dossier de plainte, 

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,  

– après avoir entendu les représentants d’une fédération plaignantes et d’un plaignant particulier, ainsi que ceux de l’annonceur et de la société d’affichage, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence, 

– et après en avoir débattu, 

rend l’avis suivant : 

  1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, d’une part, entre le 1er et le 7 avril 2021, de trois plaintes émanant de particuliers, d’autre part, le 18 mai 2021, d’une plainte émanant de la Fédération nationale des chasseurs, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité concernant la pratique de la chasse. 

La publicité en cause, diffusée en affichage, utilise en accroche, le texte : « Chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous », en-dessous duquel figurent les informations : « 141 accidents dont 11 mortels – 30 millions d’animaux abattus », complétées par la mention : « Saison 2019-2020 – Source : Office Français de la Biodiversité ». 

  1. Les arguments échangés

Les plaignants particuliers considèrent que cette campagne constitue une insulte envers les chasseurs en assimilant ceux-ci à un virus meurtrier et en induisant une comparaison avec la crise sanitaire actuelle. Il s’agit, selon eux, de propos discriminants et stigmatisants pour plus d’un million de chasseurs en France. 

Ils précisent que la chasse est un sport, une activité d’évasion pour de nombreuses personnes et même une passion. Elle permet de prélever certaines espèces qui deviendraient incontrôlables si elles n’étaient pas chassées (sangliers, pigeons …) et causeraient des dommages sur les cultures très préjudiciables aux agriculteurs. Ils relèvent que la plupart des chasseurs respectent le gibier qu’ils prélèvent.    

Les plaignants ajoutent que cette publicité est mensongère sur le nombre d’animaux tués. 

Lors de la séance du 2 juillet, le plaignant représenté a fait valoir oralement combien le propos de l’affiche a pu être perçu comme dénigrant à l’égard des chasseurs. Il a précisé que pour un chasseur travaillant également dans le domaine de la santé, la similitude du slogan avec ceux de la campagne de lutte contre la Covid-19 a pu constituer une atteinte encore plus injuste.  

La Fédération plaignante indique qu’elle constitue une association soumise au statut de la loi de 1901, en activité depuis 2001.  

Elle assure la représentation des fédérations départementales, interdépartementales et régionales de chasseurs au niveau national.  

Elle précise que l’article L 423-4 du code de l’environnement prévoit que le fichier national du permis de chasser est géré conjointement par l’office français de la biodiversité et la fédération nationale des chasseurs. Ainsi, les fédérations départementales des chasseurs transmettent quotidiennement à la fédération nationale des chasseurs la liste de leurs adhérents titulaires d’une validation ou d’une autorisation de chasser. Chaque personne est identifiable et grâce à ce travail de recensement, l’association établit une base de données nationale ce qui démontre sa capacité à représenter l’ensemble des chasseurs de France.  

L’association ajoute qu’en qualité d’instance chargée d’assurer la promotion et la défense de la chasse ainsi que la représentation des intérêts cynégétiques, elle est l’interlocuteur de référence auprès du gouvernement et des pouvoirs publics et qu’elle est consultée par le ministre chargé de la chasse sur la mise en valeur du patrimoine cynégétique, la protection de la faune sauvage et de ses habitats ainsi que les conditions de l’exercice de la chasse. Son expérience dans le domaine de la protection de la nature lui a valu d’être agréée comme
« association de protection de l’environnement » depuis 2011 au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement.  

L’association indique que, par arrêté du 16 décembre 2013, elle a été désignée pour prendre part au débat sur l’environnement se déroulant dans le cadre des instances consultatives nationales.et qu’elle est également membre de la Commission nationale de la transition écologique et du Conseil national de la Biodiversité et coordonne la cohésion des actions des associations communales et intercommunales de chasse agréées qui sont investies de missions d’intérêt général en vertu de l’article L. 422-2 du code de l’environnement. Elle considère qu’elle favorise ainsi le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d’un équilibre agro-sylvo-cynégétique et joue un rôle majeur dans la préservation de la biodiversité. Elle participe en outre à la politique nationale en matière de lutte contre les pathologies et les problèmes sanitaires impactant la faune sauvage et conçoit et met en œuvre le programme national de remise à niveau des connaissances des chasseurs pour la formation décennale obligatoire instituée par la loi du 24 juillet 2019 (article L 424-15 du code de l’Environnement). 

L’association soutient que l’activité de chasse est une pratique millénaire et universelle, légale et réglementée en France. Avec plus de 5 millions de porteurs de permis dont 1 million de pratiquants et 500 000 bénévoles, la chasse est la 3ème activité de loisirs des Français. Au-delà de représenter un art de vivre, les chasseurs participent à certaines missions sanitaires conformément au rôle qui leur est reconnu par la « loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt » du 13 octobre 2014. Selon elle, ces missions bénévoles font des chasseurs des « éco-citoyens » pleinement sensibilisés aux enjeux environnementaux. 

Elle ajoute que la pratique de la chasse constitue un véritable patrimoine vivant et un vecteur d’identité fort qui répond à une aspiration d’authenticité et de rapprochement avec la nature. Par la richesse de son tissu associatif, la chasse est également le moteur d’une activité économique importante à l’origine de nombreux emplois.  

Elle considère qu’en dépit de cet ancrage dans la société et de la reconnaissance des autorités publiques quant au rôle joué par les chasseurs dans la protection de la biodiversité, les chasseurs et l’activité de chasse font face à de nombreux détracteurs qui n’hésitent pas à user de procédés violents pour faire entendre leur opposition idéologique. Ainsi, bien qu’étant une activité légale, la chasse et ceux qui la pratiquent font trop régulièrement l’objet d’attaques virulentes (harcèlement moral, entraves, diffamations, violences, …).  

Selon elle, c’est dans ce cadre que s’inscrit l’affiche litigieuse qui a été diffusée, à compter du 30 mars 2021, sur l’ensemble du territoire national par la société d’affichage en cause. Ces affiches, d’un format de 4 mètres sur 4 mètres, se situent à chaque fois en bordure d’axes routiers et de voies ferrées. Dès le 1er avril 2021, l’association plaignante a fait constater, par huissier, la présence de plusieurs de ces affiches, à Cambrai, à Saintes, à Mont-de-Marsan, à Reluis ainsi qu’à Châlons-en Champagne. L’affiche a également fait l’objet d’une diffusion sur internet, notamment sur le site internet de l’annonceur, et a largement été relayée sur les réseaux sociaux de cette fondation. Ainsi, l’annonceur, dans un communiqué en date du 29 mars 2021, accessible sur son site internet, reprenant en titre le slogan évoqué ci-dessus, annonce- « La … lance une opération nationale inédite, via une campagne d’affichage de 1500 panneaux sur l’ensemble du territoire, pour dénoncer l’imposture de la chasse et tes dangers que représentent les porteurs de fusil ».  

Elle relève que la presse, aussi bien régionale que nationale, s’est largement fait l’écho de cette campagne publicitaire, amplifiant alors considérablement le message de l’annonceur et estime que cette campagne publicitaire est à l’origine d’un important préjudice, non seulement pour les chasseurs et l’activité de chasse, représentés par l’association plaignante, mais également pour l’ensemble du public, en ce qu’elle ne respecte pas les règles déontologiques.  

Concernant les violations manifestes des règles déontologiques  

La fédération relève d’abord que la publicité doit « se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique » (Article 1er du Code ICC) et que ces principes s’imposent indépendamment du caractère « commercial » ou « non commercial » d’une publicité. En effet, dans un avis publié le 28 janvier 2019, le Conseil de l’Éthique Publicitaire a clairement affirmé que « les campagnes d’opinion ne sont pas exemptées du respect des règles fondamentales de l’éthique publicitaire ». Cet avis relève en outre que « l’opinion exprimée publiquement par [ces] campagne[sJ prête […] généralement à polémique, car s’engageant sur des terrains parfois glissants (mise en cause d’États ou de dirigeants, dénigrement d’activités ou d’entreprises, atteinte aux convictions philosophiques, politiques ou religieuses, etc.) » et qu’en conséquence « en examinant ces campagnes, la vigilance de l’ARPP et de ses collaborateurs doit donc être en éveil, notamment face au risque d’une instrumentalisation à ses dépens. ». Cet avis insiste à cet égard sur le fait qu’il faut distinguer les causes incontestables dans l’opinion (par exemple la lutte contre la pédophilie) des combats plus contestés (comme la lutte contre la corrida) » et que « dans le second cas, les partis pris militants exprimés par les campagnes, parce qu’ils sont sujets à controverse, créent un risque supplémentaire de non-acceptation du message par le public ». 

Elle souligne que si cet avis reconnaît qu’il peut exister une certaine tolérance pour les campagnes d’opinion, il précise que « cette marge de tolérance ne peut porter que sur des éléments de nature à choquer le public (violence, indécence…) et en aucun cas sur des éléments de nature à tromper ou nuire ».  

Elle en déduit que l’affiche litigieuse ne saurait être purement et simplement qualifiée de campagne d’opinion, dès lors qu’elle formule un appel au soutien – vraisemblablement financier.  

L’association plaignante relève cinq violations manifestes de la déontologie publicitaire. 

En premier lieu, la campagne critiquée méconnaît l’article 7 du Code ICC, qui impose aux communications commerciales d’être identifiables. En effet, elle comporte une ambiguïté quant à l’identité de l’annonceur, en raison de la confusion entretenue avec la communication officielle du Gouvernement sur la crise sanitaire. 

A cet égard, dans son avis « Campagnes d’opinion et publicité non commerciale » du 28 janvier 2009, le CEP a souligné l’importance particulière que revêt, pour les campagnes d’opinion, l’identification claire de l’annonceur et du caractère publicitaire du message, pour des raisons tenant notamment à des préoccupations relatives à l’ordre public.  

En l’espèce, elle soutient que l’affiche litigieuse imite la campagne de communication de l’État, et notamment du ministère des solidarités et de la santé, initiée un an auparavant dans le cadre de la pandémie de Covid-19 qui sévissait sur le territoire national. 

A compter de la mi-mars 2020, l’invitation à « rester chez soi » dans le cadre d’un confinement strict dans le but de sauver des vies en évitant la propagation de la maladie et l’encombrement des hôpitaux était le mot d’ordre intimé par notre gouvernement. Selon elle, l’affiche litigieuse reprend de manière évidente la charte graphique créée dans le cadre de cette communication gouvernementale par : la mise en page (Formes rectangulaires, Lettres capitales), le slogan (« sauvez des vies, restez chez vous »), les couleurs (bleu, blanc, rouge — couleurs du drapeau national). 

Selon le plaignant, le visuel incite le public à penser qu’il s’agit d’une campagne officielle. Il est notable à cet égard que ces affiches sont toutes situées en bordure de routes sur lesquelles circulent – de façon relativement rapide – des véhicules, voire aux abords de réseaux ferroviaires. Ce faisant, le temps d’exposition et de lecture du public est particulièrement bref et ne permet pas nécessairement d’analyser avec recul le message publicitaire leur étant soumis. Ainsi, si en bas de l’affiche à droite, le logo de l’annonceur apparait, son identification n’est pas suffisamment claire dans la mesure où les trois quarts de l’affiche évoquent une campagne gouvernementale. En outre, il est notable que l’encart « CHASSE » en haut à droite de l’affiche, auquel s’adjoint le pictogramme représentant un chasseur figurant en haut à gauche du visuel, sont de mêmes tailles que le logo de ce dernier. 

En deuxième lieu, cette campagne publicitaire méconnaît, selon le plaignant, les articles 2 et 12 du Code ICC et de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP, selon lesquels la publicité ne doit pas dénigrer une catégorie de personnes ou tenter de lui attirer le mépris du public notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société, et ne doit pas inciter à la discrimination, encourager des comportements antisociaux ou valoriser un sentiment d’exclusion.    

Il retient que l’unique objet de cette affiche est de dénigrer l’activité de chasse et de stigmatiser les chasseurs en éveillant dans la population un sentiment d’insécurité.  

L’association plaignante ajoute que cette stigmatisation injustifiée est d’autant plus grave que cette affiche présente le groupe social des chasseurs comme représentant un danger mortel pour l’ensemble des concitoyens. D’une part, l’affiche utilise des données chiffrées – mal sourcées par ailleurs – et un vocabulaire volontairement alarmiste, tel que les termes
« mortels » ou « abattus » afin de créer dans l’esprit du public l’image se chasseurs nuisibles, dangereux et brutaux, d’autre part, cette affiche, elle assimile la chasse à une pandémie mondiale et les chasseurs à un virus mortel dont il faut préserver le reste de la population. 

La fédération rappelle que la pandémie de Covid-19 est à l’origine, à ce jour, de presque 98 000 décès en France. Véhiculer par ces affiches l’idée selon laquelle un parallèle est envisageable entre la chasse et cette maladie et que la seule mesure salutaire pour le public serait d’intimer aux chasseurs de « rester chez eux » et, de fait, de se mettre à l’écart de la communauté humaine et de cesser l’activité de la chasse est, selon elle, manifestement dénigrante et cause un important préjudice à la communauté des chasseurs. 

Elle soutient que l’impact de cette affiche est doublement renforcé :  

– par le fait qu’en lui donnant une apparence officielle, par imitation de la campagne de communication de l’État dans le cadre de la pandémie de Covid-19, l’annonceur donne à son injonction une apparence de légitimité  

– par le choix de la date « anniversaire » du premier confinement pour son lancement. Le dénigrement de la chasse et la discrimination induite à l’égard des chasseurs est manifeste.  

Enfin, elle considère qu’en formulant à l’endroit des chasseurs l’injonction de rester chez eux pour sauver des vies, cette affiche instigue dans l’esprit du public un sentiment d’exclusion et d’intolérance vis à vis de ce groupe social.  

En troisième lieu, selon l’association plaignante l’affiche litigieuse crée dans l’esprit du public un sentiment de rejet, de peur et d’insécurité en présentant les chasseurs comme responsables de la mort d’autrui sans distinction aucune des circonstances de temps, de lieux ou propres à leur(s) auteur(s), de survenance de faits ayant causé la mort d’autrui. 

Ainsi, d’une part en enjoignant les chasseurs à « rester chez [eux] » pour « sauver des vies » elle induirait dans l’esprit du public l’idée selon laquelle les chasseurs mettent des vies, notamment humaines, en péril.   

Elle soutient que l’utilisation d’un pictogramme représentant un homme avec un fusil dans les mains en action de tir renforce plus encore l’impression d’insécurité. En véhiculant l’idée que la population ne serait donc pas en sécurité en présence de chasseurs, cette affiche inciterait la population à rejeter de la communauté des personnes pratiquant la chasse. D’autre part, cette affiche ferait peur au public quant à la préservation de la biodiversité. Les chasseurs représenteraient, à la lecture de cette affiche, un danger pour la biodiversité alors qu’ils sont pourtant des acteurs essentiels à sa préservation.  

Elle soutient qu’elle assure la défense et la promotion du rôle des chasseurs dans la protection de la biodiversité, qu’il s’agisse de l’entretien des espaces ou de la gestion des espèces et qu’elle a lancé en janvier 2016 une base de données « Cyn’Actions Biodiv », ayant pour objectif de recenser les actions des chasseurs en faveur de la biodiversité. Elle rappelle son rôle  auprès des pouvoirs publics. 

L’association soutient, en quatrième lieu, que ces affiches méconnaissent l’article 6 du Code ICC selon lequel : « Toute description, assertion ou illustration relative à un fait vérifiable dans une communication commerciale doit pouvoir être étayée. Les revendications, qui affirment ou impliquent qu’un niveau ou un type particulier de preuve existe, doivent présenter au moins le niveau de justification annoncé. Cette justification doit être disponible de telle sorte que la preuve puisse être apportée sans délai et sur simple demande aux organismes d’autorégulation responsables de la mise en œuvre du Code ». 

La fédération relève qu’il résulte également de la Recommandation « Développement Durable » et de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » que chaque affirmation chiffrée doit reposer sur une enquête scientifique et que la publicité y ayant recours doit en préciser la source entendue comme la mention de l’auteur de l’étude et de la date de sa réalisation. Les sources doivent figurer de manière aisément lisible par le public.  

En l’espèce, la publicité utilise deux affirmations chiffrées : « 141 accidents dont 11 mortels » et « 30 millions d’animaux abattus. » qui paraissent reposer sur la « saison 2019-2020 » et avoir pour « Source: Office Français de la Biodiversité ».  

Or, en premier lieu, le plaignant considère que si la première de ces affirmations résulte bien d’une étude de l’OFB, le second chiffre de 30 millions d’animaux n’apparaît nullement dans les différentes études menées par cette entité. En effet, la recherche par mots clefs dans la barre de recherche du site de 1’OFB reste vaine. Ce faisant, l’affiche litigieuse trompe le public en affirmant reposer sur une source fiable, à savoir l’OFB, alors qu’il n’en est rien. Elle le trompe même doublement en avançant un chiffre farfelu de « 30 millions d’animaux abattus ».  

Selon la plaignante, ce chiffre résulte vraisemblablement d’un calcul imprécis opéré par l’annonceur, en prenant appui sur des données chiffrées glanées tantôt dans des enquêtes anciennes sur les tableaux de chasse, tantôt sur des chiffrages opérés sur la base des élevages de gibier de chasse. De tels calculs sont loin de satisfaire les exigences de précision déontologiquement imposées s’agissant des sources.  

En outre, s’agissant de la première affirmation « 141 accidents dont 11 mortels. », elle estime que cette affirmation fait l’impasse sur les faits suivants, ressortant pourtant de la même étude : « En 20 ans, la tendance globale des accidents de chasse est à la baisse. Le nombre d’accidents a ainsi diminué de 4l % comparé à son niveau de 1999 », « Le nombre d’accident mortel à chuté de 71 % comparé à 1999 », « Les accidents se sont principalement produits lors de chasse au gros gibier »; « 90% des victimes des accidents étaient des chasseurs ».  

Selon elle, il se déduit de ces chiffres que l’annonceur ne peut ignorer, que se sont d’abord les chasseurs eux-mêmes qui sont victimes d’accident de chasse, mais que surtout, ces accidents se sont majoritairement produits lors de chasse au grand gibier, laquelle relève d’une mission d’intérêt général dont les chasseurs sont les acteurs principaux.  

Aux termes d’une lettre d’instruction du 31 mars 2020, le ministre de la transition écologique indiquait clairement que « l’objectif est d’éviter une explosion des coûts liés aux dégâts causés par les gros gibier » et que « dans ce but, il conviendrait notamment de veiller à ce qu’environ 500.000 sangliers soient prêtés d’ici la fin de l’année, ce qui suppose une mobilisation active des chasseurs ». 

Il résulte de la Recommandation « Appel à la générosité publique » de l’ARPP que la publicité, notamment lorsqu’elle appelle à la générosité publique, doit porter un message qui correspond aux actions menées par l’annonceur. En l’espèce, l’annonceur a été créé le 30 avril 1986 avec pour objet « promouvoir et organiser la défense ainsi que la protection de l’animal sauvage et domestique, tant en France que dans le monde entier ». Cet objet social demeure à ce jour et il se présente en ces termes sur les réseaux sociaux : « La … œuvre pour la protection de l’animal domestique & sauvage, en France et à l’international ».  

Selon la fédération, en faisant volontairement état des accidents « humains », avant même les données portant sur les animaux, la fondation non seulement outrepasse ses attributions, mais en plus, use de tous moyens pour émouvoir l’opinion publique,  

Elle ajoute que l’annonceur incite le public à penser qu’au moins une partie des fonds recueillis pourrait être utilisée en soutien des personnes victimes d’accidents de chasse. Or, ce faisant, cette Fondation sème le doute sur l’action précise pour laquelle elle sollicite des soutiens, violant ainsi la déontologie publicitaire à laquelle elle est soumise. 

En cinquième et dernier lieu, la fédération se fonde également sur les articles 4 (exigence déontologique de loyauté) et 5 (exigence déontologique de véracité) du Code ICC, pour soutenir que les fondements revendiqués par l’annonceur pour tenter de justifier cette injonction, sont erronés, mal exploités et trompeurs: 

Lors de la séance du 2 juillet, la fédération a repris ces arguments et précisé que l’action en justice qu’elle a initié à Cambrai à la suite de cette campagne n’a été rejetée que pour des motifs de procédure. 

L’annonceur, a été informé, par courriels avec accusé de réception le 5 mai 2021, des plaintes des particuliers, puis le 28 mai 2021, de la plainte d’une association, dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée. 

Elle fait valoir qu’elle est une fondation, reconnue d’utilité publique par décret du 21 février 1992, dont l’objet social est la défense et la protection des animaux sauvages et domestiques.  

Elle a mis en place, le 31 mars 2021, une campagne publicitaire sur l’ensemble du territoire, visant à sensibiliser le public sur les conséquences de la chasse. Des affiches ont ainsi été apposées sur les panneaux publicitaires mis à disposition par la société d’affichage dans plusieurs communes de France. 

La fondation indique que beaucoup d’affiches ont été volontairement détériorées et le message de la fondation détourné sur les affiches mais également sur les réseaux sociaux, en des termes virulents à l’encontre tant de la fondation que de sa présidente. 

Elle constate que deux procédures judiciaires sont en cours. L’une, à l’initiative de l’association plaignante, a été jugée irrecevable par jugement du tribunal judicaire de Cambrai du 6 mai 2021, frappé d’appel par cette dernière ; l’autre, émanant d’une autres associations de chasseurs, est pendante devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan.  

L’annonceur fait valoir les observations suivantes en réponse aux principaux griefs des plaintes. 

En premier lieu, il indique qu’il a mené cette campagne de communication afin de sensibiliser le public sur les conséquences de la chasse, en dénonçant les dangers induits par cette activité du fait de l’utilisation de fusils et l’abattage d’animaux en grand nombre. 

Il soutient que cette campagne s’inscrit de manière assumée et sous la forme d’un pastiche dans la lignée du message gouvernemental lors du premier confinement de mars à mai 2020. Son annonceur n’en reste pas moins clairement identifiable compte tenu de la présence en bas de l’affiche, du message « Soutenez-nous » suivi de la mention du site internet de l’annonceur, ainsi que de la retranscription en bas à droite de l’affiche, de son logo en bleu sur fond blanc, de sorte qu’aucune confusion ne peut exister sur l’identité de l’annonceur qui est clairement établie. 

Par suite, les articles 7 et 16 du code ICC ne sont pas méconnus. 

En deuxième lieu, la campagne publicitaire en cause ne méconnaît pas les articles 2 et 12 du code ICC dès lors qu’elle a souhaité exprimer une opinion, celle qu’elle s’est donnée pour mission de promouvoir et pour laquelle elle est connue du public.  

Elle soutient qu’il ne s’agit pas d’une communication commerciale au sens des articles 2 et 12 du code ICC, mais d’une campagne émanant d’un organisme reconnu d’utilité publique pour alerter le public sur un problème sociétal, objet d’un débat public récurrent. La fondation délivre, selon elle, un message informatif : loin d’insulter, d’invectiver les chasseurs, ou encore de les comparer à un virus, elle s’est contentée de donner des chiffres officiels afin d’alerter sur les risques, réels, de la chasse.  

La fondation estime donc qu’aucune discrimination et encore moins une incitation à des comportements violents ou illicites n’émane de cette campagne d’information qui s’est au contraire, trouvée elle-même victime de détériorations. 

Elle conteste, en troisième lieu, que cette campagne aurait créé un « sentiment de peur, de rejet et d’insécurité en présentant les chasseurs comme responsable de la mort d’autrui ». En effet, celle-ci s’appuie sur des éléments réels et incontestables.  

Sous le message de la Fondation (annonceur), il est indiqué que la saison de chasse 2019-2020 a connu « 141 accidents de chasse dont 11 mortels, et 30 millions d’animaux abattus », ce qui est une réalité s’appuyant sur des sources officielles, à savoir : 

La fondation indique que la réalité factuelle énoncée sur l’affiche sous forme de vérité, n’est pas contestable : la chasse provoque des accidents et même des décès et conduit à tuer des millions d’animaux et l’affiche invite les chasseurs à sauver des vies en restant chez eux en s’inscrivant ainsi dans la lignée du message gouvernemental lors du premier confinement de mars à mai 2020.  

Enfin, la fondation considère que le message est tout à fait conforme à son objet statutaire qui est la défense et la protection des animaux. Par ailleurs, ses statuts prévoient au nombre de ses moyens d’actions les campagnes d’opinion et de sensibilisation du public à la cause animale. C’est dans ce cadre qu’elle a lancé la campagne d’affichage en cause laquelle vise à sensibiliser le public sur les conséquences de la chasse qui s’inscrit dans un débat public d’intérêt général et repose sur des éléments factuels réels. 

L’annonceur indique que la campagne a pris fin le 28 avril 2021, conformément à la commande passée auprès de la société d’affichage. 

Lors de la séance du 2 juillet, il a repris ces arguments. 

La société d’affichage a également été informée, par courriel avec accusé de réception du 5 mai 2021, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée. 

Elle fait valoir que le 9 mars 2021, l’annonceur a passé commande auprès d’elle d’une campagne d’affichage nationale visant à sensibiliser le public sur les conséquences de la chasse.  

Rien dans cette campagne ne permet de conclure à l’interprétation selon laquelle le Code ICC « Publicité et Marketing », en particulier les points 2, 6 et 7 et la Recommandation « Appel à la Générosité Publique » ne seraient pas respectés.  

En premier lieu, il n’y a lieu de relever aucune ambiguïté sur l’identité de l’annonceur. En effet, figurent de façon parfaitement visible sur l’affiche, d’une part, le logo et le nom de la Fondation et, d’autre part, le slogan « Soutenez nous : ——–.fr ». La société souligne que la qualité de l’annonceur est donc dépourvue de toute équivoque et apparaît clairement sur l’affiche.  

De plus, l’affiche s’inscrit, selon le diffuseur, dans les limites admissibles de la liberté d’expression, telle que protégée par la convention européenne des droits de l’homme, et n’est donc en rien discriminatoire ou dénigrante envers les chasseurs. Pour la société, il est manifeste que le message affiché par l’annonceur sur les effets de la chasse sur la faune et les dangers qu’elle induit par l’utilisation d’armes à feu, fondés sur des données sourcées, participe au débat public entre les tenants du bien-être animal dont l’association susmentionnée fait partie et les partisans de la chasse et ne saurait donc nullement être considéré comme constituant un abus de la liberté d’expression.  

Par ailleurs, elle souligne que ce n’est pas l’affiche qui éveille dans la population un sentiment de peur ou d’insécurité comme le soutient l’association plaignante, puisque cette population fait d’ores et déjà montre d’une certaine inquiétude par rapport à la chasse. Deux sondages IFOP ont montré que 71% des sondés se déclarent en insécurité lorsqu’ils se promènent dans la nature en période de chasse.  

En outre, la société d’affichage rappelle que l’annonceur est une fondation reconnue d’utilité publique dont l’objet social est la défense et la protection des animaux sauvages et domestiques ; à ce titre, ses statuts prévoient au nombre de ses moyens d’actions, les campagnes d’opinion et de sensibilisation du public à la cause animale. Cette communication conforme à l’objet social de l’annonceur respecte donc bien la Recommandation « Appel à la Générosité Publique ». C’est dans ce cadre qu’elle a lancé la campagne d’affichage en cause, laquelle vise à sensibiliser le public sur les conséquences de la chasse, en dénonçant les dangers induits par cette activité sportive du fait de l’utilisation de fusils et l’abattage d’animaux en grand nombre.  

Sous l’accroche « Chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous », il est indiqué sur l’affiche que la saison de chasse 2019-2020 a connu 141 accidents de chasse dont 11 mortels, et 30 millions d’animaux abattus, ce qui est une réalité s’appuyant sur une source officielle, à savoir le rapport de l’OFB pour la saison 2019-2020. Ce rapport fait effectivement état de 141 victimes d’accidents de chasse, dont 11 mortels. Quant au chiffre de 30 millions d’animaux abattus, s’il ne figure pas dans l’étude de l’OFB pour la saison 2019-2020, il correspond à l’estimation de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, en partenariat avec l’Union nationale des fédérations départementales des chasseurs. 

Le diffuseur considère donc que cette campagne s’appuie donc bien sur des sources officielles quant aux données chiffrées mises en avant conformément à l’article 6 du Code ICC.  

A partir de ces constats incontournables (la chasse provoque des accidents et même des décès et conduit à tuer nombre d’animaux), la société d’affichage estime que l’annonceur ne fait que reprendre une évidence : en matière de chasse comme dans d’autres domaines d’ailleurs, telle la route, le slogan « Sauvez des vies restez chez vous » ressort de la logique factuelle : si les chasseurs étaient restés chez eux, le nombre de décès évoqués sur l’affiche n’auraient pas pu être constatés et être imputés aux chasseurs.  

Elle ajoute que la Fondation en cause comme la société d’affichage elle-même ont été assignées en justice: 

La société d’affichage en déduit que ces actions judiciaires montrent paradoxalement que le caractère jusqu’au-boutiste que semble reprocher les plaignants à cette campagne est plutôt du côté des chasseurs et de leurs fédérations. 

Lors de la séance du 2 juillet 2021, la société a repris ces arguments. 

  1. L’analyse du Jury

3.1. Sur les règles déontologiques invoquées 

Le Jury rappelle que le code de la Chambre de commerce internationale « Publicité et marketing », dit code ICC, dont les principes généraux s’appliquent à l’ensemble des publicités relevant de la compétence du Jury, prévoit que : 

« Article 1 – Principes élémentaires 

Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique. 

Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu’ils sont généralement admis dans les relations commerciales. 

Aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter au marketing. ». 

« Article 4 – Loyauté 

La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération. » 

«Article 5 – Véracité  

La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. / La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne : des caractéristiques du produit qui sont essentielles, ou en d’autres termes, de nature à influencer le choix du consommateur, telles que la nature, la composition, la méthode et la date de fabrication, le domaine d’utilisation, l’efficacité et les performances, la quantité, l’origine commerciale ou géographique, ou l’impact sur l’environnement (…) ». 

« Article 6 – Justification 

Toute description, assertion ou illustration relative à un fait vérifiable dans une communication commerciale doit pouvoir être étayée. Les revendications, qui affirment ou impliquent qu’un niveau ou un type particulier de preuve existe, doivent présenter au moins le niveau de justification annoncé. Cette justification doit être disponible de telle sorte que la preuve puisse être apportée sans délai et sur simple demande aux organismes d’autorégulation responsables de la mise en œuvre du Code. » 

« Article 7 – Identification et transparence 

Les communications commerciales doivent être clairement identifiables en tant que telles, quelle que soit leur forme et quel que soit le support utilisé. Lorsqu’une publicité, y compris une publicité dite «native», est diffusée dans un média comportant des informations ou du contenu rédactionnel, elle doit être présentée de telle sorte que son caractère publicitaire soit évident et, le cas échéant, doit être marquée comme telle. 

La finalité commerciale de la communication doit être apparente et la communication ne doit pas occulter sa finalité commerciale réelle. Ainsi, une communication favorisant la vente d’un produit ne doit pas être indûment présentée comme, par exemple, une étude de marché, une enquête auprès des consommateurs, un contenu généré par un utilisateur, un blog privé, une publication privée sur les médias sociaux ou une critique indépendante. ». 

« Article 12 – Dénigrement 

La communication commerciale ne doit pas dénigrer une quelconque personne ou catégorie de personnes, une entreprise, une organisation, une activité industrielle ou commerciale, une profession ou un produit, ou tenter de lui attirer le mépris ou le ridicule public. ». 

« Article 16 – Imitation 

La communication commerciale ne doit pas imiter celles d’un autre professionnel d’une quelconque manière risquant d’entraîner des erreurs ou des confusions de la part du consommateur, par exemple par la mise en page générale, le texte, le slogan, le traitement visuel, la musique ou les effets sonores. (…) ». 

En outre, le Jury rappelle qu’aux termes de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP : 

« La communication commerciale, sauf raison justifiable, doit proscrire toute exploitation des sentiments de peur, de malchance ou de souffrance. » (Art. 2 Responsabilité sociale alinéa 2 du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales). 

« La communication commerciale ne doit pas sembler cautionner ou encourager des comportements violents, illicites ou antisociaux. » (Art. 2 Responsabilité sociale alinéa 3 du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales). 

2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. » 

La Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » prévoit que :  

« PRÉAMBULE 

La publicité qui utilise des résultats d’étude de marché ou d’enquête, visant à mesurer un comportement, une attitude ou une opinion doit, sous quelque forme que ce soit, respecter les règles déontologiques suivantes. 

2. IDENTIFICATION 

Doivent être précisés dans la publicité : 

4. EXPRESSION DES RÉSULTATS 

Toute donnée résultant d’étude ou d’enquête doit demeurer liée à la réponse à une question précise et ne peut être généralisée au bénéfice de l’annonceur, à des produits ou activités non couverts par la question. / Aucune présentation de résultats chiffrés ne doit laisser supposer que le résultat énoncé concerne une zone géographique ou un échantillon autre que ceux qui ont été l’objet de l’enquête ou étude. / Le mode de présentation (graphique, visuel, etc.) ne doit pas présenter de façon disproportionnée, tel résultat par rapport à tel autre. » 

Enfin, la Recommandation « Appel à la générosité publique » dispose que : 

« 1. Objectif – La publicité ne doit contenir aucune inexactitude, ambiguïté, ou omission qui soient de nature à tromper le public sur le but réel de l’organisme ou l’utilisation des fonds, produits ou prestations sollicités » et « 4. Référence à des sondages ou statistiques – Lorsque la publicité se réfère aux résultats d’études de marché et d’opinion, et/ou à toutes statistiques venant mesurer un comportement ou une attitude, elle doit respecter les dispositions de la Recommandation Résultats d’étude de marché ou d’enquête. » 

3.2. Sur l’application des règles déontologiques aux campagnes non commerciales 

Le Jury précise qu’il y a lieu de tenir compte, dans la mise en œuvre des règles déontologiques dont il lui appartient d’apprécier le respect, des particularités des publicités et campagnes dépourvues de caractère commercial, en particulier des campagnes dites d’opinion, dont l’objet même consiste, le plus souvent, à sensibiliser et à interpeller le public sur un problème de société ou une cause d’intérêt général. Cet objectif légitime, ainsi que l’intérêt d’une information du public sur la réalité ou les enjeux d’une question, justifient que les annonceurs concernés disposent d’une plus grande latitude quant au contenu des campagnes qu’ils réalisent. Ainsi que le suggère l’avis du conseil d’éthique publicitaire (CEP) du 28 janvier 2009 « Campagnes d’opinion et publicité non commerciale », il y a toutefois lieu de distinguer selon la nature des règles déontologiques en cause. 

Certaines règles doivent s’appliquer de la même façon à cette catégorie de publicités. Il en va ainsi, en particulier, des principes généraux de véracité et de loyauté. L’absence de but commercial et, le cas échéant, la poursuite d’un objectif relevant de l’intérêt général ne sauraient justifier que le public soit trompé ou induit en erreur par des assertions factuellement inexactes ou des allégations tendancieuses. Ainsi que l’exprime, pour le marketing, l’article 1er du code ICC, aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter à la publicité, y compris non commerciale. De la même façon, une telle publicité ne saurait inciter ou cautionner une forme de discrimination à raison de l’origine ethnique, de la religion, du sexe, de l’âge, du handicap ou de l’orientation. 

En revanche, certaines règles et certains principes généraux doivent être conciliés avec la liberté d’expression particulièrement étendue qui est reconnue par la loi aux responsables de communications non commerciales, en particulier lorsqu’elles concourent à un débat d’intérêt général. Si celles-ci ne sauraient être exonérées purement et simplement des règles déontologiques, le Jury veille à les appliquer avec discernement et souplesse. Il en va ainsi, tout particulièrement, pour ce qui concerne les principes généraux de décence et de responsabilité sociale, ou la représentation de la violence.  

À ce titre, ces annonceurs doivent s’abstenir de diffuser des messages qui présenteraient, par leur degré élevé de violence, le caractère explicite de celle-ci, ou par leur mode de diffusion, un caractère excessivement choquant et traumatisant pour les personnes qui y sont exposées. Comme l’indique le même avis du CEP, l’objet du message peut aussi entrer en ligne de compte. Ainsi, le recours à une présentation représentant des actes de violence ou à des visuels ou des textes dérangeants ou susceptible de provoquer de très fortes émotions parmi la majorité du public peut, dans certaines limites, s’avérer admissible pour une campagne publicitaire organisée par une association caritative en vue d’apporter une aide humanitaire ou de soutenir financièrement la recherche contre une maladie, ou pour une campagne de promotion d’un service public ou d’une politique publique présentant une importance particulière, mais non lorsqu’un annonceur entend défendre par la voie publicitaire une thèse parmi d’autres dans un débat de société.  

3.3. Sur l’application de ces règles à campagne publicitaire visée 

Le Jury relève que, par cette campagne publicitaire non commerciale, la Fondation en cause a entendu alerter l’opinion publique sur les dangers de la chasse, en marquant les esprits par un message fort. Ainsi que le revendique l’annonceur, ce message s’inspire des codes graphiques de la campagne de lutte contre la Covid-19, tant par les couleurs utilisées que par le message « Sauvez des vies, restez chez vous », qui établit un parallèle entre la pratique de la chasse et les dangers de braver l’obligation de confinement en exposant des tiers à la contagion. En l’occurrence, les vies qu’il s’agit de sauver, selon la fondation, sont aussi bien celles des personnes victimes d’accidents de chasse que celle des animaux.  

Le Jury estime en premier lieu qu’en dépit de ce parallèle, aucune confusion ne peut être faite entre cette campagne et la communication institutionnelle des pouvoirs publics concernant la Covid-19. D’une part, l’identité de l’annonceur est mentionnée de façon claire en bas de l’affiche, tant par le message « Soutenez nous » accompagné de la mention du site internet de l’annonceur, que par le logo clairement visible de la fondation en bleu sur fond blanc, tel qu’il apparaît sur l’ensemble de ses campagnes. D’autre part, le visuel figurant en haut à gauche de l’affiche, représentant un chasseur mettant en joue une cible avec son arme, ne présente aucun lien avec les mesures de lutte contre la crise sanitaire, de même que l’accroche « Chasseurs… ». Il s’agit donc, à l’évidence, d’un détournement parodique de la communication relative au confinement aux fins de dénoncer la pratique de la chasse et de rallier le public à la cause défendue par la fondation. Par suite, les principes généraux issus des articles 7 et 16 du Code ICC, qui s’appliquent en tenant compte de la liberté étendue qui doit être laissée aux communications non commerciales de caricaturer ou de tourner en dérision des idées, des positions ou des initiatives dans le cadre d’un débat d’intérêt général, ne sont pas méconnus.  

En deuxième lieu, le Jury comprend que cette campagne d’affichage est de nature à choquer une partie de l’opinion publique, en particulier les personnes qui pratiquent la chasse – et, a fortiori, celles qui, parmi elles, comme l’un des plaignants, exercent aussi une profession de soignant, confronté au quotidien aux ravages provoqués par le SARS-CoV-2. A la lumière des développements figurant au point 3.2. du présent avis, il considère néanmoins qu’elle n’excède pas, pour une majorité du public, les limites de ce qui est déontologiquement admissible, s’agissant d’une campagne d’opinion qui doit pouvoir verser dans une certaine exagération ou dans des raccourcis destinés à interpeller et qui, par nature, oriente le projecteur sur ce qu’elle entend dénoncer  – en l’espèce les conséquences de la chasse pour les animaux et les risques que peut présenter cette pratique pour les personnes, à commencer par les chasseurs eux-mêmes. Le Jury constate à cet égard que ces affiches ne comportent pas de visuel choquant ou indécent (comme des mutilations d’animaux) et que les termes employés ne sont pas excessifs – il n’est pas fait état, par exemple, d’« assassinats » ou de « meurtres ». Si le parallèle entre la chasse, d’une part, et le non-respect du confinement ou une utilisation excessive des dérogations autorisées, avec les contagions et les décès susceptibles d’en résulter, d’autre part, est d’autant plus discutable qu’il tend à mettre sur le même plan une activité licite, d’un côté, et un comportement illicite ou antisocial, de l’autre, le Jury estime qu’il demeure, en l’espèce, dans les limites de l’acceptable en raison de l’objectif poursuivi et du registre parodique utilisé. En particulier, il est tout à fait loisible à la fondation de prôner l’interdiction d’une pratique légale, et de soutenir cette thèse en critiquant non seulement la mort des animaux, mais aussi les accidents de chasse, quand bien même son objet social est la protection de l’animal sauvage et domestique. Aucune règle ne lui fait obligation de rappeler les nombreuses conséquences négatives qu’aurait une interdiction pure et simple de la pratique de la chasse, y compris sur l’environnement. 

Le Jury estime, en troisième lieu, que si l’article 13 du code ICC prohibe le dénigrement d’une catégorie de personnes dans les communications commerciales, il ne saurait en résulter un principe général d’interdiction de tout propos dénigrant dans les communications non commerciales. En l’occurrence, la campagne d’affichage ne comporte ni injure, ni diffamation à l’encontre des chasseurs, mais vise à dénoncer purement et simplement la pratique de la chasse elle-même. 

Le Jury considère, en quatrième lieu, que cette représentation partielle – et partiale – des chasseurs, si elle laisse de côté leur rôle dans la protection de la biodiversité en termes d’entretien des espaces ou de gestion des espèces, ne porte aucun jugement sur cet aspect de la chasse dont elle ne dénonce la pratique qu’à l’égard des accidents et des animaux abattus. Le fait qu’un pictogramme représente un homme tenant un fusil en action de tir illustre, d’une manière que le Jury estime objective, l’action de chasser. Le débat public sur les dangers induits par l’utilisation d’armes à feu, qui oppose les partisans du bien-être animal et ceux de la chasse est de nature à justifier une telle campagne sans qu’il puisse lui être reproché d’exploiter un sentiment de peur ou d’insécurité ni, dans le contexte de campagne d’opinion d’ores et déjà évoqué, de manquer à cet égard aux principes de loyauté et de véracité mentionnés aux articles 12, 1, 4 et 5 du code ICC. De même, une telle présentation ne saurait être considérée comme incitant à la discrimination, encourageant des comportements antisociaux ou valorisant un sentiment d’exclusion au sens des articles 2 et 12 du Code ICC et de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP.  

En cinquième et dernier lieu, s’agissant de la justification des chiffres avancés par l’annonceur, le Jury relève qu’il n’est pas contesté que les données relatives à « 141 accidents dont 11 mortels » correspondent bien aux mentions « saison 2019-2020 » et « Source: Office Français de la Biodiversité ». Aucune règle déontologique n’imposait à l’annonceur de rappeler l’historique du nombre d’accidents de chasse. En revanche, il est constant que l’assertion « 30 millions d’animaux abattus » ne correspond à aucun constat figurant dans les travaux de l’Office Français de la Biodiversité, notamment un rapport ou une étude relatif à la saison 2019-2020. Il ressort des observations présentées par les parties, notamment lors de la séance, que ce chiffre procède d’une extrapolation de statistiques datant de plusieurs années, qui ne tient pas compte, notamment, de la baisse tendancielle du nombre de chasseurs. Le renvoi abusif à une source méconnaît les principes généraux issus des articles 4 et 6 du code ICC ainsi, au surplus, que les règles déontologiques des Recommandations « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » et « Appel à la générosité publique » mentionnées ci-dessus.  

Dans ces conditions, le Jury, qui prend acte que la campagne s’est terminée le 28 avril 2021, est d’avis qu’en ce qu’elle mentionne « 30 millions d’animaux abattus » sans autre référence qu’un renvoi erroné aux données de l’Office Français de la Biodiversité pour la saison 2019-2020, la publicité critiquée méconnaît les règles déontologiques qui viennent d’être mentionnées. Pour le surplus, il est d’avis que cette affiche ne méconnaît pas les dispositions déontologiques précitées portant en substance sur l’ambiguïté relative à l’identité de l’annonceur, l’imitation d’une campagne étatique, la discrimination, le dénigrement, l’exploitation d’un sentiment de peur, ainsi que les principes de loyauté et de véracité.  

Avis adopté le 2 juillet 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin. 

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