LA ROCHE POSAY – Internet – Plainte fondée

Avis publié le 9 novembre 2020
LA ROCHE POSAY – 672/20
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le plaignant et les représentants de la société L’Oréal France, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 26 juin 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur Internet en faveur de la société La Roche Posay, pour promouvoir ses produits cosmétiques.

La publicité en cause, référencée dans le moteur de recherche Google, comporte les mentions : « Annonce – www.laroche-posay.fr/creme-solaire/soins-corps – Respectueux du milieu marin – Protection crème solaire – Haute protection des peaux sensibles au soleil, renforcée contre les UVA. La Roche-Posay… ».

2. La procédure

Par courriel du 3 août, la société L’Oréal a fait valoir que, compte tenu du délai très court qui lui était imparti pour communiquer ses observations, dans une période marquée par la crise sanitaire et les congés d’été, elle ne serait pas en mesure de préparer les éléments de réponse et a sollicité un report d’examen de l’affaire.

En conséquence, l’examen de l’affaire, initialement inscrite à la séance plénière du Jury du 10 septembre 2020, a été reporté à la séance du 2 octobre 2020. 

La société a proposé la mise en œuvre de la procédure de règlement amiable prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury. Toutefois, le plaignant, à qui cette proposition a été transmise, n’a pas souhaité y donner suite. 

3. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que cette publicité payante apparait en deuxième position sur le moteur de recherche Google France lorsque l’on saisit les mots-clés « crème solaire responsable ».

Il indique que, hormis le produit conditionné dans un « tube éco-responsable », la page du site internet à laquelle renvoie le lien hypertexte contenu dans la publicité mise en cause ne comporte aucune explication sur le caractère « respectueux du milieu marin » allégué.

Cette publicité méconnaît en conséquence les points 2, 3 et 6 de la Recommandation « Développement durable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

La société La Roche-Posay a été informée, par courriel avec accusé de réception du 30 juillet 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

La société observe à titre liminaire qu’elle n’a pas eu connaissance d’une date limite pour produire ses observations.

Elle indique que le slogan « Respectueux du milieu marin » se réfère à sa démarche de recherche et de développement de produits solaires dont l’impact sur l’environnement marin se veut le plus neutre possible, ce que confirment les tests réalisés. Le terme « respectueux » ne vise pas à revendiquer un résultat ou une absence d’impact, mais témoigne d’une préoccupation et d’un effort pour ne pas porter atteinte à l’environnement. Elle précise qu’elle ne prétend pas que ses produits n’auraient aucun impact sur le milieu marin, mais seulement qu’elle offre de solides garanties à cet égard.

Elle conteste l’absence d’explicitation du slogan litigieux en indiquant que la démarche de La Roche Posay est présentée sur son site internet, à l’adresse suivante : https://www.laroche-posay.fr/article/les-cremes-solaires-anthelios-de-la-roche-posay-respectueuses-du-milieu-marin/a39067.aspx.

Elle précise enfin que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et l’ARPP considèrent que cette allégation ne constitue pas un manquement mais suscite tout au plus une réserve.

4. L’analyse du Jury

A titre liminaire, le Jury rappelle que les exigences du caractère contradictoire de la procédure devant lui imposent nécessairement aux personnes intéressées de produire leurs observations écrites suffisamment en amont de la séance, afin que leur(s) contradicteur(s) puisse(nt) en prendre connaissance en temps utile et, le cas échéant, y répondre. En l’espèce, les observations produites par la société La Roche Posay le 28 septembre 2020 ont été prises en compte par le Jury, qui estime que le plaignant, qui a pu s’exprimer lors de la séance du 2 octobre suivant, a disposé d’un délai suffisant, eu égard à leur teneur, pour les contester utilement.

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, dans sa version applicable à la date de diffusion de la publicité litigieuse, prévoit :

  • au titre de la véracité des actions, que : « 1. La publicité ne doit pas induire en erreur le public sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable (…) » ;
  • au titre de la proportionnalité des messages, que : « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose. »
  • au titre de la clarté du message, que : « 1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses produits présentent les qualités revendiquées ».
  • au titre du vocabulaire, que : « 3. Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”. »

Le Jury relève, en premier lieu, que la publicité litigieuse fait état de produits « respectueux du milieu marin », sans que ni le bandeau publicitaire, ni la page du site internet à laquelle il renvoie ne permette de comprendre, à la date de la diffusion critiquée, en quoi ces produits présenteraient la qualité ainsi revendiquée, comme l’exige le point 3.1. de la Recommandation « Développement durable ». Le Jury prend note qu’il a été remédié à ce problème ultérieurement par un renvoi à une page explicative.

En second lieu, si la société produit un document récapitulant les résultats de tests et faisant état de l’absence d’incidence négative de certaines de ses crèmes solaires sur les milieux aquatiques, le Jury constate qu’elle déclare elle-même ne pas prétendre que ces produits seraient dépourvus d’incidence sur le milieu marin. De fait, il est admis que les filtres UV qu’ils contiennent peuvent former une pellicule grasse à la surface de l’eau, source de perturbations pour l’écosystème marin. En outre, les interactions entre les ingrédients des crèmes solaires et le milieu marin peuvent considérablement différer selon les caractéristiques de ce dernier, ce qui conduit à relativiser les résultats des tests effectués.

Or le terme « respectueux », en particulier lorsqu’il est appliqué à l’environnement ou à l’une de ses composantes, est spontanément compris par la majorité du public comme signifiant que le produit ou le service ainsi valorisé n’entraîne pas de nuisance écologique significative ou, au moins, directe. Et s’il est vrai que la volonté de respecter n’exclut pas la possibilité de causer un dommage involontaire, les risques associés aux filtres UV sont connus et avérés.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions déontologiques précitées. Il précise, en réponse aux observations présentées par la société, qu’il résulte des termes mêmes du bilan « Publicité et environnement » qu’une « réserve » au sens de ce bilan traduit une méconnaissance des règles déontologiques, quoique de gravité moindre qu’un « manquement » (« Une réserve n’est pas un manquement. Les publicités qui ont fait l’objet d’une réserve plutôt qu’un manquement renvoient à des cas où le non respect des normes en vigueur semble moins grave et/ou périphérique par rapport au message principal », 10ème bilan, p. 31).

Avis adopté le 2 octobre 2020 par M Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.

Pour visualiser les publicités La Roche Posay, cliquez ici et ici.