Avis JDP n° 611/19 – DISTRIBUTION PRODUITS BIOLOGIQUES – Plaintes non fondées

Avis publié le 13 décembre 2019
Plaintes non fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu un plaignant, les représentants de la société annonceur et de l’ARPP,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 11 et le 18 octobre 2019, de plusieurs plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée en affichage, sur Internet et par affichage sur le lieu de vente, en faveur d’une marque de protections hygiéniques bio.

La campagne se compose de cinq visuels montrant, chacun, le corps d’une femme dont on ne voit pas la tête, cadrée au-dessus des genoux, portant une culotte et un tee-shirt. Sur quatre d’entre elles, la femme tient un fruit devant son pubis. Ces images sont respectivement accompagnées des textes suivants :

– « On ne met pas de pesticides dans nos prunes. Ce n’est pas pour en mettre dans la vôtre. »

– « On ne met pas de traitements chimiques sur nos amandes. Ce n’est pas pour en mettre sur la vôtre. »

– « On ne met pas de glyphosate dans nos abricots. Ce n’est pas pour en mettre dans le vôtre. »

– « On ne met pas de produits chimiques dans nos figues. Ce n’est pas pour en mettre dans la vôtre. »

Sur le cinquième visuel, une femme, dont on ne voit pas non plus la tête, est de dos, en tee-shirt et culotte, devant son réfrigérateur. Le texte qui accompagne ce visuel indique : « Si vous chassez les OGM de votre frigo. Ce n’est pas pour les retrouver dans votre culotte. »

Chaque publicité comporte également la mention « Des protections hygiéniques 100% Bio » ainsi que la signature « ….. Soyez libre d’être nature ».

2. Les arguments échangés

– Les plaignants considèrent, pour la plupart, que cette campagne est sexiste, la femme étant traitée comme un objet sexuel, certains ajoutant que cette publicité est très misogyne et nuit aux valeurs humanistes et écologistes ou encore qu’elle contribue à la banalisation d’un corps féminin objectifié et sexualisé dans la publicité, et dans la société en général.

L’un des plaignants, présent à la séance, fait notamment valoir que ces affiches transgressent volontairement les repères en faisant étalage de ce qui relève de l’intime, qu’elles sont sexistes en ce qu’elles assimilent le sexe de la femme à un fruit immédiatement consommable, qu’elles peuvent choquer un public influençable ou fragile.

D’autres plaignants considèrent que ces visuels véhiculent des allégations mensongères et dégradent l’image des producteurs de fruits dit conventionnels :

– la culture bio ne veut pas forcément dire culture sans pesticides ou sans produits chimiques ;

– un des plaignants ajoute qu’il est absolument impossible que les producteurs d’abricots mettent du glyphosate, qui est un herbicide, sur les abricotiers, puisqu’un tel traitement ferait mourir les arbres, et que cette publicité donne ainsi une information particulièrement fausse et malvenue à l’heure où les consommateurs éprouvent des inquiétudes sur les processus agricoles ;

– le fait de dire que la marque ne met pas de produits, traitements chimique et pesticides sur ses amandes, figues ou prunes est imprécis, l’annonceur entendant sûrement par « traitement chimique », « traitement de synthèse ». Or, rien n’est précisé, alors qu’un pesticide est un terme générique et qu’en outre, selon ce plaignant, les pesticides bios ne sont pas forcément meilleurs pour l’environnement et la santé que les produits de synthèse ;

– enfin, concernant les OGM, ce même plaignant ajoute que, d’après bio-aude.com, « un produit portant le logo AB peut contenir des traces d’OGM (entre 0,1 % et 0,9 %) s’il s’agit d’une contamination accidentelle. Cette tolérance n’est pas acceptée par la Fédération Nationale de l’AB. Cette dernière propose la garantie aux consommateurs de l’absence totale de traces d’OGM pour les produits portant la mention privée BioCohérence (…) ». Le plaignant en conclut qu’il est assez difficile de garantir le zéro OGM dans le produit vendu, et qu’à l’inverse, depuis 40 ans, certains OGM utilisés dans le monde sont sans danger.

– La société annonceur a par courrier recommandé avec avis de réception du 9 octobre 2019, été informée des plaintes, dont copies lui ont été transmises, et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir que l’ARPP, volontairement sollicitée à la fin du mois de juillet 2019, n’a émis aucune observation au sujet de la représentation des jeunes femmes figurant sur les visuels de la campagne publicitaire en cause, ni aucun potentiel défaut de conformité à l’une ou l’autre des règles de la Recommandation « Image et respect de la personne », ce qui permet logiquement d’en déduire que ces visuels n’enfreignent aucune de ces règles. Cette conclusion s’impose d’ailleurs au vu des visuels de cette campagne publicitaire, indépendamment de cet avis qui ne saurait être contredit par l’entité qui l’a émis.

La société rappelle que l’évolution de la communication publicitaire sur les protections féminines est marquée par une réticence dans ses formes d’expression, due au maintien du sujet des règles dans la sphère de l’intimité la plus sensible du corps de la femme, en dépit d’une évolution qui tend à la libérer des utilisations stéréotypées qui en ont souvent été faites. Elle souligne qu’il a fallu attendre l’année 2017 pour que les publicités s’affranchissent du recours à l’image du liquide bleu, cinq ans après qu’un homme se soit moqué de ces subterfuges, et que la marque Nana ose affirmer que « Les règles, c’est normal ».

La campagne s’inscrit dans ce processus tendant à dédramatiser le sujet via des représentations réalistes, qui s’inscrivent dans le quotidien des utilisatrices de ces produits, sans pour autant montrer ce qui doit demeurer de l’ordre de l’intimité desdites utilisatrices. II est d’ailleurs à noter que ses visuels consistent en des photographies non retouchées, ce qui ajoute au réalisme de la représentation.

L’enseigne n’étant en outre pas un fabricant de ce type de produits, mais une enseigne spécialisée dans les produits biologiques, notamment alimentaires, la communication a surtout porté sur la nature biologique des protections féminines et les personnages mis en scène symbolisent la clientèle.

S’agissant de faire la promotion d’un produit exclusivement destiné à être utilisé par des femmes, les visuels de cette campagne représentent des jeunes femmes, non pas dénudées, mais en culottes et tee-shirts, comme ceci est courant dans ce domaine particulier. Elles ne sont pas représentées en tant qu’objets sexuels de séduction, inanimés, exclusivement destinés à susciter un désir sexuel dont la satisfaction serait liée à la possession, et donc à l’achat du produit vanté dans la publicité considérée. Il n’y avait donc pas intention de donner aux clientes l’image d’objets, sexuels ou autres, ou de les présenter de façon indécente

Leur tenue vestimentaire, qui ne laisse au demeurant apparaître qu’une partie de leurs bras et de leurs cuisses, est celle que ces utilisatrices adoptent dans la simplicité et le confort de leur lieu d’habitation. La société a justement fait attention à ce que ces jeunes femmes n’aient pas de postures aguicheuses ou de lingerie affriolante. Il est difficile de voir dans de telles représentations une quelconque misogynie, ou une atteinte aux valeurs humanistes, ou une présentation à caractère sexiste qui serait attentatoire à l’image de la femme, sauf à considérer que les femmes ne peuvent apparaître dans des publicités que vêtues de la tête aux pieds, y compris dans celles qui sont consacrées à des produits destinés à leur hygiène corporelle.

Concernant la Recommandation « Développement durable », l’annonceur souligne que le Conseil affichage de l’ARPP du 31/07/2019 n’évoque aucun défaut, même potentiel, de conformité à l’une ou l’autre des dispositions de cette Recommandation. Il convient donc d’en déduire qu’elle est conforme.

L’annonceur estime que sa campagne ne relève pas du domaine de cette Recommandation, dans la mesure où elle ne comporte pas d’allégation ou de présentation environnementale. La présentation de protections féminines sous l’angle de leur composition – en coton 100% bio – tend à mettre en avant les avantages pouvant en résulter pour les utilisatrices, et non pour l’environnement. Les allégations de cette campagne ne constituent donc pas des arguments écologiques, compte tenu de la définition donnée à la notion d’« argument écologique » par cette Recommandation.

Sur l’examen des plaintes au regard des dispositions du code ICC sur la publicité, en particulier les points relatifs à la loyauté et à la véracité, la première plainte est trop évasive et ne précise pas ce qui serait contraire aux « valeurs écologiques ».

Le grief tenant à l’absence de glyphosate sur les abricots est hors sujet, dans la mesure où la campagne publicitaire critiquée ne porte pas sur des abricots, mais sur des protections féminines. Ceci étant, il convient néanmoins d’observer que si le glyphosate est un herbicide qui n’a pas vocation à être utilisé sur des fruits, il est utilisé en pulvérisation aérienne, si bien que des particules de glyphosate peuvent se retrouver sur d’autres cultures, dont celle de fruits, et donc d’abricots. Cela ressort en particulier du débat actuel sur la définition d’une distance de sécurité entre les cultures traitées, et les autres cultures ainsi que les habitations. Une étude de l’ANSES confirme d’ailleurs la présence de résidus de pesticides sur les fruits à noyaux, et donc sur les abricots, cultivés dans des zones d’arboricultures fruitières où des herbicides sont pulvérisés trois semaines avant la récolte. Il n’y a donc rien d’illégitime à ce qu’un distributeur de produits biologiques en fasse état dans le cadre de ses communications publicitaires.

L’annonceur en déduit que la présentation critiquée n’est donc ni trompeuse, ni de nature à induire en erreur les consommateurs sur les caractéristiques des produits objet de la campagne, qui ne sont d’ailleurs pas des abricots, mais des protections féminines.

Le grief tenant à l’emploi de pesticides naturels dans la culture de fruits biologiques qui serait dissimulée par la société et rendrait trompeuse l’accroche « On ne met pas de pesticides dans nos prunes. Ce n’est pas pour en mettre dans la vôtre » est tout aussi mal fondé, dans la mesure où la notion de pesticide s’entend à l’évidence des pesticides chimiques, dans le contexte de l’agriculture biologique. Cette accroche est immédiatement suivie de la présentation du produit, « des protections hygiéniques 100% Bio », laquelle est signée « …. Soyez libres d’être nature ». Il en résulte que « les pesticides » visés dans cette accroche ne peuvent être entendus par les consommateurs que comme des pesticides chimiques, puisque le message qui leur est adressé par la société exprime l’idée selon laquelle les protections féminines sont tout aussi naturelles que les fruits, en l’occurrence des prunes choisies à des fins humoristiques, commercialisées dans les magasins spécialisés de l’annonceur, dans les produits naturels.

Le grief tenant à l’emploi prétendu trompeur de l’expression « sans traitement chimique » est lui aussi mal fondé, pour les mêmes raisons tenant à la signification que revêt cette expression pour le public en général. La notion de traitement chimique s’entend en effet pour tout un chacun de l’utilisation de produits chimiques de synthèse, autorisée dans l’agriculture conventionnelle et interdite dans l’agriculture biologique. Si un nombre, extrêmement réduit, de personnes contestent l’innocuité des pesticides naturels utilisés dans l’agriculture biologique, le débat sur cette question est loin d’être tranché et cette campagne publicitaire n’entre d’aucune manière dans celui-ci.

Le visuel critiqué se limite à exprimer l’idée selon laquelle les composants des protections hygiéniques vendues dans les magasins de la marque n’ont pas plus fait l’objet de traitements chimiques que les amandes vendues dans ces mêmes magasins. Les fruits commercialisés dans les magasins sont issus de l’agriculture biologique dont personne ne peut nier qu’elle se distingue de l’agriculture conventionnelle par l’absence de recours à des pesticides et des engrais chimiques de synthèse. La mention « de synthèse » est inutile dans le cadre d’un message destiné à un public pour lequel cette précision n’est pas nécessaire puisque sous-entendue par l’emploi à titre isolé des termes et expressions visés ci-dessus.

L’annonceur affirme donc que sa campagne n’est ni trompeuse, ni de nature à induire en erreur les consommateurs sur la composition de ces produits, les composants de ces protections étant issus d’un mode de production biologique, au même titre que les autres produits que la société commercialise dans ses magasins.

– La société d’affichage d’affichage indique qu’une campagne composée de cinq visuels a été affichée sur 600 faces du 10 au 16 octobre 2019 sur les réseaux exploités par le groupe dans le métro parisien exploité et dans les gares exploitées par ses filiales.

Les plaintes lui semblent disproportionnées et injustifiées, notamment au regard de l’intention de l’annonceur.

L’afficheur explique que la validation de ces visuels a fait l’objet de plusieurs échanges avec l’annonceur et son agence, en raison du caractère décomplexé et sans tabou de cette communication, ainsi que de l’utilisation d’arguments de développement durable. Les visuels initialement proposés ont ainsi été retravaillés à plusieurs reprises pour tenir compte des exigences de la Recommandation Développement durable.

Aucun de ces visuels ne paraît par ailleurs contrevenir aux principes posés par la Recommandation Image et Respect de la personne. En effet, contrairement aux reproches faits par les plaignants, il n’y a aucune utilisation stéréotypée de la femme, ni dans le message, ni dans la posture, ni dans le style vestimentaire, qui puisse paraître dégradante, sexiste et/ou misogyne ou encore réduire les femmes à un rôle d’objet, voire d’objet sexuel. Ainsi, la représentation du bas du corps de la femme et la coupe des photographies se justifie pleinement compte tenu du produit mis en avant – des protections hygiéniques – et présente, au contraire de codes sexistes, une représentation affirmée et sans tabou de la femme, moderne et actuelle.

En outre, la campagne s’appuie sur le naturel et banalise le sujet en permettant aux femmes de s’affranchir et de s’émanciper de manière décomplexée des codes anciens.

En parfaite cohérence avec le produit commercialisé et la marque de l’annonceur, ces visuels présentent des femmes dans leur intimité, en tee-shirt et culotte, maintenant un fruit (pour quatre des visuels), produit également vendu par l’annonceur et répondant aux préoccupations alimentaires de ses client(e)s.

L’afficheur comprend toutefois que cette communication au ton délibérément sans tabou ait pu provoquer des réactions contrastées, mais a considéré en tant que support, qu’elle n’était pas de nature à choquer les personnes et encore moins à porter atteinte à la dignité des femmes.

Dès lors, son rôle ne consiste pas à censurer des publicités au motif qu’elles ne feraient pas l’unanimité mais bien à veiller au respect des règles déontologiques auxquelles elle adhère pleinement, ainsi que la RATP et la SNCF, et à prendre en considération le respect des personnes qui y sont exposées tout en préservant la liberté de création et la liberté d’expression des annonceurs ainsi que de leurs agences.

Sur la Recommandation Développement durable, il est reproché aux visuels de constituer une publicité trompeuse sur la présence de glyphosate sur les abricots et une publicité mensongère au regard du fait que le bio n’est pas sans pesticide.

Avant de faire référence à la notion de « bio », le message de l’annonceur était le suivant « Découvrez des protections hygiéniques qui vous protègent vraiment » qui paraissait susceptible de discréditer le marché des protections hygiéniques. De plus, les allégations relatives à l’absence de glyphosate, de pesticides ou de produits chimiques devraient pouvoir être justifiées par l’annonceur.

Ces visuels ont été adressés à l’ARPP qui a conforté l’afficheur dans l’ensemble de ses analyses. Après avoir alerté le client et lui avoir communiqué les recommandations de l’ARPP, l’afficheur a reçu de nouveaux visuels avec l’accroche « Des protections hygiéniques 100% Bio ».

Par ailleurs, l’annonceur a maintenu les accroches relatives à l’absence de glyphosate, de pesticides et de produits chimiques sur ses produits (fruits et protections hygiéniques) confirmant ainsi la loyauté et l’exactitude de ces allégations. C’est cette deuxième version qui a été acceptée pour l’affichage.

Par la suite, l’annonceur a présenté un visuel modifiant le visuel « Si vous chassez les OGM de votre frigo, ce n’est pas pour les retrouver dans votre culotte » par un visuel présentant l’allégation « Des protections hygiéniques Bio et plus écologiques » avec un renvoi vers son site internet.

Conformément à la Charte pour une publicité éco-responsable signée le 11 avril 2008 dans le cadre des travaux du Grenelle de l’Environnement, l’afficheur a de nouveau consulté l’ARPP sur ce nouveau visuel, laquelle a souligné dans son conseil que l’utilisation du terme « 100% bio » devait être vérifiée auprès de l’annonceur et que le terme « écologique » devait être nuancé, par exemple en employant l’expression « plus écologique ». Ces observations ont été transmises à l’annonceur qui a modifié son accroche en se conformant aux demandes de l’ARPP en supprimant l’expression « 100% bio » et en nuançant la portée écologique.

Les critiques de publicité trompeuse ou mensongère paraissent donc infondées au regard des observations formulées par l’ARPP et des corrections faites par l’annonceur dans l’expression de ses messages et par un renvoi à son site internet, la vocation première de la publicité n’étant pas d’informer les consommateurs, sauf pour les secteurs réglementés, mais de présenter les produits et services en suscitant l’envie de ces derniers sans les tromper.

Le groupe d’affichage reste engagé dans une démarche responsable de contrôle des publicités qu’il affiche et demeure particulièrement vigilant sur le respect des règles déontologiques de l’ARPP. Cette démarche déjà ancienne s’exprime aujourd’hui au travers de ses engagements pour une publicité responsable et respectueuse des voyageurs / consommateurs.

– L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique que les 5 visuels « Amande », « Figue », « Abricot », « Prune » et « Frigo » ont fait l’objet d’une demande de conseil de la part de sociétés d’affichage membres de l’ARPP, en juillet 2019.

Les observations que l’ARPP a formulées ont concerné le respect des points relatifs à la véracité et la loyauté, contenus dans le Code ICC.

Ainsi, une alerte a été formulée sur la nécessité de pouvoir justifier le caractère « 100% Bio » des protections hygiéniques vendues par l’annonceur ainsi que l’absence de substances chimiques ou pesticides dans les protections de la marque et à l’inverse la présence de ces substances dans des produits concurrents.

L’ARPP a en outre demandé l’ajout d’une mention explicative relative à la source justifiant ces allégations et déconseillé l’accroche « Découvrez des protections hygiéniques qui vous protègent vraiment », selon elle de nature à la fois à jeter le discrédit sur les produits concurrents et à susciter des craintes de la part des utilisatrices.

Les images associées aux textes n’ont en effet pas suscité d’observations de l’Autorité.

Pour l’ARPP, si on peut comprendre le double sens donné aux noms de fruits, compte tenu en particulier de la nature du produit promu, les visuels utilisés montrant des corps de femme dont ni la tenue vestimentaire, ni la posture ne peuvent pas être qualifiées d’indécentes, sont acceptables pour la majorité du public.

Après avoir relevé l’ajout d’une mention informative sur les justificatifs détenus par l’annonceur ainsi que la modification de l’allégation demandée, un seul des visuels a été resoumis pour approbation à l’ARPP en septembre 2019 : l’image d’une femme se tenant debout, de dos, en culotte et tee-shirt devant un frigo entrouvert avec le texte « Si vous chassez les OGM de votre frigo. Ce n’est pas pour les retrouver dans votre culotte ». Ces éléments n’ont pas été considérés comme contraires à la Recommandation « Image et respect de la personne ».

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :

« 1.1. La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.

2.2. La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2.3. La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme (…) ».

D’autre part, la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, dispose que :

« 1.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable.

1.4. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité.

3.1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées.

3.3 Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation Mentions et renvois de l’ARPP. ».

Enfin, le Code ICC sur la publicité et les communications commerciales dispose que :

« Article 3 – Loyauté : La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs (…) ».

« Article 5 – Véracité : La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. / La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne : des caractéristiques du produit qui sont essentielles, ou en d’autres termes, de nature à influencer le choix du consommateur, telles que la nature, la composition, la méthode et la date de fabrication, le domaine d’utilisation, l’efficacité et les performances, la quantité, l’origine commerciale ou géographique, ou l’impact sur l’environnement (…) ».

Le Jury relève que la campagne publicitaire en cause est composée de cinq affiches, montrant, chacune, le corps d’une femme dont on ne voit pas la tête, cadrée au-dessus des genoux, portant une culotte et un tee-shirt.

Sur quatre d’entre elles, la femme tient un fruit devant son pubis. Ces images sont respectivement accompagnées des textes suivants :

– « On ne met pas de pesticides dans nos prunes. Ce n’est pas pour en mettre dans la vôtre. »

– « On ne met pas de traitements chimiques sur nos amandes. Ce n’est pas pour en mettre sur la vôtre. »

– « On ne met pas de glyphosate dans nos abricots. Ce n’est pas pour en mettre dans le vôtre. »

– « On ne met pas de produits chimiques dans nos figues. Ce n’est pas pour en mettre dans la vôtre. »

Chaque publicité comporte également la mention « Des protections hygiéniques 100% Bio » ainsi que la signature « …. Soyez libre d’être nature ».

Sur le cinquième visuel, une femme, dont on ne voit pas non plus la tête, est de dos, en tee-shirt et culotte, devant son réfrigérateur. Le texte qui accompagne ce visuel indique : « Si vous chassez les OGM de votre frigo. Ce n’est pas pour les retrouver dans votre culotte », suivi de la mention « Des protections hygiéniques Bio et plus écologiques ».

À titre liminaire, le Jury souligne que si l’annonceur indique que cette campagne publicitaire a donné lieu à plusieurs échanges ayant conduit à un avis favorable de l’ARPP, qui ne saurait se contredire, il résulte des dispositions de son règlement intérieur, notamment de ses articles 1er, 2, 3 et 4, que l’appréciation à laquelle le Jury, instance associée au dispositif de régulation professionnelle de la publicité et composée de personnalités indépendantes et impartiales, doit se livrer lorsqu’il est saisi d’une plainte, ne saurait être liée par l’avis que rend l’ARPP en conseil préalable. Cette indépendance s’exerce en effet tant au regard des professions de la publicité qu’au regard des avis que peut délivrer l’ARPP et que le Jury peut ne pas partager.

En premier lieu, le Jury relève que, pour promouvoir le caractère « bio » des protections hygiéniques qu’elle vend, l’enseigne a souhaité faire un parallèle entre ce produit et les fruits qu’elle commercialise, en désignant le sexe féminin par un abricot, une amande, une figue ou une prune. Le Jury estime que si la référence explicite au sexe féminin peut interpeller, elle est directement en rapport avec la nature du produit promu, à savoir des serviettes hygiéniques, et avec la volonté de la marque de promouvoir une attitude décomplexée vis-à-vis des règles. Il relève également que, sur les différentes affiches, les jeunes femmes représentées sont en sous-vêtements, dans des tenues et des postures décentes.

Le Jury en déduit que ces affiches, si elles ont trait à une question intime et sont de nature à susciter des réactions selon les sensibilités sociales, restent acceptables pour la majorité du public et ne méconnaissent pas les dispositions précitées de la Recommandation « Image et respect de la personne ».

En second lieu, le Jury relève que, pour promouvoir le caractère « bio » des produits promus, l’annonceur indique qu’ils sont sans pesticides, sans produits ou traitements chimiques, sans glyphosate ou encore sans OGM. En outre, sur quatre des affiches, figure la mention selon laquelle les protections hygiéniques dont il est fait la promotion sont « 100% Bio ».

Le Jury considère tout d’abord que les allégations relatives à l’absence de pesticide, de glyphosate ou de produits chimiques, ainsi que l’expression « 100% Bio », sont des arguments écologiques au sens de la Recommandation déontologique « Développement durable » et que les affiches en cause entrent bien, à ce titre, dans le champ de cette Recommandation.

Il estime que l’emploi, par l’enseigne, des termes « pas de pesticides » ou « 100% Bio » est suffisamment explicite et que l’absence de précision sur le fait qu’il ne s’agit pas de pesticides « de synthèse » ou que la culture « bio » n’est pas nécessairement sans pesticide n’est pas de nature à induire en erreur les consommateurs, même si un renvoi pour expliciter ces mentions (qui ne figure que sur l’une des cinq affiches) eut été opportun.

Toutefois, si les dispositions du point 1.4 de la Recommandation « Développement durable » prévoient que « L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité », il n’est pas exigé que ces justifications figurent sur l’affichage publicitaire. En l’espèce, le Jury relève que l’annonceur justifie l’expression « 100% Bio » par la composition en coton certifié 100% bio des produits en cause.

Le Jury estime également que l’emploi du slogan « On ne met pas de glyphosate dans nos abricots » reste acceptable, compte-tenu des techniques de pulvérisation de cet herbicide, d’une part, et de l’usage de l’hyperbole en publicité, d’autre part.

S’agissant de la cinquième affiche montrant une jeune femme de dos devant son réfrigérateur, portant les mentions « Si vous chassez les OGM de votre frigo. Ce n’est pas pour les retrouver dans votre culotte » et « Des protections hygiéniques Bio et plus écologiques », le Jury relève que l’allégation écologique n’est pas absolue, mais est relativisée (« plus biologique ») et qu’un astérisque renvoie, cette fois-ci, à un communiqué explicatif sur le site de l’annonceur.

En conséquence, le Jury est d’avis que les publicités en cause ne méconnaissent pas les dispositions précitées des Recommandations « Image et respect de la personne » et « Développement durable ».

Avis adopté le 15 novembre 2019 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Drecq et MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.