Avis JDP n° 582/19 – BOISSONS ALCOOLIQUES – Plainte fondée

Avis publié le 8 juillet 2019
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 6 avril 2019 d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une communication publiée sur un réseau social, à l’initiative d’un influenceur.

Cette communication se présente sous la forme d’un post publié sur la page Instagram de cet influenceur. Le visuel montre une bouteille de champagne, disposée à côté de deux flûtes à champagne, sur fond de décor de salon.

Cette photographie est accompagnée du texte « Une très bonne idée cadeau pour Noël =>@X lance la personnalisation gratuite de leurs bouteilles sur leur site ! Jusqu’au 1er janvier ! @X #X ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant indique que cette publicité correspond à un partenariat rémunéré non déclaré , et relève en outre qu’aucune mention sanitaire, pourtant obligatoire, n’est prévue.

– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 10 mai 2019, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a également été informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Interrogée sur la réalité d’une collaboration commerciale entre elle et l’influenceur, la société annonceur a répondu que son groupe prévoit dans son « Code pour les communications commerciales », que les communications commerciales s’inscrivent dans sa volonté de promouvoir une consommation responsable et respectent les lois nationales et les engagements de déontologie professionnelle de la société. A cet effet, ses directives sur les communications numériques visent à assurer que toutes les communications commerciales soient aisément identifiables en tant que telles. Notamment, la règle suivante est clairement établie : « Si nous payons (en espèces ou en nature) un contenu ou un message pour qu’il apparaisse dans un blog, un flux twitter, une page Facebook, un site Web ou autre, le lecteur doit en être clairement informé. ».

Toutes les équipes marketing et agences partenaires de l’annonceur et de ses filiales doivent se conformer à ce code de conduite ainsi qu’aux lois ou aux codes nationaux en vigueur, dont la Recommandation communication publicitaire digitale de l’ARPP et la loi Evin du 10 janvier 1991. Par conséquent, les agences d’influence avec lesquelles la société travaille doivent également se soumettre à ce code de déontologie et doivent en faire respecter l’application par les influenceurs auxquels elles ont recours.

En l’espèce, pour mettre en avant le service de personnalisation du produit en question, la société indique que sa filiale a mandaté une agence, qui a elle-même fait appel à des influenceurs et a géré en direct la relation avec eux, dont l’influenceur ayant mis le post objet de la plainte sur son compte Instagram. Cette publication ayant été réalisée en collaboration avec cet influenceur, elle aurait dû mentionner une indication permettant de l’identifier comme telle.

Or, malgré la mise en place des différentes règles précitées vis-à-vis de ses partenaires, la société annonceur déplore l’absence de la mention de partenariat sur le post visé par la plainte. La société indique avoir demandé à l’agence de s’assurer de la mise en conformité du post objet de la plainte. Elle assure à nouveau de l’engagement du groupe à promouvoir et mettre en œuvre les engagements de déontologie professionnelle, en particulier ceux édictés par l’ARPP.

– L’influenceur a également, par courrier du 9 avril 2019, été interrogé sur la réalité d’une collaboration commerciale entre lui et la société annonceur. Il n’a pas apporté de réponse.

3. L’analyse du Jury

– Le Jury rappelle, en premier lieu, que la Recommandation « Communication publicitaire digitale » de l’ARPP dispose, à son point 1.1 Identification de la publicité, que :

« La publicité doit pouvoir être clairement identifiée comme telle, et ce quelle que soit la forme sous laquelle elle se présente. Cette identification peut se faire par tout moyen nettement perceptible permettant de rendre d’emblée non équivoque pour le public la nature publicitaire du message. (…)

b/ cas où le caractère publicitaire du message ne se manifeste pas clairement :

b1 – il est alors recommandé d’adjoindre une indication explicite permettant d’identifier la publicité comme telle. Lorsque le message est diffusé au milieu d’informations ou d’articles rédactionnels, il doit être présenté de manière à ce que son caractère publicitaire apparaisse instantanément. Cette indication doit être lisible ou audible, et intelligible ».

Cette Recommandation de l’ARPP prévoit en outre, dans sa partie « Communication d’influenceurs et marques » que « L’existence d’une collaboration commerciale entre un influenceur et un annonceur pour la publication d’un contenu doit dans tous les cas être portée par l’influenceur à la connaissance du public. (…) Pour l’identification de ces communications d’influenceurs réalisées en collaboration avec une marque (…), il est recommandé d’adjoindre une indication explicite permettant de l’identifier comme telle, de manière à ce que ce caractère apparaisse instantanément. Cette identification peut se faire par tout moyen (dans le discours, dans le texte accompagnant le contenu, au moyen d’une mention dans la vidéo…) dès lors qu’elle est portée à la connaissance du public quel que soit son moyen d’accès au contenu ».

– Le Jury rappelle, en second lieu, que la Recommandation « Alcool » de l’ARPP dispose notamment, en son point 3.3 Message de caractère sanitaire, que celui-ci doit :

« 3.3.4. (…) être exprimé selon la formule ‘L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération’ (…). »

Le Jury constate que la communication en cause se présente sous la forme d’un post publié sur Instagram, par un influenceur, montrant une bouteille de champagne de la marque, accompagnée du texte « Une très bonne idée cadeau pour Noël =>@X lance la personnalisation gratuite de leurs bouteilles sur leur site ! Jusqu’au 1er janvier ! @X #X ».

Le Jury relève, en premier lieu, que ce post ne comprend aucune mention indiquant une collaboration commerciale entre l’influenceur et la société annonceur. Or cette dernière, contactée par le secrétariat du Jury, reconnaît l’existence de liens de collaboration, via l’agence de communication à laquelle a fait appel l’une de ses filiales, avec cet influenceur et déplore elle-même l’absence de mention de sa collaboration commerciale avec la marque.

Le Jury estime par conséquent que l’absence de mention de la collaboration commerciale sur le post Instagram en cause, qui ne permet pas au public abonné à l’influenceur d’identifier l’existence d’une relation commerciale entre ce dernier et l’annonceur dont il parle dans son post, ne correspond pas aux prévisions de la Recommandation « Communication publicitaire digitale », et particulièrement à celles prévoyant, lorsqu’existe une collaboration commerciale entre un annonceur et un influenceur, qu’une « indication explicite doit permettre de l’identifier comme telle, de manière à ce que ce caractère apparaisse instantanément. »

Tout en prenant acte de l’engagement de la société à une vigilance accrue, le Jury est d’avis que la communication en cause méconnaît les dispositions précitées de la Recommandation « Communication publicitaire digitale » de l’ARPP.

Le Jury relève, en second lieu, que le post en cause ne comprend aucune mention sanitaire, pourtant obligatoire en vertu de la Recommandation « Alcool » précitée, qui reprend les prescriptions législatives de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique. Il est par conséquent d’avis que le post en cause méconnaît également cette Recommandation Alcool.

Avis adopté le 7 juin 2019 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Lenain, MM. Depincé, Lacan et Leers.