Avis JDP n° 589/19 – LABORATOIRE PHARMACEUTIQUE /COMMUNICATION D’INFLUENCE – Plainte fondée

Avis publié le 10 octobre 2019
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu l’influenceuse;
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 19 juin 2019 d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une communication publiée sur un réseau social, à l’initiative d’une influenceuse.

Cette communication se présente sous la forme d’un post publié sur la page Instagram de cette influenceuse. Le visuel montre une jeune femme allongée au sol, sur un tapis, tenant deux tubes de médicaments homéopathiques, un bleu et un vert, sept autres tubes, orange, vert et bleus étant disposés autour d’elle.

Cette photographie est accompagnée du texte « ….Toute mon enfance mes parents m’ont soignée à l’homéopathie. Aujourd’hui, je l’utilise le plus souvent possible avec mes enfants. Ma fille est particulièrement réactive. Je n’ai rien contre les médicaments traditionnels mais si je peux éviter, je préfère. J’apprends avec tristesse qu’il est question de dérembourser l’homéopathie. A une époque où nous essayons d’offrir une vie plus saine à nos enfants, de leur laisser une planète pas trop abîmée, quel dommage de faire un tel pas en arrière !! Il existe une pétition pour tenter de résister. Je l’ai signée. Si vous vous sentez concernés, je vous invite à le faire. Elle est en lien dans ma bio pendant une semaine. …. homeopathie petition ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant indique que cette publicité correspond à un partenariat rémunéré non signalé, et relève en outre que l’influenceuse admet elle-même, dans une réponse à un message sur son compte Instagram, ne pas avoir mentionné de partenariat par crainte que cela desserve une cause qui lui tient réellement à coeur.

– Le Laboratoire pharmaceutique, annonceur ont été informés, par courrier recommandé avec avis de réception du 29 juillet 2019, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son représentant s’étonne de la teneur de la plainte déposée. Selon lui, la publication en cause ne revêt pas de caractère publicitaire. En effet, toute publicité a pour but de promouvoir un produit ou un service en vue d’en favoriser la vente. Or, la publication de cette influenceuse défend une cause thérapeutique, l’homéopathie, et promeut une campagne d’opinion en faveur du remboursement des médicaments homéopathiques dans leur ensemble. Cela est d’ailleurs mis en exergue par l’influenceuse dans les hashtags utilisés (#….., #homeopathie, #pétition). La photographie accompagnant le texte de la publication atteste bien de l’absence de tout caractère publicitaire du message puisqu’aucun produit n’est identifiable.

Il ajoute que l’embarras du plaignant est d’ailleurs manifeste puisqu’il renseigne le champ « produit » du formulaire en indiquant «Homéopathie ». Aucun produit ni service n’est ainsi désigné, la laboratoire en cause étant une entreprise et l’homéopathie une pratique.

En outre, la plainte mentionne un annonceur alors que ce partenariat a été initié par un collectif qui rassemble dix-huit acteurs de l’homéopathie et notamment des organisations professionnelles, les sociétés savantes, les associations de patients et les entreprises du médicament homéopathique, réunis pour défendre le remboursement de l’homéopathie.

Une agence de communication a été mandatée par le Collectif notamment pour relayer sur les réseaux sociaux une campagne de mobilisation en faveur du maintien du remboursement des médicaments homéopathiques. Des partenariats avec des influenceurs ont été noués dans ce contexte, dont l’influenceuse, pour sensibiliser sur le risque d’un déremboursement des médicaments homéopathiques et relayer des messages de soutien à cette campagne ainsi que l’atteste l’agence de communication.

Ainsi, la publication objet de la plainte n’est en aucun cas une collaboration publicitaire qui aurait été réalisée par les seuls Laboratoires aux fins d’accroître ses ventes de produits.

Il précise qu’en tout état de cause, et bien que ces collaborations ne soient pas publicitaires, le Collectif, dont font partie le laboratoire en cause, est soucieux du respect des recommandations de l’ARPP qui prévoient que les partenariats soient portés à la connaissance du public par les influenceurs, ce qui a été réalisé dans tous les cas à l’exception de la publication de l’influenceuse.

– L’agence de communication, informée de la plainte par l’annonceur, explique qu’elle a été mandatée pour mettre en œuvre la campagne par ce collectif de 18 acteurs représentant l’homéopathie.

Son objectif est de fournir une forte visibilité à la pétition mise en ligne sur le site du collectif à travers différents canaux. Elle a ainsi conseillé au collectif d’utiliser des influenceurs sur les réseaux sociaux pour présenter l’intérêt de cette pétition auprès de différents publics.

Pour ce faire, l’agence a identifié des profils et leur a proposé de poster des contenus permettant de faire connaître le risque d’un déremboursement des médicaments homéopathiques. Il s’agit d’une pratique courante dès lors qu’elle est transparente pour le public.

Elle a collaboré avec 20 influenceurs sur cette campagne. Chaque influenceur devait donc mentionner le caractère rémunéré de ces publications. 19 sur 20 influenceurs l’ont clairement indiqué sur leurs posts respectifs avec les mentions « Partenariat rémunéré avec @m…..» ou #ad ou #collab ou en collaboration avec @………” ou #sponsorisé.

Le cas de l’influenceuse en cause est un oubli de sa part. Elle aurait dû mentionner la nature du partenariat qu’elle avait avec le collectif. Mais la réponse qu’elle a par la suite postée en répondant à un commentaire d’une internaute l’interpellant justement sur ce point montre que les influenceurs qui ont souhaité participer à cette campagne l’ont fait par conviction et non dans un esprit purement commercial.

L’agence regrette cette situation et rappelle son attachement au respect des bonnes pratiques professionnelles.

– Lors de l’audience, l’influenceuse a indiqué qu’elle n’avait pas souhaité faire état immédiatement de la collaboration commerciale, par crainte que cela ne décrédibilise son soutien à une cause qui lui tient vraiment à cœur, mais qu’à la suite d’une question de l’un de ses abonnés, elle a précisé l’existence de cette collaboration dans un message sur son compte Instagram, associé à ce post. Elle ajoute que le seul prérequis de l’agence de communication était d’éviter que la marque apparaisse, le commanditaire de l’annonce étant le collectif.

3. L’analyse du Jury

– Le Jury rappelle que la Recommandation « Communication publicitaire digitale » de l’ARPP dispose, à son point 1.1 Identification de la publicité, que :

« La publicité doit pouvoir être clairement identifiée comme telle, et ce quelle que soit la forme sous laquelle elle se présente. Cette identification peut se faire par tout moyen nettement perceptible permettant de rendre d’emblée non équivoque pour le public la nature publicitaire du message. (…)

b/ cas où le caractère publicitaire du message ne se manifeste pas clairement :

b1 – il est alors recommandé d’adjoindre une indication explicite permettant d’identifier la publicité comme telle. Lorsque le message est diffusé au milieu d’informations ou d’articles rédactionnels, il doit être présenté de manière à ce que son caractère publicitaire apparaisse instantanément. Cette indication doit être lisible ou audible, et intelligible ».

Cette Recommandation de l’ARPP prévoit en outre, dans sa partie « Communication d’influenceurs et marques » que :

« L’existence d’une collaboration commerciale entre un influenceur et un annonceur pour la publication d’un contenu doit dans tous les cas être portée par l’influenceur à la connaissance du public. (…) Pour l’identification de ces communications d’influenceurs réalisées en collaboration avec une marque (…), il est recommandé d’adjoindre une indication explicite permettant de l’identifier comme telle, de manière à ce que ce caractère apparaisse instantanément. Cette identification peut se faire par tout moyen (dans le discours, dans le texte accompagnant le contenu, au moyen d’une mention dans la vidéo…) dès lors qu’elle est portée à la connaissance du public quel que soit son moyen d’accès au contenu ».

Le Jury constate que la communication en cause se présente sous la forme d’un post publié sur Instagram, par l’influenceuse, qui montre la photographie d’une jeune femme allongée au sol, sur un tapis, tenant deux tubes de médicaments homéopathiques, un bleu et un vert, sept autres tubes, orange, vert et bleus, étant disposés autour d’elle.

Cette photographie est accompagnée du texte « Toute mon enfance mes parents m’ont soignée à l’homéopathie. Aujourd’hui, je l’utilise le plus souvent possible avec mes enfants. Ma fille est particulièrement réactive. Je n’ai rien contre les médicaments traditionnels mais si je peux éviter, je préfère. J’apprends avec tristesse qu’il est question de dérembourser l’homéopathie. A une époque où nous essayons d’offrir une vie plus saine à nos enfants, de leur laisser une planète pas trop abîmée, quel dommage de faire un tel pas en arrière !! Il existe une pétition pour tenter de résister. Je l’ai signée. Si vous vous sentez concernés, je vous invite à le faire. Elle est en lien dans ma bio pendant une semaine. homeopathie petition ».

Le Jury relève que ce post ne comprend aucune mention indiquant, sur les tubes ou dans le texte, une référence à la société, de sorte que la publicité n’est pas directement une promotion de celle-ci.

Il relève cependant que, selon le Préambule du Code consolidé de la Chambre de Commerce Internationale sur les pratiques de publicité et de communication commerciale (code ICC), ce code s’applique à l’ensemble de la publicité et des autres formes de communication destinées à la promotion d’un quelconque type de biens ou de services, en ce compris la promotion institutionnelle. La publicité est définie comme « toute forme de communication commerciale pratiquée par les médias, habituellement en échange d’un paiement ou d’une autre contrepartie de valeur ». La « communication commerciale » inclut « la publicité et toute autre technique, telle que la promotion, le parrainage et le marketing direct, et doit être interprété dans un sens large en ce qu’il désigne toute forme de communication produite directement par un professionnel de la communication ou en son nom et destinée principalement à promouvoir un produit ou à influencer le comportement des consommateurs ».

En l’espèce, le Jury relève que le post Instagram en cause promeut une pétition contre le déremboursement de l’homéopathie, portée par un collectif d’acteurs de l’homéopathie qui a fait appel à une agence utilisant des influenceurs dans le cadre d’une relation commerciale rémunérée. Ce post a donc bien un caractère publicitaire.

Le Jury constate cependant que ce post ne comporte pas de mention de collaboration avec le collectif qui a commandité cette campagne. Or, à cet égard, l’absence de mention de la collaboration commerciale sur le post Instagram en cause, qui ne permet pas au public abonné au compte de l’influenceuse d’identifier immédiatement l’existence d’une relation commerciale entre cette dernière et l’annonceur, ne correspond pas aux prévisions de la Recommandation « Communication publicitaire digitale », et particulièrement à celles prévoyant, lorsqu’existe une collaboration commerciale entre un annonceur et un influenceur, qu’une « indication explicite doit permettre de l’identifier comme telle, de manière à ce que ce caractère apparaisse instantanément. »

Par conséquent, le Jury est d’avis que la communication en cause méconnaît les dispositions précitées de la Recommandation Communication publicitaire digitale de l’ARPP.

Avis adopté le 6 septembre 2019 par Mme Lieber, Présidente, Mme Drecq, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier