Avis JDP n° 524/18 – MATERIEL ET HABILLEMENT SPORTIFS – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 28 juin 2018
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu la plaignante,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 3 mars 2018, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de visuels publicitaires diffusés sur le site internet d’une société proposant des vêtements d’équitation, et plus particulièrement le pantalon modèle « Miranda ».

Les visuels en cause montrent :

– pour l’un, une femme vêtue du pantalon « Miranda » de couleur noire, d’un tee-shirt et de chaussures à talons hauts, assise sur un tabouret et tenant une cravache dans sa main droite.

– pour l’autre, des jambes de femme, portant le même modèle de pantalon dans une couleur blanc crème, la femme étant chaussée des mêmes escarpins.

2. Les arguments échangés

– La plaignante, présente lors de la séance, énonce que le pantalon est vendu comme confortable, résistant et “made in France” – les deux premières caractéristiques étant particulièrement recherchées lorsque l’on fait de l’équitation.

Or, les photos de présentation du pantalon renvoient, selon elle, avant tout une image sexualisée de la femme. Elle estime que la position de la femme sur la page de présentation des modèles n’a rien à voir avec la pratique du sport et que, langoureusement assise avec ses talons hauts et sa cravache à la main, cette vignette ne montre pas une personne pratiquant l’équitation, mais une femme volontairement sexy, pour ne pas dire aguicheuse.

La plaignante ajoute que l’association avec la cravache induit irrémédiablement, dans l’imaginaire collectif, des pratiques “coquines” ; que, sur la deuxième image, bien que la cravache ait disparu, les talons aiguilles compensés demeurent et qu’ils sont présents pour accentuer la cambrure du modèle et mettre en exergue le pouvoir de séduction exercé par la cavalière lorsqu’elle porte ce pantalon.

La plaignante se dit choquée par cette sexualisation à outrance de la femme, alors qu’il s’agit de vente de vêtements sportifs. La présence de telles chaussures est complètement déplacée et ne peut en aucun cas se justifier, aucune personne pratiquant l’équitation ne portant de talons aiguilles compensés dans une écurie et encore moins à cheval.

– La société annonceur a, par courrier recommandé avec avis de réception du 19 avril 2018, été informée de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir que la marque œuvre au développement de produits très spécifiques voués à un marché de niche lié à la compétition, notamment à la discipline Endurance.

Les clichés en cause ont été réalisés et publiés lors de la réfection du site « marque & marchand » en mars 2013. Plus de cinq ans après, ces clichés, qui ont été visionnés par plusieurs milliers de consultants et autres clients, n’ont jamais fait l’objet d’observations quant à une éventuelle atteinte à la dignité de la personne humaine et encore moins à la dignité des femmes.

La société ajoute qu’à aucun moment elle ne s’est voulu porteur d’une image contraire au respect des règles de déontologie pouvant nuire à l’image de la femme. La présence de talons aiguilles permettait d’éviter le port de bottes classiques qui auraient caché les détails du bas des jambes du pantalon. Quant aux chaussures elles-mêmes, elles correspondaient à une tendance mode du moment et ne provenaient aucunement de boutiques spécialisées pour « aguicheuses ».

De plus, la détention de cravache étant autorisée et communément utilisée dans la pratique de l’équitation, la critique émise par la plainte n’est pas compréhensible.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

« 2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2-2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la plainte porte sur deux visuels, qui ne sont pas de même nature et qu’il convient de distinguer.

Le second visuel visé dans la plainte, qui promeut le pantalon blanc crème, montre le bas du corps d’une femme, de la taille aux pieds, lesquels sont chaussés de talons hauts.

S’il est exact que le choix d’un modèle en talons hauts pour présenter un vêtement sportif d’équitation ne correspond pas à une réalité de la pratique sportive, il permet cependant une visualisation des détails du bas des jambes du pantalon que n’aurait pas permis le port de bottes d’équitation. L’artifice du port de talons, dans ce contexte, est acceptable, de sorte que la publicité ne présente pas de caractère sexiste et ne donne pas une image dévalorisante ou inférieure de la femme par rapport aux hommes.

Le Jury est donc d’avis que ce second visuel ne méconnaît pas les dispositions de la Recommandation précitée.

En revanche, le Jury constate que le premier visuel représente, sur une page d’accueil du site, une femme vêtue d’un pantalon noir de la marque, d’un tee-shirt et de chaussures à talons hauts qui est assise sur un tabouret et tient une cravache dans sa main droite. La position de la jeune femme ne correspond pas à une situation naturelle ou confortable, mais à une position recherchée, le bassin basculé en avant, une jambe tendue et l’autre repliée, la tête légèrement penchée en avant, cheveux libres tombant sur ses épaules et semblant s’appuyer sur sa cravache.

Si chaque élément de l’habillement et de l’attitude du modèle peut, de manière indépendante, ne pas être perçu comme sexualisé, en revanche, la juxtaposition des talons hauts, de la cravache et de la posture suggestive donnent à voir une utilisation sexualisée du corps de la femme pour rendre attractif le produit présenté, des vêtements sportifs techniques pour la pratique de l’équitation.

Cette instrumentalisation de l’image de la femme la réduit ainsi à la fonction d’objet sexuel et porte atteinte à sa dignité.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que, si le second visuel présentant le seul pantalon « Miranda » ne méconnaît pas les dispositions précitées, en revanche le premier visuel, figurant sur la page d’accueil des articles d’endurance, ne respecte pas le point 2.1 de la Recommandation précitée.

Avis adopté le 1er juin 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Benhaïm, Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.