Avis JDP n° 584/19 – PARFUMEUR – Plainte fondée

Avis publié le 5 août 2019
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société annonceur et de l’agence de communication,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 14 mai 2019, d’une plainte émanant de l’association France Nature Environnement, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de vidéos diffusées sur Internet, à l’initiative de la société annonceur, pour un parfum.

Le film publicitaire en cause, associé au texte « Offrez l’élégance de X avec l’Eau de Parfum, Célébrez la Fête des Mères avec l’Eau de Parfum X, une fragrance florale et intemporelle », porte sur une eau de parfum. Diffusé sur Facebook, il montre une femme, au volant d’une voiture décapotable, quittant la route pour emprunter un chemin à travers champs et rejoindre le bord de mer. Avec en arrière-plan la mer et des falaises lointaines, le véhicule exécute des virages avant de s’immobiliser devant des vagues déferlant sur le rivage. La scène finale la montre la jeune femme de dos, debout sur le capot de la voiture, regardant vers la mer en brandissant un foulard qui flotte au vent. Sur cette scène, le véhicule est positionné au centre de l’image, devant la mer : toute la partie horizontale correspondant à la hauteur de la voiture est occupée par l’écume des vagues, au-dessus se situe une fine bande de mer puis le ciel ; devant le véhicule, du bas de la carlingue jusqu’au premier plan, s’étend la surface grise où circulait le véhicule. Sur le même plan que ce véhicule, à équidistance à une dizaine de mètres devant et derrière lui, se trouvent deux plots bas et gris.

2. Les arguments échangés

– L’association France Nature Environnement indique que, dans la vidéo, une voiture circule sur une plage. Or, une plage ne constitue pas une voie praticable ouverte à la circulation des véhicules terrestres à moteur.

Les dispositions du e) de l’article 9 « Impacts citoyens » de la Recommandation thématique sur le développement durable de l’ARPP, relatif aux impacts éco-citoyens, précisent que la représentation des véhicules en milieu naturel devra clairement les positionner sur des voies ouvertes à la circulation des véhicules terrestres à moteur. Le doute ne peut donc pas être possible quant à la nature du terrain emprunté par le véhicule, ce qui n’est absolument pas le cas en l’espèce.

Selon l’association, le fait de diffuser une vidéo publicitaire faisant la promotion d’un parfum, en montrant la circulation d’un véhicule terrestre à moteur dans un espace naturel, tel que la plage, tend clairement à banaliser, voire à valoriser, des comportements contraires aux objectifs de développement durable. Elle considère que tout client potentiel est conduit à imaginer que la circulation dans de tels espaces est autorisée et, surtout, qu’elle est sans conséquence pour l’environnement et que, par conséquent, la diffusion d’une telle vidéo, qui relaie une représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources, méconnaît également les dispositions du a) de l’article 9 relatif aux impacts écocitoyens des publicités.

Enfin, l’association soutient que cette publicité méconnaît également les dispositions du b) de l’article 9.1, en ce qu’elle suggère des agissements manifestement inconséquents et irresponsables en incitant les clients à reproduire un comportement nocif pour l’environnement, mais également dangereux pour autrui et pour eux-mêmes. En conséquence, cette publicité contreviendrait aux dispositions du b) de l’article 9 relatif aux impacts écocitoyens.

– La société annonceur ainsi que l’agence de communication ont été informées, par courrier recommandé avec avis de réception du 11 juin 2019, de la plainte dont copie leur a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

L’annonceur et l’agence s’associent pour faire valoir que le lieu en cause est, en réalité, une zone bétonnée (un ancien parking), le long duquel des plots ont été ajoutés afin d’éviter toute confusion dans l’esprit du public sur la nature du terrain, ainsi que cela résulte des photographies du tournage qu’elles joignent à leur réponse.

La société annonceur insiste sur son attachement au respect des Recommandations de l’ARPP.

L’agence indique qu’elle avait reçu un avis favorable de l’ARPP dans le cadre de la soumission d’un projet de film télévisé à propos d’une version voisine de la vidéo.

Dans leurs observations devant le Jury, les représentantes de l’agence et de l’annonceur ont insisté sur le fait que la contrainte artistique d’un film en noir-et-blanc et l’esprit onirique recherché n’avaient pas permis de mettre en évidence l’aspect bétonné du parking, mais que le véhicule circulait bien sur un parking, et qu’il s’agissait d’un quiproquo. Elles ont souligné qu’à aucun moment il n’avait été question de méconnaître la Recommandation de l’ARPP.

4. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP prévoit dans son point 9 « Impacts éco-citoyens » que :

« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant compte notamment de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité.

9.1. La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité, pollution de l’air, de l’eau ou des sols, changement climatique etc.), sauf dans le cas où il s’agit de le dénoncer.

b/ La publicité ne saurait inciter, directement ou indirectement, à des modes de consommation excessive (…). Elle ne saurait suggérer ou cautionner des agissements manifestement inconséquents ou irresponsables.

[…]

e/ La représentation, sous quelque forme que ce soit, de véhicules à moteur en milieu naturel devra clairement les positionner sur des voies ouvertes à la circulation. »

Le Jury relève que le film publicitaire en cause porte sur une eau de parfum. Diffusé sur Facebook, il montre une femme, au volant d’une voiture décapotable, quittant la route pour emprunter un chemin à travers champs et rejoindre le bord de mer. Avec en arrière-plan la mer et des falaises lointaines, le véhicule exécute des virages avant de s’immobiliser devant des vagues déferlant sur le rivage. La scène finale la montre la jeune femme de dos, debout sur le capot de la voiture, regardant vers la mer en brandissant un foulard qui flotte au vent. Sur cette scène, le véhicule est positionné au centre de l’image, devant la mer : toute la partie horizontale correspondant à la hauteur de la voiture est occupée par l’écume des vagues, au-dessus se situe une fine bande de mer puis le ciel ; devant le véhicule, du bas de la carlingue jusqu’au premier plan, s’étend la surface grise où circulait le véhicule. Sur le même plan que ce véhicule, à équidistance à une dizaine de mètres devant et derrière lui, se trouvent deux plots bas et gris.

Le Jury rappelle tout d’abord que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP est transversale et ne s’applique pas uniquement aux publicités qui promeuvent des voitures. Il souligne ensuite que la conformité d’une publicité aux règles déontologiques, et en particulier à cette Recommandation, s’apprécie au regard du résultat perceptible par le spectateur à qui elle est destinée et non en considération de l’intention supposée de son auteur.

Le Jury constate que l’apparence de la surface sur laquelle roule le véhicule avant de s’immobiliser devant des vagues déferlant sur un rivage est celle d’une plage.

Tout en reconnaissant que l’agence et l’annonceur ont fait l’effort d’ajouter deux plots bas, supposés matérialiser un espace de parking en surplomb de la mer, le Jury relève que la présence de ces plots, discrets, qui apparaissent un court instant et à longue distance, ne permet pas, dans des conditions normales de visionnage, de contredire la perception selon laquelle la voiture circule sur une plage, à quelques mètres de la mer.

Dans la dernière partie du film promotionnel diffusé sur Facebook, le véhicule apparaît donc manifestement positionné sur un milieu naturel et non sur une voie ouverte à la circulation.

En outre, le Jury considère que, ce faisant, la vidéo banalise une pratique contraire aux objectifs du développement durable par la représentation qu’elle donne de la conduite d’un véhicule sur un lieu protégé dans des conditions de nature à endommager la biodiversité et polluer la plage.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la vidéo publicitaire en cause méconnaît les points précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 5 juillet 2019 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.