Avis JDP n° 511/18 – TOURISME MECANIQUE – Plainte fondée

Avis publié le 23 mai 2018
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 2 février 2018, d’une plainte émanant de l’Association France Nature Environnement (FNE), afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de visuels publicitaires présents sur le site Internet de la société annonceur.

Le visuel publicitaire en cause présente trois véhicules de type quad traversant un cours d’eau.

2. Les arguments échangés

– L’Association France Nature Environnement relève que sur la page consacrée aux voyages en quad de la société, un cliché montre trois véhicules à moteur (quads) représentés dans un espace naturel, sur un espace sablonneux, dont deux circulant dans l’eau. Pour se rendre dans cet espace naturel et en repartir, les quads ont nécessairement circulé dans cet espace naturel.

L’espace naturel mis en scène est cependant dépourvu de toute voie de circulation. Les quelques éléments terrestres visibles ne laissent aucunement penser qu’ils puissent constituer une voie praticable ouverte à la circulation des véhicules terrestres à moteur.

Les dispositions du e) de l’article 9 relatif aux impacts éco-citoyens de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, précisent pourtant que la représentation des véhicules en milieu naturel devra clairement les positionner sur des voies ouvertes à la circulation des véhicules terrestres à moteur. Le doute ne peut donc pas être possible quant à la nature du terrain emprunté par le véhicule, ce qui n’est absolument pas le cas en l’espèce. Ce faisant, ledit visuel méconnaît le point e) de l’article 9 relatif aux impacts éco-citoyens de la Recommandation.

Par ailleurs, l’association plaignante considère que diffuser un visuel publicitaire faisant la promotion de véhicules terrestres à moteur circulant dans des espaces naturels, tels que les espaces sablonneux et aquatiques, tend clairement à banaliser, voire à valoriser des comportements contraires aux objectifs de développement durable. En effet, en se retrouvant face à ce type de publicité, un client potentiel tend à s’imaginer que la circulation dans de tels espaces est autorisée et surtout qu’elle est sans conséquence pour l’environnement.

En conséquence, la diffusion d’un tel visuel, qui relaie une représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources, méconnait les dispositions du a) de l’article 9 relatif aux impacts éco-citoyens des publicités.

Enfin, cette publicité suggère des agissements manifestement inconséquents et irresponsables. En effet, cette photographie incite les clients à reproduire un comportement nocif pour l’environnement, mais également dangereux pour autrui et pour eux-mêmes. En conséquence, ce visuel contrevient aux dispositions du b) de l’article 9 relatif aux impacts éco-citoyens.

Le fait que la publicité se passe à l’étranger (Maroc), ne saurait être de nature à exclure la caractérisation de la violation des règles de déontologie précitées, puisque selon les missions du JDP, il est noté qu’est recevable à se plaindre toute personne, dès lors que la publicité est diffusée sur le territoire français.

– La société annonceur a, par courrier recommandé avec avis de réception du 14 mars 2018, été informée de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Le représentant de la société a présenté des observations en réponse, en précisant être très affecté par cette plainte qui va à l’encontre des valeurs de l’entreprise.

Il fait valoir qu’il est une plateforme internet qui cherche à mettre en valeur les petits acteurs du tourisme local, spécialisés dans les voyages en itinérance dits « road-trips » faisant la promotion de la découverte, de l’échange et du partage, fondamentalement attachée à l’ADN du tourisme durable et responsable. La société a d’ailleurs été labélisée « Acteur du Tourisme Durable » par l’association ATD depuis 2015.

La société est consciente des problématiques de structuration, de partage et de promotion de l’offre de tourisme durable. Elle souhaite concilier voyage motorisé et responsable grâce à une vision du voyage durable, local. Avec elle, un voyage à moto, en 4×4 ou en scooter n’est plus synonyme de non-respect de l’environnement et des populations locales, mais devient plus qu’une rencontre : un partage.

L’annonceur sélectionne des partenaires impliqués dans une démarche durable : elle fédère, autour du road-trip, des acteurs locaux du tourisme et leur permet d’entrer en relation directe avec des voyageurs. Les partenaires sélectionnés doivent répondre à nombre de critères environnementaux, durables et responsables et être impliqués dans l’économie locale. Ils signent une Charte Qualité et Engagements Spécifiques, qui les engage à préserver l’authenticité socioculturelle des communautés locales, inscrire leur entreprise dans un cercle durable et vertueux, faire grandir les économies réelle et locale en favorisant les rencontres, en embauchant des ressources locales, en sélectionnant des hébergements durables et s’impliquer dans une protection active des zones naturelles sensibles. Elle donne plusieurs exemples de ces partenariats :

– en Mauritanie où son partenaire, qui propose des voyages en 4×4, explique que pour lui , le plus grand plaisir de ce voyage est « de pouvoir aider des habitants du désert, nomades ou villageois. Cette aide consiste essentiellement à prendre en charge un passager ou quelques marchandises à déposer chez quelqu’un. Cette aide reste un véritable plaisir et permet des rencontres inoubliables et un accueil fabuleux dans des zones où il n’y a pas ou très peu de véhicules » ;

– aux Philippines où le partenaire de la société a réalisé une expédition en moto BMW sur 6600 km à travers l’archipel pour distribuer un système d’éclairage solaire pour plus de 40 communautés dans des villages hors réseaux, et aidé ainsi des zones protégées et des populations autochtones comme la communauté Bangsa ;

– en Indonésie où son partenaire en plus de proposer des voyages en scooter, a récemment ouvert un hôtel dans le Ladakh et entrepris de rénover cette demeure en favorisant l’économie locale, les techniques traditionnelles de construction et l’artisanat local.

La société et ses partenaires spécialistes sont d’ores et déjà engagés dans une démarche de développement du tourisme durable et elle souhaite à terme pouvoir les aider et les former dans des démarches toujours plus poussées en ce sens, en leur proposant des formations, des lectures, des rencontres et d’aller toujours plus loin sur l’étude et la structuration des modèles économiques durables d’agences de voyages. L’annonceur les aide à mieux cerner les aspects et les bénéfices d’un tourisme plus réfléchi et plus durable.

L’annonceur a par ailleurs décidé de rejoindre le réseau ATD pour réfléchir à des road-trips éthiques, pour construire durablement le tourisme d’aujourd’hui et de demain, en privilégiant l’économie locale et durable. C’est aussi pour être à la page et informer son réseau d’agences de voyage locales, le plus précisément possible, qu’il est entré dans le réseau ATD.

En conclusion, l’annonceur se dit étonné que cette photographie, sortie de son contexte, puisse faire office d’un tel jugement quant à la déontologie de son activité mais comprend néanmoins que cette image spécifique puisse porter à confusion. Il a donc pris la décision de la déréférencer de la plateforme.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP prévoit dans son point 9 « Impacts éco-citoyens » que :

« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant compte notamment de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité.

9/1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité ,pollution de l’air, de l’eau ou des sols, changement climatique etc…), sauf dans le cas où il s’agit de le dénoncer.

b/ La représentation, sous quelque forme que ce soit, de véhicules à moteur en milieu naturel devra clairement les positionner sur des voies ouvertes à la circulation. »

En l’espèce, le Jury constate que le visuel figurant sur le site de la société représente des véhicules à moteur sur un espace naturel et non clairement positionnés sur une voie ouverte à la circulation.

Une telle représentation méconnaît les Recommandations précitées de l’ARPP.

En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions de la Recommandation précitée.

Avis adopté le 13 avril 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, MM. Acker, Benhaïm, Leers et Lucas-Boursier.