Avis JDP n° 519/18 – EQUIPEMENT DE LA MAISON – Plainte fondée

Avis publié le 23 mai 2018
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, d’une part, entre le 5 et le 7 mars 2018, de quatre plaintes émanant de particuliers, et d’autre part, le 6 mars 2018, d’une plainte émanant de l’Association Culture Egalité, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire en faveur de sociétés proposant des éviers.

Le visuel publicitaire en cause présente une jeune femme noire souriante, très maquillée, tête penchée en arrière et bouche entrouverte. Elle porte un haut noir, sans bretelles, le haut de son buste étant dénudé. Les textes accompagnant cette image sont « Vas-y … c’est bon » ou « … c’est bien ! », suivis des mentions « Nouvelles gammes d’évier », « Aveta et Ondaline, 2 matériaux – 3 tailles – 4 coloris ».

2. Les arguments échangés

– Les plaignants considèrent que ce visuel est sexiste, dégradant pour les femmes en ce qu’il est sans lien avec l’objet de la publicité.

L’Association Culture Egalité ajoute que le slogan fait référence à la chanson de Francky Vincent « Vas-y Francky, c’est bon », chanson éminemment sexiste et machiste. Cette publicité véhicule donc une image dégradante des femmes : posture aguichante pour un évier de cuisine, avec le sous-entendu que les femmes doivent être sexy dans les tâches qui leurs sont assignées, comme à la cuisine, et à la disposition de la marque.

– Les sociétés annonceurs ont, par courrier recommandé avec avis de réception du 14 mars 2018, été informées des plaintes dont copies leur ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elles ont été également informées que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

L’une des sociétés fait valoir que cette publicité voulait seulement se placer sur le terrain de la plaisanterie légère par un pastiche de la chanson « Fruit de la passion » de Francky Vincent, en exploitant la résonance entre la marque proposée et le refrain de la chanson. Elle ajoute qu’il faut prendre en compte le contexte des Antilles où a été diffusée la publicité, le chanteur Francky Vincent étant originaire de la Guadeloupe où ses chansons font partie de la culture populaire locale.

Elle indique que cette chanson a déjà été utilisée en matière publicitaire sans susciter de réprobation (cf. récemment une campagne publicitaire, dans un spot où une jeune femme utilise le refrain « Vas-y, …, c’est bon »).

L’attention de la Direction n’a cependant pas été alertée sur l’utilisation de l’image d’une jeune femme dans le visuel de la publicité en cause. L’annonceur reconnaît que cette publicité est en contradiction avec les valeurs de la société qui est présente depuis 20 ans aux Antilles et n’a jamais eu d’antécédent de la sorte. Aussi, il a pris les mesures pour retirer toutes les PLV et annuler toutes les utilisations à venir de ce visuel. La société présente ses excuses à toutes les personnes qui ont été choquées et s’engage à plus de vigilance à l’avenir.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

« 2-1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2-2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la publicité en cause présente une jeune femme noire souriante, très maquillée, tête penchée en arrière et bouche entre-ouverte. Elle porte un haut noir, sans bretelles, le haut de son buste étant dénudé, et pose la main sur son cou. Les textes accompagnant cette image sont « Vas-y… c’est bon » ou « ….c’est bien ! », suivis de mentions relatives aux nouvelles gammes d’évier proposées par les sociétés annonceurs.

Ces visuels publicitaires se réfèrent au refrain de l’une des chansons les plus connues de Francky Vincent, à caractère ouvertement sexuel. La jeune femme sur l’image apparaît ainsi présentée, par le biais de cette référence à la chanson, comme un objet sexuel, à l’appui de publicités destinées à promouvoir des éviers.

Cette instrumentalisation de l’image de la femme la réduit ainsi à la fonction d’objet sexuel et porte atteinte à sa dignité.

En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions de la Recommandation précitée.

Avis adopté le 13 avril 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, MM. Acker, Benhaïm, Leers et Lucas-Boursier.