Avis publié le 20 mars 2020
LA REVUE SCOUTE – 635/20
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 décembre 2019, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, diffusée en presse, en faveur de l’agence Acte 5, pour son spectacle « L’écolo chie que dans les prés/ La Revue Scoute 2020 ».
La publicité en cause montre le dessin d’un personnage constitué de fesses nues portant un bonnet, deux nattes et des chaussures, accroupi dans un décor de nature, de couleur verte, comportant de l’herbe et des fleurs. Un panneau « Skolstrejk för Klimatet » est posé à côté de ce personnage.
Les textes accompagnant cette image sont « La Revue Scoute 2020 », « L’écolo chie que dans les prés », « Spectacle d’humour en français » inscrit sur l’une des fesses du personnage, ainsi que les informations relatives au spectacle.
2. Les arguments échangés
– Le plaignant estime que cette publicité est sexiste et insultante à l’égard d’une personnalité médiatique mineure. L’image montrant le corps de femme, tronqué et nu, qui se réduit à deux énormes fesses, fait explicitement référence à une personne publique, d’origine étrangère, mineure et autiste, Greta Thunberg. Le caractère provocateur et scatologique n’en exclut pas le sexisme. Le jeu de mots, jouant sur l’accent alsacien, n’est pas en rapport avec la fleur représentée qui n’est en rien une colchique, mais bien avec la représentation dégradante du corps féminin.
– L’agence Acte 5 a été informée par courrier recommandé avec avis de réception du 10 janvier 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle fait valoir que la Revue Scoute est une revue de cabaret satirique qui se produit avec succès en Alsace depuis 1979. De nature et de tradition irrévérencieuse et politiquement incorrecte, elle use de la satire avec enthousiasme. Son objectif est une critique moqueuse de son sujet (des individus, des organisations, des États…) dans l’intention de provoquer, de prévenir un changement ou de porter à réfléchir. Dans la lignée des affiches de la Revue Scoute, l’édition 2020 est un dessin satirique et se sert de l’humour et de la moquerie pour dénoncer, questionner avec gaieté et malice.
L’agence estime que le dessin, certes naïf et mordant, revêt un caractère poétique certain et n’a d’autre objectif que l’affirmation de la question de l’écologie au cœur du débat d’intérêt général. Elle ajoute que la Revue Scoute 2020 dénonce ainsi les pratiques du « greenwashing » en reprenant un symbole de l’écologie actuelle et défend, en ce sens, les Recommandations de l’ARPP en évoquant le marketing faussement écologique.
Cela relève de la nécessaire liberté de ton des artistes et des humoristes.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :
« 1.1. La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.
2.2. La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. (…) ».
Et la Recommandation « Enfant » de l’ARPP prévoit que :
« 3.1. La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, de choquer ou de provoquer en propageant une image de l’enfant portant atteinte à sa dignité ou à la décence. »
Le Jury relève que la publicité en cause montre, pour promouvoir le spectacle « L’écolo chie que dans les prés » de « La Revue Scoute 2020 », le dessin d’un personnage constitué de fesses nues portant un bonnet, deux nattes et des chaussures, accroupi dans un décor de nature, de couleur verte, comportant de l’herbe et des fleurs. Un panneau « Skolstrejk för Klimatet » est posé à côté de ce personnage.
Si cette affiche a pour but de promouvoir un spectacle satirique autour des questions de l’écologie et du « greenwashing », en utilisant pour ce faire une caricature de Greta Thunberg, reconnaissable à ses nattes et à son panneau en suédois, qui pour illustrer le titre du spectacle « l’écolo chie que dans les prés », est accroupie dans un pré, entourée de fleurs, il n’en reste pas moins que la caricature en question représente une jeune fille, mineure, par une énorme paire de fesses dénudées.
Cette représentation réduit ainsi la femme – en l’occurrence une jeune militante écologiste mineure – uniquement à ses fesses, ce qui porte atteinte à sa dignité et constitue une représentation sexiste et dégradante.
En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la campagne de publicité en cause méconnaît les points précités des Recommandations « Image et respect de la personne » et « Enfant » de l’ARPP.
Avis adopté le 7 février 2020 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.
