Avis JDP n°853/22 – EQUIPEMENTS DE SURVIE – Plainte fondée

Avis publié le 3 août 2022
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 mai 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur d’une société proposant des équipements et conseils en matière de survie et de défense, pour promouvoir son offre de couteaux.

La publicité en cause, diffusée sur le compte Instagram et le site Internet de la société, montre une femme allongée à plat ventre, dénudée, les mains dans le dos, maintenues par des menottes. Elle tient un couteau de petite taille dans une main.

En dessous de cette image, figurent plusieurs autres vignettes représentant des couteaux et, sur le site, un texte de promotion du produit

2. Les arguments échangés

Le plaignant estime que cette publicité va à l’encontre de la Recommandation de l’ARPP « Image et respect de la personne » notamment son point 2.1 « La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet ».

La société a été informée, par courrier avec avis de réception du 2 juin 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

Dans les observations écrites qu’elle a présentées, elle rappelle qu’elle se veut responsable et éthique. Elle se dit surprise de la plainte dans la mesure où l’intention du photographe était de « redonner le pouvoir à la femme », qui tient le couteau, et, ainsi, de féminiser un milieu trop souvent dominé par les hommes. Elle précise que le couteau promu n’est pas un couteau de combat très agressif mais un outil de randonnée, de barbecue, utilisé pour manger. Il ne s’agit pas d’une arme. La démarche de l’entreprise porte sur la gestion de risque et la sauvegarde de la vie en sensibilisant le public aux bons gestes et aux bonnes pratiques.

Elle précise qu’elle met un soin particulier dans le recrutement de ses modèles, et en particulier leur diversité.

Elle ajoute que tant la publicité que le cinéma recourent abondamment à la nudité, de façon souvent bien plus provocante qu’en l’espèce. La publicité critiquée utilise aussi une photographie d’art.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

  • « 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence. »
  • 1.2 Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante et a fortiori ne réduise pas la personne à un objet.
  • 1.3 D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine ».

(…)

  • « 2-1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet. »

(…)

  • « 4.1 La publicité doit éviter d’induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes.
  • 4.3 La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique. ».

Le Jury relève que la publicité en cause fait la promotion d’un couteau en représentant une personne – qui semble être une femme – en sous-vêtements, à plat ventre, les mains attachées dans le dos par des menottes et reposant sur ses fesses dénudées, et qui tient le couteau promu.

Le Jury estime que cette publicité ne réduit pas la femme à la fonction d’objet dans la mesure où, bien qu’entravée par les menottes, elle est actrice de la scène dans laquelle, manifestement, elle essaie d’utiliser le couteau pour se libérer.

En revanche, le Jury considère que cette publicité induit l’idée de soumission dévalorisant la personne humaine et, en particulier, la femme, et qu’à tout le moins, elle comporte une scène de violence suggérée, la personne représentée étant manifestement prisonnière d’un tiers. La représentation dégradante et humiliante de la femme séquestrée et soumise, par ailleurs largement dénudée, revêt un caractère avilissant, et est de nature à choquer en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité.

Le Jury prend note de la démarche « survivaliste » qui est celle de l’annonceur et de la boutique qu’il exploite, qui vise à développer la capacité des personnes à survivre dans des environnements hostiles ou des situations de danger. Pour autant, ce contexte ne justifie pas la représentation de la personne humaine critiquée, alors par ailleurs que le texte qui accompagne la photo et les caractéristiques du produit, confirmé par les observations présentées par la société, fait état d’un couteau de randonnée, qui peut être utilisé « pour la cuisine, pour le mettre dans un atelier ou pour le jardin, pour les balades en forêt, pour les militaires, les chasseurs, ceux qui vont aux champignons ».

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les points 1.1., 1.2, 4.1. et 4.3. de la Recommandation « Image et respect de la personne »  de l’ARPP.

Avis adopté le 1er juillet 2022 par M. Lallet, Président, Mmes Lenain et Charlot, ainsi que MM. Le Gouvello et Thomelin.