Avis JDP n°533/18 – METHODES D’AMAIGRISSEMENT – Plainte fondée

Avis publié le 6 septembre 2018
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 23 mai 2018, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une communication publiée sur un réseau social, à l’initiative d’une personne prénommée Manon.

Cette communication se présente sous la forme d’un post publié sur la page Facebook de cette blogueuse. Le visuel montre la jeune femme en tenue de sport, en train d’utiliser son téléphone portable. Le texte accompagnant cette photographie, précédée de l’intitulé « Manon Auxkilos » est « Je crois que j’ai enfin trouvé l’astuce infaillible pour ne jamais perdre la motivation à faire du sport : @x…. ! Je n’utilise que peu d’applications mais quand j’ai découvert le principe je l’ai installée directement et je suis partie marcher pour tester J. Cette application transforme toutes vos activités en bons plans et réductions : -20% chez Nike et Asics, des réductions sur les abonnements de sport et plein de marques superbes… Et le top du top pour la gourmande que je suis… Une réduction chez Deliveroo et Just Eat J. Plus sérieusement je trouve le concept extra et super motivant. Il suffit juste de connecter l’appli à votre montre ou votre téléphone et il ne vous reste plus qu’à vous dépenser après. Bon moi je file courir si je veux avoir une jolie réduction. Bisous mes beuboms. #regime #myfitnesspal #instaregimeuse #perdredupoids #maigrir #instaregime #instadiet #topbodychallenge #topbodychallengeuse #tbc #sport #fitness #fitfrenchie #fitgirl #run #running #courir #courseapied #course #teamshapeevolution #teamshape #pertedepoids #healthy #fitgirl #2018nonauxkilos https://ift.tt/2GEjJ1J ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant indique que cette jeune femme, qui peut être qualifiée de blogueuse, est présente sur plusieurs médias (facebook, youtube, instagram) et jouit d’une notoriété grandissante en publiant de nombreuses photos de sa vie personnelle autour du sport et de la perte de poids. Entre les photos et textes personnels qui sont publiés, se retrouvent des photos avec un texte publicitaire sans que la mention n’en soit faite.

Il estime que, sachant que cette personne est suivie sur internet par un nombre important d’autres personnes, il est impératif que ces dernières comprennent que lorsque Manon exprime des avis ou recommandations à l’égard de sites ou de produits, ses propos s’inscrivent dans le contexte de relations commerciales qu’elle a conclues avec ces sites ou produits et dont elle perçoit une rémunération en contrepartie de son rôle d’influenceuse.

Or, sur la photo de la publicité en cause, il est impossible de savoir si c’est un partenariat rémunéré et d’agir en conséquence de cause. Le texte accolé à la photo entretient le flou établi.

– L’influenceuse à l’origine de la publication a été contactée par le secrétariat du Jury, par courrier du 8 juin 2018, afin de l’alerter sur l’existence et l’application des dispositions de la Recommandation de l’ARPP « Communication publicitaire digitale », en particulier, sa partie « Communication d’influenceurs et marques ». Il lui a été demandé d’apporter toutes précisions sur l’existence d’une éventuelle collaboration commerciale avec la société et le cas échéant tous éléments qui démontreraient l’absence d’une telle collaboration entre elle et la marque concernée.

Ce courrier lui a été transmis une nouvelle fois le 18 juin 2018, puis par courrier recommandé avec avis de réception du 22 juin 2018, elle a été informée de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

– L’influenceuse, en réponse, fait valoir que, du fait de la correspondance du Jury, elle est dérangée dans ses révisions alors que, étudiante en médecine, elle doit passer cette semaine un gros concours national qui déterminera sa carrière future.

Elle indique qu’elle a eu un partenariat avec la marque sur Instagram, qu’elle a mentionné par un hashtag sur son post et par des explications claires sur ce partenariat en story. Elle ajoute que la publication Facebook ne faisait absolument pas partie du cadre du partenariat et qu’elle a publié ce contenu sur Facebook de son propre chef car elle aime réellement cette entreprise. Il lui apparaît cependant difficile de démontrer une non-existence de partenariat entre la marque et elle concernant Facebook.

– La société a été également informée, par courrier électronique avec avis de réception du 29 juin 2018, de la plainte dont copie lui a été transmise, des dispositions dont la violation est invoquée et des échanges entre le Jury et l’influenceuse.

Elle indique que, dans le cadre de la promotion commerciale de son application avec la collaboration de l’influenceuse Manon:

– elle a travaillé avec une agence spécialisée ; de ce fait, elle n’a jamais été en contact direct avec l’influenceuse Manon durant l’ensemble de la prestation ;

– Manon a été contactée par l’agence afin de promouvoir l’application sur son compte personnel Instagram ; il n’a jamais été convenu d’une quelconque publication sur son compte Facebook. Seules ont été convenues la publication Instagram et la Story Instagram ;

– de plus, dans le brief transmis, que la société joint à sa réponse, il est explicitement indiqué qu’il sera obligatoire de noter la mention « article sponsorisé » dans les publications effectuées par l’influenceuse Manon.

La société estime qu’au vu de ces différents éléments, elle ne peut être tenue responsable de cette plainte.

– L’agence a été également informée, par courrier électronique avec avis de réception du 2 juillet 2018, de la plainte dont copie lui a été transmise, des dispositions dont la violation est invoquée et des échanges entre le Jury et l’influenceuse.

Elle n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

– Le Jury rappelle que la Recommandation Communication publicitaire digitale de l’ARPP dispose, à son point 1.1 Identification de la publicité, que :

La publicité doit pouvoir être clairement identifiée comme telle, et ce quelle que soit la forme sous laquelle elle se présente. Cette identification peut se faire par tout moyen nettement perceptible permettant de rendre d’emblée non équivoque pour le public la nature publicitaire du message. (…)

b/ cas où le caractère publicitaire du message ne se manifeste pas clairement :

b1 – il est alors recommandé d’adjoindre une indication explicite permettant d’identifier la publicité comme telle. Lorsque le message est diffusé au milieu d’informations ou d’articles rédactionnels, il doit être présenté de manière à ce que son caractère publicitaire apparaisse instantanément. Cette indication doit être lisible ou audible, et intelligible ».

– Cette Recommandation de l’ARPP prévoit en outre, dans sa partie « Communication d’influenceurs et marques » que :

« L’existence d’une collaboration commerciale entre un influenceur et un annonceur pour la publication d’un contenu doit dans tous les cas être portée par l’influenceur à la connaissance du public. (…) Pour l’identification de ces communications d’influenceurs réalisées en collaboration avec une marque (…), il est recommandé d’adjoindre une indication explicite permettant de l’identifier comme telle, de manière à ce que ce caractère apparaisse instantanément. Cette identification peut se faire par tout moyen (dans le discours, dans le texte accompagnant le contenu, au moyen d’une mention dans la vidéo…) dès lors qu’elle est portée à la connaissance du public quel que soit son moyen d’accès au contenu ».

Le Jury constate que la communication en cause se présente sous la forme d’un post publié sur la page Facebook de l’influenceuse « Manon Auxkilos ». Le visuel montre la jeune femme en tenue de sport, en train d’utiliser son téléphone portable. Cette photographie est accompagnée du texte suivant : « Je crois que j’ai enfin trouvé l’astuce infaillible pour ne jamais perdre la motivation à faire du sport : @……. ! Je n’utilise que peu d’applications mais quand j’ai découvert le principe je l’ai installée directement et je suis partie marcher pour tester J. Cette application transforme toutes vos activités en bons plans et réductions : -20% chez Nike et Asics, des réductions sur les abonnements de sport et plein de marques superbes… Et le top du top pour la gourmande que je suis… Une réduction chez Deliveroo et Just EatJ. Plus sérieusement je trouve le concept extra et super motivant. Il suffit juste de connecter l’appli à votre montre ou votre téléphone et il ne vous reste plus qu’à vous dépenser après. Bon moi je file courir si je veux avoir une jolie réduction. Bisous mes beuboms. »

Ce texte est suivi de plusieurs mentions : #regime #myfitnesspal #instaregimeuse #perdredupoids #maigrir #instaregime #instadiet #topbodychallenge #topbodychallengeuse #tbc #sport #fitness #fitfrenchie #fitgirl #run #running #courir #courseapied #course #teamshapeevolution #teamshape #pertedepoids #healthy #fitgirl #2018nonauxkilos https://ift.tt/2GEjJ1J ».

Le Jury relève que ce post fait une description élogieuse de l’application, qui propose d’accéder à diverses réductions de produits et services de différentes marques, si la personne qui a téléchargé l’application a réalisé un effort sportif. Cette description est suivie de nombreux # avec des mots clés choisis pour que la page soit aisément repérable par un public intéressé par la perte de poids.

Après réception de la plainte indiquant qu’il était impossible de savoir s’il s’agissait ou non d’un partenariat commercial entre l’influenceuse et la marque, le Jury a adressé des courriers aux intéressés afin de faire le point sur la situation. Il ressort de ces échanges de courriers qu’il existe bien un partenariat commercial entre la marque et l’intéressée pour promouvoir l’application sur le compte personnel Instagram de « Manon Auxkilos », que ce partenariat a été mis en place via l’agence spécialisée et qu’il n’avait pas été convenu d’une publication sur le compte Facebook de l’influenceuse.

Le Jury constate toutefois, en premier lieu, que le « brief » de l’agence comporte, dans sa partie « Contenu et spécifications du Blog post », les mentions suivantes :

– « Votre article devra être partagé sur vos réseaux sociaux (Facebook, Twitter) » ;

– « Merci d’indiquer à votre audience qu’il s’agit d’un ‘article sponsorisé’ ».

Il constate, en second lieu, que le texte posté sur la page Facebook de « Manonauxkilos » se termine par un lien vers la page Instagram de l’intéressée, où figurent exactement la même photo, le même texte et les mêmes hashtags.

Or sur la page Facebook, aucune mention ne signale la collaboration commerciale entre « Manonauxkilos » et la marque, alors que les posts sur les pages Instagram et Facebook sont identiques, qu’ils renvoient l’un vers l’autre et que le brief adressé à l’influenceuse mentionne ces deux supports de communication. Dès lors, ces deux posts entrent dans le champ de la même relation de partenariat commercial et il est sans incidence que l’influenceuse indique qu’elle a d’elle-même ajouté le post du Facebook, alors que ce n’était pas prévu par le partenariat.

Le Jury relève par ailleurs que si la mention #ad figure sur la page Instagram de l’intéressée, cette discrète mention, indiquée à la toute fin de la liste de hashtags, ne correspond pas aux prévisions de la Recommandation Communication publicitaire digitale et notamment, lorsqu’existe une collaboration commerciale entre un annonceur et un influenceur, à celles selon lesquelles une indication explicite doit permettre de l’identifier comme telle, de manière à ce que ce caractère apparaisse instantanément.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la communication en cause méconnaît les dispositions précitées de la Recommandation Communication publicitaire digitale de l’ARPP.

Avis adopté le 6 juillet 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Acker, Benhaïm, Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.