Avis JDP n° 516/18 – CONSTRUCTION MAISONS INDIVIDUELLES – Plainte fondée

Avis publié le 23 mai 2018
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 12 février 2018, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur Internet en faveur de maisons neuves.

Le visuel publicitaire en cause présente une femme vêtue d’une chemise à carreaux nouée à la taille et ouverte sur sa poitrine, laissant apercevoir un décolleté généreux, qui se tient le menton, la bouche entrouverte, maquillée de rouge. Le texte accompagnant cette image est « Chez X ils en ont vraiment des bien grosses… Large choix de maisons neuves de plus de 120 m² ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant considère que ce visuel est sexiste, rabaissant pour la femme (femme-objet), sans rapport avec l’objet de la publicité et sexualisée. La publicité est également discriminante pour l’homme et perpétue le sexisme ordinaire.

– La société annonceur a, par courrier recommandé avec avis de réception du 19 mars 2018, été informée des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Le Président de la société a présenté des observations en réponse, en faisant valoir que cette publicité, qui a été validée par ses soins et réalisée par un infographiste professionnel, s’inscrit dans une série de visuels faisant la promotion de son agence, spécialiste de la vente d’appartements et de maisons neuves.

Il explique que chaque visuel s’attache à promouvoir un type particulier de bien proposé par l’agence (maison de grande surface, maison avec jardin, résidence avec piscine etc.), qui cherche à proposer une communication au positionnement décalé et au ton humoristique, adaptée à sa cible – les primo-accédant entre 20 et 35 ans – et au support de diffusion, le réseau social Facebook uniquement, dans les villes de Toulon et Marseille.

Cette publicité « Ils en ont vraiment des bien grosses » fait ainsi référence à la taille des maisons de grandes surfaces proposées en agence comme le montre l’accroche « Large choix de maisons neuves de plus de 120m² », pour s’inscrire dans la réalité du marché local, marqué par le manque d’offres pour des maisons neuves de plus de 120m².

Les femmes étant majoritairement décisionnaires dans l’acte d’achat d’un bien immobilier, il a été choisi de mettre en avant une femme, dans un visuel dont les teintes roses viennent renforcer l’idée de placer l’univers féminin au cœur de la décision d’achat. De plus, le visuel a été complété par d’autres publicités visant également un homme, avec pour objectifs un équilibre, une équité des sens publicitaires.

Le président de l’agence immobilière regrette que cette publicité au ton humoristique ait pu choquer ou heurter une personne, le souhait n’était absolument pas d’atteindre la dignité humaine ni de promouvoir un certain sexisme.

Il souligne enfin que cette publicité payante sur une durée de 7 jours a fait l’objet d’une vérification préalable et a été acceptée par les filtres et modérateurs du réseau social Facebook puisque celle-ci a été validée et diffusée.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :

« 2-1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2-2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la publicité en cause montre une jeune femme, très maquillée, l’air émoustillé, revêtue d’une chemise à carreaux nouée à la taille et ouverte sur sa poitrine, laissant apercevoir un décolleté généreux. Elle se tient le menton, la bouche entrouverte, à côté du slogan « Chez X ils en ont vraiment des bien grosses… », suivi de la mention « Large choix de maisons neuves de plus de 120 m² ». Les termes « bien grosses » apparaissent en blanc sur fond rouge, en lettres capitales et en gras.

En s’appuyant sur l’ambiguïté de ce slogan, qui se réfère tout autant aux maisons proposées à la vente par l’annonceur qu’à un sous-entendu de nature sexuelle laissant entendre que le personnage féminin sur l’affiche s’intéresse essentiellement à la taille des attributs sexuels de ses partenaires, cette publicité utilise l’image de la femme pour rendre « sexy » et attractif un service de ventes immobilières. Cette instrumentalisation de l’image de la femme la réduit ainsi à la fonction d’objet sexuel et porte atteinte à sa dignité.

En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions de la Recommandation précitée.

Avis adopté le 13 avril 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, MM. Acker, Benhaïm, Leers et Lucas-Boursier.