Avis JDP n° 590/19 – PARC DE LOISIRS / MARKETING D’INFLUENCE – Plainte fondée

Avis publié le 10 octobre 2019
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu l’influenceuse,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 19 juin 2019 d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une vidéo publicitaire en faveur d’un parc de loisirs, postée sur YouTube à l’initiative d’une influenceuse.

Cette communication se présente sous la forme d’une vidéo, dans laquelle la jeune femme expose son expérience positive dans le parc à Antibes.

2. Les arguments échangés

– Le plaignant indique que cette publicité correspond à un partenariat rémunéré non signalé, ni dans la vidéo, ni dans le titre, ni dans la barre d’information et relève en outre que ce partenariat a été signalé sur le compte Instagram de l’influenceuse.

– La société annonceur a été, par courrier recommandé avec avis de réception du 29 juillet 2019, informée de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

La société conteste tout d’abord le caractère publicitaire de la vidéo incriminée. En effet, s’il y a bien eu contrepartie, matérialisée par une invitation de l’influenceuse au parc tous frais inclus (temps passé, frais de déplacement et de bouche), en revanche, l’annonceur n’a exercé aucun contrôle éditorial, fourni aucune ligne directrice, ni exigé aucun discours visant à valoriser le parc. La liberté d’expression de l’influenceuse était totale, aucun minimum de contenu n’a été demandé, et aucun des contenus publiés n’a fait l’objet d’une validation de la part du parc avant publication.

La société ajoute que la prise de parole de l’influenceuse n’avait pas pour objectif la promotion du parc mais son évaluation critique. Le droit à la critique était total et a d’ailleurs été utilisé par l’influenceuse. Le parc a laissé une totale liberté d’expression et de production de contenus à l’influenceuse sur ses activités, sans interférence ni validation.

C’est la raison pour laquelle les mentions « publicité » ou « partenariat » ne figurent pas dans les titres ou descriptions de la vidéo produite par l’influenceuse.

La société précise également que l’influenceuse, via sa vidéo, n’a pas la volonté d’induire le public en erreur, puisqu’elle cite explicitement le nom de l’annonceur dans son discours et les termes exacts de cette collaboration, puisqu’elle précise bien qu’elle a été invitée.

Néanmoins, si le caractère non publicitaire de la vidéo devait être contesté, l’annonceur fait valoir que cette vidéo est le fruit du travail de l’influenceuse et que, conformément aux Recommandations de l’ARPP « L’existence d’une collaboration commerciale entre un influenceur et un annonceur pour la publication d’un contenu doit dans tous les cas être portée par l’influenceur à la connaissance du public ». Il était donc de la responsabilité de l’influenceuse d’apposer les mentions obligatoires sur ses réseaux sociaux et à l’agence qui encadrait sa venue, d’en assurer le suivi conformément à la prestation commerciale passée entre le par cet l’agence. C’est précisément pour bénéficier d’un encadrement professionnel en la matière que la société a eu recours à une agence spécialisée, contre rémunération. Il relevait de la responsabilité de l’agence de conseiller si besoin l’influenceuse sur ses obligations légales et d’en vérifier la bonne exécution.

Par ailleurs, l’annonceur indique que la bonne foi de l’influenceuse lui paraît manifeste puisqu’elle a clairement apposé #partenariat sur les autres médias (Facebook, Instagram, etc.). La seule mention absente concerne sa chaîne Youtube.

La société précise avoir immédiatement sollicité l’agence afin qu’elle fasse insérer la mention du partenariat de manière plus explicite par la Youtubeuse, afin de prouver sa bonne foi.

– Lors de l’audience, l’influenceuse a notamment souligné que l’information sur les partenariats à mentionner n’était pas toujours claire, que les mentions à indiquer ne semblent pas toujours identiques selon la plate-forme utilisée et qu’elle avait précisément pris le soin de mentionner, à plusieurs reprises, dans la vidéo, qu’elle avait été invitée par le parc.

3. L’analyse du Jury

– Le Jury rappelle que la Recommandation « Communication publicitaire digitale » de l’ARPP dispose, à son point 1.1 Identification de la publicité, que :

« La publicité doit pouvoir être clairement identifiée comme telle, et ce quelle que soit la forme sous laquelle elle se présente. Cette identification peut se faire par tout moyen nettement perceptible permettant de rendre d’emblée non équivoque pour le public la nature publicitaire du message. (…)

b/ cas où le caractère publicitaire du message ne se manifeste pas clairement :

b1 – il est alors recommandé d’adjoindre une indication explicite permettant d’identifier la publicité comme telle. Lorsque le message est diffusé au milieu d’informations ou d’articles rédactionnels, il doit être présenté de manière à ce que son caractère publicitaire apparaisse instantanément. Cette indication doit être lisible ou audible, et intelligible ».

Cette Recommandation de l’ARPP prévoit en outre, dans sa partie « Communication d’influenceurs et marques » que :

« L’existence d’une collaboration commerciale entre un influenceur et un annonceur pour la

publication d’un contenu doit dans tous les cas être portée par l’influenceur à la connaissance du public. (…) Pour l’identification de ces communications d’influenceurs réalisées en collaboration avec une marque (…), il est recommandé d’adjoindre une indication explicite permettant de l’identifier comme telle, de manière à ce que ce caractère apparaisse instantanément. Cette identification peut se faire par tout moyen (dans le discours, dans le texte accompagnant le contenu, au moyen d’une mention dans la vidéo…) dès lors qu’elle est portée à la connaissance du public quel que soit son moyen d’accès au contenu ».

Le Jury constate que la communication en cause se présente sous la forme d’une vidéo publiée sur Youtube, par l’influenceuse qui promeut l’expérience d’une visite au parc de loisirs d’Antibes.

Le Jury relève que la vidéo ne comprend aucune mention indiquant une collaboration commerciale entre l’influenceur et la société.

La société fait valoir qu’en contrepartie de l’invitation au parc, elle n’a exercé aucun contrôle éditorial, fourni aucune ligne directrice, ni exigé de l’influenceuse un contenu minimum ou un discours visant à valoriser le parc, lui laissant au contraire une totale liberté d’expression et la possibilité de faire une évaluation critique du parc.

S’il est exact que la vidéo en cause ne relève pas d’une communication à caractère publicitaire, dès lors que l’annonceur n’a pas exercé de contrôle éditorial prépondérant ni validé le contenu avant publication, il s’agit toutefois d’une collaboration commerciale, l’influenceuse ayant été invitée et défrayée pour une visite au parc d’Antibes.

Or la Recommandation « Communication publicitaire digitale », dans sa partie « Communication d’influenceurs et marques », prévoit que lorsqu’un influenceur agit en collaboration avec une marque, que le contenu ait ou non un caractère publicitaire, l’existence de cette collaboration doit « dans tous les cas être portée par l’influenceur à la connaissance du public », de manière à ce que cette collaboration apparaisse instantanément.

L’identification immédiate de ce lien commercial est d’autant plus importante lorsqu’un contenu apparaît sur des espaces qui ne sont pas d’emblée dédiés à des communications commerciales ou publicitaires, tels que les espaces non publicitaires de la plate-forme Youtube.

En l’espèce, le Jury estime que l’absence de mention de la collaboration commerciale à proximité de la vidéo sur Youtube ne permet pas au public abonné au compte de l’influenceuse (ou aux visiteurs occasionnels) d’identifier l’existence d’une relation commerciale entre cette dernière et l’annonceur.

Par conséquent, le Jury est d’avis que cette vidéo ne correspond pas aux prévisions de la Recommandation « Communication publicitaire digitale », et particulièrement à celles prévoyant, lorsqu’existe une collaboration commerciale entre un annonceur et un influenceur, qu’une « indication explicite doit permettre de l’identifier comme telle, de manière à ce que ce caractère apparaisse instantanément. »

Avis adopté le 6 septembre 2019 par Mme Lieber, Présidente, Mme Drecq, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.