Avis JDP n° 536/18 – PRODUITS COSMÉTIQUES – Plaintes fondées

Avis publié le 11 octobre 2018
Plaintes fondées 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 26 et le 30 juillet 2018, de plusieurs plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée par affichage en devanture de magasins, en faveur de la société annonceur, pour promouvoir une gamme de rouges à lèvres.

Le visuel publicitaire en cause présente une bouche de femme entrouverte, dirigée vers le haut et maquillée de rouge à lèvres ; un bâton de rouge est disposé entre ses lèvres.

Le texte accompagnant cette image est : « Bite me – Goûtez au plaisir de nos 8 textures ».

2. Les arguments échangés

– Les plaignants considèrent que cette publicité est sexiste en ce qu’elle réduit la femme à la fonction d’objet sexuel, l’image évoquant un acte de fellation.

– La société annonceur a, par courrier recommandé avec avis de réception du 30 juillet 2018, été informée des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle regrette vivement l’interprétation qui a pu être faite de la publicité visée. L’intention derrière ce visuel publicitaire était tout autre. En effet, le visuel concerné s’inscrivait dans le cadre d’une campagne de publicité mondiale dont le thème évoque la gourmandise. Les autres visuels de cette campagne comportent par exemple les messages « yummy » (« miam ») ou encore « tasty » (« savoureux »). Ce champ lexical de la gourmandise associé aux visuels très colorés et à l’invitation « Goûtez au plaisir de nos huit textures » devait donner envie à la clientèle de tester les différents rouges à lèvres de la collection. La marque de l’annonceur est en effet notamment reconnue pour les différentes textures de sa gamme de rouges à lèvres et c’est ce qui avait motivé l’initiative du thème de la gourmandise pour cette campagne publicitaire.

La société annonceur réitère ses regrets quant à l’interprétation erronée qui a été faite de sa publicité, d’autant plus qu’une des valeurs de sa marque est de célébrer la diversité et l’individualité, quels que soient l’âge, la couleur de peau ou le sexe. Elle affirme ne jamais promouvoir de manière volontaire d’images ou de visuels publicitaires à caractère sexiste et/ou dégradant pour l’image de la femme.

Cela étant, elle comprend en quoi ce visuel publicitaire a pu faire l’objet de cette interprétation malheureuse et le groupe auquel appartient l’annonceur prend ce sujet très sérieusement. A réception du courrier du Jury de déontologie publicitaire, elle a immédiatement retiré la publicité visée et fait part du sujet au niveau du groupe afin d’engager une réflexion sur les diverses interprétations qui peuvent être faites des visuels publicitaires et sur l’image et les valeurs que la société souhaite véhiculer. Elle assure, de plus, de sa conformité aux règles éthiques et de déontologie de la publicité.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :

« 1.1. La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.

2.1. La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet ».

Le Jury relève que la publicité en cause montre une bouche de femme, tournée vers le haut, maquillée, resserrée autour d’un bâton de rouge à lèvres ouvert, accompagnée du texte « Bite me – Goûtez au plaisir de nos 8 textures ».

Il estime que le cadrage et la présentation de cette image évoquent inévitablement un acte de fellation, ce que l’ambiguïté du slogan partiellement en anglais vient renforcer auprès du public francophone. L’image présentée s’appuie ainsi sur une utilisation sexualisée du corps de la femme, qui la réduit à la fonction d’objet sexuel et porte atteinte à sa dignité, et peut être de nature à heurter la sensibilité du public.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause ne respecte pas les points précités de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP.

Avis adopté le 7 septembre 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Acker, Benhaïm, Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.