Avis JDP n° 607/19 – DEUX ROUES A MOTEUR – Plaintes fondées

Avis publié le 13 décembre 2019
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plaintes,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, les 17 et 28 septembre 2019, de deux plaintes émanant de deux particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de plusieurs visuels publicitaires diffusés sur les réseaux sociaux, par une marque de scooters.

Les publicités visées par la première plainte montrent des visuels de scooters, deux roues ou trois roues, dont la marque fait la promotion sur les réseaux sociaux sous son nom, notamment dix-huit photographies des véhicules des différentes gammes, déclinés en plusieurs modèles. Ces photographies représentent systématiquement un scooter stationné sur un trottoir, une zone piétonne, un passage piéton, un espace naturel ou encore la piste de course d’un stade où s’entraînent des sportifs. Sur certains visuels, un jeune homme se tient assis sur le scooter, un casque à la main, et discute avec une jeune femme devant un bar.

Le visuel de la seconde plainte, issu de la page Facebook de la marque présente également un scooter stationné sur un trottoir devant un bar ou un restaurant, dont le conducteur, qui a mis la béquille, reste en position de conduite, sans gants, son casque à la main, pour discuter avec une jeune femme.

2. Les arguments échangés

– Les plaignants considèrent que ces présentations ne sont pas conformes à la Recommandation déontologique de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité ni à l’article R. 417-10 du code de la route.

La publicité sur Facebook montre un conducteur sur son scooter, sur le trottoir, ce qui induit qu’il a roulé sur le trottoir pour venir s’y garer. De plus il ne porte ni gants, ni casque qui sont obligatoires. Or, il est en position de conduite casque au bras.

Ce comportement est dangereux car sur un trottoir étroit, les deux-roues à moteur forcent les personnes à mobilité réduite et les familles avec bébés en poussette à descendre sur la route, ce qui les met en danger. Les handicapés doivent parfois parcourir plusieurs centaines de mètres avant de pouvoir trouver un “bateau” qui permette de remonter sur le trottoir. Ce sont des comportements que l’on observe tous les jours dans la rue.

Selon les plaignants, la mise en scène des scooters à des fins de promotion encourage ces comportements inciviques au mépris du code de la route et présente le véhicule comme systématiquement prioritaire dans l’espace public, notamment là où il est interdit (trottoirs, aires piétonnes, zones piétonnes, passages piétons).

– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 9 octobre 2019, des plaintes dont des copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

La société fait valoir que le contenu montrant un scooter garé sur un passage piéton provient d’un influenceur. Or, les contenus générés par des influenceurs sont réalisés en toute indépendance, avec leurs propres moyens de production. L’annonceur n’a donc pas la main sur le contenu publié sur leurs pages personnelles, les influenceurs gérant leur propre communication.

La société propose néanmoins de supprimer ladite photo des fils d’actualité de ses réseaux sociaux et par ailleurs, s’engage à fournir pour l’avenir aux influenceurs des guidelines sur le respect des Recommandations de l’ARPP, afin qu’ils s’y conforment lorsqu’ils prennent de telles photos.

Concernant les visuels de scooters qui seraient « garés sur le trottoir ou dans des zones piétonnes », l’annonceur fait valoir que ces publicités sont des montages photos : les scooters présentés ne se situent pas réellement sur le trottoir mais ont été artificiellement incrustés sur un décor existant issu d’une banque d’images. Néanmoins, pour éviter ce genre de plaintes dans le futur, les montages ne seront plus réalisés sur des lieux que l’on pourrait confondre avec des trottoirs ou des voies piétonnes.

En ce qui concerne l’aspect sécurité, une plainte faisant état de l’absence de port de casque ou de gants de la part d’un conducteur, la société précise qu’il est important de noter que la publicité ne montre pas le conducteur en train de conduire ledit véhicule. Au contraire, celui-ci est à l’arrêt, le scooter étant notamment béquillé. Par ailleurs, on voit le conducteur tenir un casque dans sa main gauche, casque qui contient des gants à l’intérieur. Il est donc en capacité de mettre ses équipements de sécurité lors de son démarrage et sera en accord avec la loi.

En conclusion, l’annonceur considère qu’aucun comportement infractionnel ou dangereux n’est présent sur cet élément de communication.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que, selon la Recommandation « Deux-roues à moteur » de l’ARPP :

« En plus des dispositions législatives et réglementaires applicables, la publicité pour un deux- roues à moteur doit, sous quelque forme que ce soit, respecter les règles déontologiques suivantes :

3. SECURITE ACTIVE

Ne pas laisser à penser dans le message que la qualité des deux-roues à moteur en matière de sécurité active et passive permet de transgresser les règles élémentaires de prudence qui s’imposent à tout conducteur.

4. CODE DE LA ROUTE

Ne pas mettre en scène des deux-roues à moteur en contravention avec les règles du Code de la route, ou les impératifs de sécurité (notamment, les utilisateurs de deux-roues à moteur porteront toujours un casque homologué).

5. COMPORTEMENT AGRESSIF

Ne pas susciter chez les conducteurs un comportement agressif, violent, ou portant atteinte aux autres usagers de la route (notamment, les produits ne seront jamais présentés (…) roulant sur un trottoir, etc.).

En outre, la Recommandation « Sécurité – Situations et comportements dangereux » dispose :

– dans son préambule, que « Sauf justification pour des motifs éducatifs ou sociaux, la communication commerciale ne doit comporter aucune représentation ni aucune description de pratiques potentiellement dangereuses ou de situations où la santé et la sécurité ne sont pas respectées, selon les définitions des normes nationales locales » ;

– et dans son point 1 « Principes généraux », que : « Les communications commerciales ne doivent pas mettre en scène des situations ou des comportements dangereux, susceptibles de l’être ou encore de nature à les encourager ».

Le Jury relève que les publicités visées par la première plainte montrent des visuels de scooters, deux roues ou trois roues, dont la marque fait la promotion sur les réseaux sociaux sous son nom, notamment dix-huit photographies des véhicules des différentesgammes, déclinés en plusieurs modèles. Ces photographies représentent systématiquement un scooter stationné sur un trottoir, une zone piétonne, un passage piéton, un espace naturel ou encore la piste de course d’un stade où s’entraînent des sportifs. Sur certains visuels, un jeune homme se tient assis sur le scooter, un casque à la main, et discute avec une jeune femme devant un bar.

Le visuel de la seconde plainte, issu de la page Facebook de la marque, présente également un scooter stationné sur un trottoir devant un bar ou un restaurant, dont le conducteur, qui a mis la béquille, reste en position de conduite, sans gants, son casque à la main, pour discuter avec une jeune femme.

Le Jury constate, en premier lieu, que l’ensemble des publicités en cause émane de l’un des comptes officiels de la société, peu important à cet égard que l’un de ces visuels provienne d’un influenceur, dès lors que la société en a diffusé le contenu.

En second lieu, le Jury considère que si l’annonceur précise qu’il a veillé à faire retirer cette image litigieuse, la plainte n’est pas devenue sans objet dès lors que la publicité a été diffusée et vue. Il prend acte, toutefois, de ce que la société a supprimé cette photographie des fils d’actualité de ses réseaux sociaux et de ce qu’elle s’engage à fournir aux influenceurs des consignes sur le respect des Recommandations de l’ARPP.

Le Jury relève, en troisième lieu, que les visuels montrent des scooters dans plusieurs situations d’infraction résultant de l’utilisation des espaces dédiés uniquement aux piétons (trottoirs, espaces piétons, pistes de course). Dans ces conditions, ces publicités méconnaissent les règles déontologiques directement inspirées du code de la route.

Le Jury estime, en quatrième lieu, que la représentation des scooters dans de telles situations incite, en outre, à un comportement particulièrement dangereux à l’égard des usagers de ces espaces réservés aux piétons, notamment les enfants ou les personnes handicapées circulant en fauteuil roulant.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que les publicités en cause méconnaissent les points précités des Recommandations « Deux-roues à moteur » et « Sécurité : situations et comportements dangereux » de l’ARPP.

Avis adopté le 15 novembre 2019 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.