Avis JDP n° 602/19 – TRANSPORTS FRIGORIFIQUES – Plainte fondée

Avis publié le 4 novembre 2019
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 25 juillet 2019, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée par voie d’affichage mobile, à l’arrière d’un camion de l’entreprise annonceur, pour promouvoir ses remorques frigorifiques.

Le visuel publicitaire en cause présente, sur une des deux portes du panneau arrière de la remorque d’un camion frigorifique, l’image des fesses et des cuisses d’une femme portant un string. Une main portant un gant clouté est posée sur l’une des fesses.

Le texte accompagnant ce visuel est « Le poids qu’il faut, là où il faut ! ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant considère que cette publicité véhicule une image dégradante de la femme. Le gant clouté et la pression exercée sur le corps renforcent l’impression d’agression du corps féminin. Cette image ne présente, de plus, aucun rapport avec l’objet de la publicité.

– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 9 septembre 2019, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a également été informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Elle a présenté des observations en réponse, faisant valoir que si le véhicule arbore en effet une fresque intégrant des éléments que l’on peut rattacher à une saga publicitaire de la marque, dont les différents visuels sont parus entre 2010 et 2014, il y a plus de cinq ans, ces campagnes ont été réalisées uniquement en print et web dans la presse spécialisée “Transport” à l’époque et ne sont plus actives.

La société souligne en outre qu’aucun des visuels dont elle est à l’origine n’a mis en scène de main d’homme sur les fesses d’une femme.

Elle ajoute que le véhicule avec sa décoration, semble, d’après les premières lettres d’immatriculation que l’on peut y deviner, dater également de cinq à six ans au minimum. Il ne s’agit pas d’un véhicule appartenant à sa société puisque la société est effectivement constructeur de véhicules frigorifiques mais n’en opère pas pour son propre compte. La société annonceur en déduit que la décoration, si elle reprend certains codes de la campagne passée, est attribuable à la libre expression d’un tiers sur un véhicule appartenant à ce tiers. La filiation est donc indirecte.

Cette reprise n’étonne pas le responsable de la société car cette campagne thématique, fondée sur le second-degré et l’auto-dérision envers les clichés dont est victime la profession du transport routier, a connu à l’époque un très grand succès.

En conséquence, la société considère ne pas être concernée par la plainte.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

« 2-1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2-2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la publicité en cause présente, sur une des deux portes du panneau arrière de la remorque d’un camion frigorifique, l’image des fesses et des cuisses d’une femme portant un string. Une main portant un gant clouté est posée sur l’une des fesses.

Le texte accompagnant ce visuel est « Le poids qu’il faut, là où il faut ! ».

Le Jury constate que cette publicité est clairement associée à la marque du nom de l’annonceur, dont le nom figure en larges caractères sur la bavette en caoutchouc présente sur toute la largeur du bas de la remorque. Même si la publicité figure sur un véhicule n’appartenant pas à cette société, elle continue donc d’être active et, à ce titre, soumise aux règles de déontologie es recommandations de l’ARPP.

La représentation érotique de l’image centrée sur les fesses d’une femme en string est ici accentuée par le fait qu’une main portant un gant clouté appuie sur le rebondi de la fesse et que l’ensemble est accompagné du texte « Le poids qu’il faut, là où il faut ! », lequel renvoie au poids de la femme et à celui du camion.

Dans ces conditions, cette publicité qui utilise la femme comme objet sexuel pour promouvoir une entreprise de construction de véhicules porte atteinte à la dignité de la femme.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît le point 2 de la Recommandation précitée.

Avis adopté le 4 octobre 2019 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Leers et Lucas-Boursier.