Avis JDP n°488/17 – DISTRIBUTION – Plainte fondée

Avis publié le 28 décembre 2017
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 26 octobre 2017, d’une plainte émanant de la Chef de service d’une Unité psychiatrique de soins de suite et de réadaptation d’un établissement situé dans le département du Gard, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée par publipostage, par l’annonceur, pour promouvoir ses articles de déguisements d’Halloween.

Cette publicité présente, sur fond rouge, plusieurs articles tels que masques effrayants, cagoules, bannières, etc. En haut de la publicité figure le terme « Psychotik », inscrit en caractères majuscules, à la peinture blanche.

2. Les arguments échangés

– La plaignante estime que cette publicité, qui propose des déguisements de tueurs, associés au mot « psychotik », stigmatise les personnes souffrant de psychoses. Elle ajoute qu’il n’est pas admissible d’associer ces malades à des gens violents et que cette publicité est discriminatoire voire injurieuse.

Elle ajoute que son établissement de santé accompagne des jeunes psychotiques dans un projet de vie personnalisé et que l’équipe de soins a été profondément choquée par le document diffusé, portant atteinte à la dignité des patients psychotiques. Elle souligne que ces personnes sont généralement victimes des autres et non pas des personnes agressives, voire dangereuses comme le suggère la publicité. Elle estime regrettable que cette publicité puisse venir renforcer le rejet subi par les malades atteints de maladies psychiques, ce qui généralement ne leur permet pas de trouver facilement une place dans notre société.

Selon elle, cette publicité ne respecte pas les dispositions du Code ICC sur les pratiques de publicité et de communication commerciale inhérentes à la dignité et la décence de la personne humaine.

– La société a été informée de la plainte, dont copie lui a été transmise, et des dispositions dont la violation est invoquée, par courrier recommandé avec avis de réception du 6 novembre 2017.

Son représentant explique que seul le masque de Hannibal Lecter pourrait recevoir la qualification donnée par la plaignante de masques de « tueurs », mais que celui-ci est un personnage de pure fiction.

Il souligne que le terme en cause n’est pas ici utilisé par référence à l’état pathologique des malades psychotiques mais plutôt à la notion de psychose au sens de peur panique collective, toute relative au moment d’Halloween, que ces masques et accessoires peuvent produire. En outre, s’ils peuvent susciter, par effet de surprise, la « peur » par leur apparence morbide ou simplement inquiétante, les masques ne font pas référence à la violence mais plutôt au Grand-Guignol. Le contexte d’Halloween conduit, là-aussi, nécessairement à prendre en considération cette dimension plutôt que celle de la violence.

La société annonceur ajoute que vouloir interpréter la publicité en question comme le fait le plaignant ne correspond à aucune réalité objective mais relève d’une approche très orientée, celle de personnels de santé impliqués dans le traitement des malades psychotiques. Ce n’est nullement la perception du public auquel s’adresse cette publicité, ce dont attestent les réactions de plusieurs personnes auxquelles a été présentée la page du prospectus : aucune ne cite spontanément ni la violence ni l’association avec des personnes psychotiques. Selon lui, la majorité du public fait preuve d’un recul suffisant pour ne pas faire cette association, ce qui tient aussi à ce que le terme utilisé présente une orthographe différente.

Par conséquent, la société considère qu’il n’y a pas lieu de considérer que cette publicité contrevient à la Recommandation « Image et respect de la personne ».

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

« 2. Stéréotypes.

2.2. La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance de sexisme.»

Par ailleurs, l’article 2 du code ICC consolidé sur les pratiques de communication commerciale prévoit que : « La communication commerciale doit respecter la dignité humaine et ne doit encourager ou cautionner aucune forme de discrimination, y compris celle fondée sur la race, l’origine nationale, la religion, le sexe, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle ».

Le Jury relève que la publicité figurant sur le catalogue du magasin, envoyé par publipostage, qui promeut des déguisements pour la fête d’Halloween, présente, sur fond rouge, plusieurs articles – masques effrayants, cagoules, bannières, accessoires tels que couteau ensanglanté etc. – sous le titre « PSYCHOTIK », inscrit en caractères majuscules, à la peinture blanche, dégoulinante.

Cette présentation, qui se réfère à l’imaginaire des films d’horreur, donne pour titre le terme « Psychotik » à la page du catalogue présentant des masques de tueurs ou de squelettes. Elle associe par conséquent psychose, danger, violence et crimes. Elle utilise ainsi un stéréotype dégradant et humiliant pour les personnes atteintes de psychose. Ce faisant, la publicité en cause porte atteinte à la dignité de ces personnes et cautionne les comportements discriminatoires dont elles peuvent être victimes.

Peu importe, à cet égard, que le terme utilisé dans la publicité n’ait pas la même orthographe que le terme désignant cet état pathologique et qu’une partie du public puisse comprendre que les personnes atteintes de psychose ne sont pas visées par cette publicité.

Par conséquent, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les points 2-2 et 2-3 de la Recommandation Image de la personne de l’ARPP.

Avis adopté le 1er décembre 2017 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Lieber, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM. Carlo, Depincé, Lacan et Leers.