Avis JDP n° 530/18 – LAVAGE AUTO – Plainte fondée

Avis publié le 31 juillet 2018
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 21 mai 2018, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur le lieu de vente, en faveur d’un événement organisé par son centre de lavage automobile.

Le visuel publicitaire en cause présente une femme en maillot de bain, de dos, portant des chaussures à talons hauts, qui se tient penchée au dessus du capot d’une voiture en partie enduit de mousse à laver. A l’arrière plan, un homme en short et torse nu tient un tuyau pour rincer la voiture. En bas à gauche de ce visuel figure le dessin d’une femme de type « pin-up » appuyée sur un modèle de véhicule américain des années 50.

Le texte accompagnant cette image est « Show …Car Wash – Samedi 2 juin 20h/22h ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant considère que cette affiche est sexiste, vulgaire et dégrade l’image de la femme dans les medias. Il indique que le contenu du show est ambigu.

Il ajoute que l’affiche est visible depuis la rue principale, donc exposée au plus grand nombre, y compris aux enfants. Elle alimente les stéréotypes de genre en présentant la femme dans une situation réductrice, en femme-objet, sous domination (l’homme sur l’affiche est en distance et semble diriger les opérations de lavage, jetant un œil sur la femme), au moment de « l’affaire Weinstein » et alors que les pouvoirs publics prônent l’égalité femmes/hommes.

Ce commerce de station de lavage joue sur les clichés les plus dégradants, alors même que ce commerce semble co-géré par une femme.

Ces images restent et frappent les esprits, notamment ceux des plus jeunes, qui vivront avec ces images et qui ne seront pas surpris de voir des femmes dans une position de dépendance et d’infériorité sexuelle, même sous couvert de publicité pour vanter un produit. Le plaignant déplore cette image de la femme présente partout (pubs, clips de rap, fictions et Internet) banalisant ce type de représentations.

Selon lui, ce type d’image fait de gros dégâts et la banalisation des violences conjugales vient en partie de ces stéréotypes sexistes.

– La société annonceur a, par courrier recommandé avec avis de réception du 6 juin 2018, été informée de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Elle n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :

« 2-1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2-2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la publicité en cause présente une jeune femme de dos, cheveux libres, qui se tient penchée au-dessus du capot d’une voiture en partie enduit de mousse à laver. Son corps présente plusieurs tatouages et elle porte un maillot de bain très échancré, de type « string », dont on voit la ceinture et l’attache dorsale du soutien-gorge. Elle est chaussée sandales à talons hauts argentées. L’image, en lègère contre-plongée, joue avec un reflet de lumière qui met en évidence le déhanché de la jeune femme et son postérieur en gros plan central. A l’arrière plan, un homme musclé, en short et torse nu, tient un tuyau pour rincer la voiture. En bas à gauche de ce visuel figure le dessin d’une femme de type « pin-up » des années 1950, appuyée sur un modèle de véhicule américain de la même époque.

Ce visuel, dans cette mise en scène photographique centrée sur les fesses de la jeune femme, présente celle-ci comme un objet sexuel, à l’appui d’une publicité destinée à promouvoir le lavage de véhicules.

Cette instrumentalisation de l’image de la femme la réduit ainsi à la seule fonction d’objet sexuel et porte atteinte à sa dignité.

En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions de la Recommandation précitée.

Avis adopté le 6 juillet 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Acker, Benhaïm, Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.