BMW Série 4 – Internet – Plainte fondée

Avis publié le 31 mars 2021
BMW Série 4 – 723/21
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 19 janvier 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société BMW France, pour promouvoir son modèle de véhicule Série 4.

La publicité en cause, diffusée sur le compte Twitter du président du Directoire de BMW France, montre le véhicule positionné sur une esplanade, devant une structure formant le texte « #I Love Nice ».

Le texte accompagnant cette image est : « Merci à BMW & Ville de Nice de nous envoyer un peu de couleur en cette période grisâtre. Quand une beauté vous donne rdv dans un lieu magique… ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant relève que cette image présente une voiture sur un espace piéton, accessible en franchissant une piste cyclable.

Cette représentation contrevient au code de la route, et donc aux règles déontologiques.

Il ajoute que le retrait a été demandé par plusieurs intervenants sur twitter. L’auteur a réagi en publiant également une photo avec un vélo avec le commentaire “comme ça pas de jaloux“, ce qui est très problématique, à plusieurs titres : d’une part, le vélo et la trottinette n’ont pas non plus le droit d’être sur cet espace piéton. Le représentant de la marque BMW pourrait donc être perçu comme incitant tous les modes (vélo, trottinette et auto) à déroger au code de la route et à rouler sur les trottoirs ; d’autre part, les piétons ne sont pas « jaloux » que les voitures roulent sur les trottoirs. Il s’agit simplement d’un sujet de respect du code de la route et de la vie des usagers « faibles ».

La société BMW France a été informée, par courriel avec accusé de réception du 9 février 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Elle fait valoir que, par le premier message, Vincent Salimon, sur son compte personnel, republiait une image prise par le concessionnaire local dans le cadre d’une opération organisée par la ville de Nice « #I Love NICE » accompagnée du texte « Merci à @BMW & @VilledeNice de nous envoyer un peu de couleur en cette période grisâtre. Quand une beauté vous donne rdv dans un lieu magique ». Dans le second message, Vincent Salimon, en qualité de Président du Directoire de BMW Group France publiait, dans ce même cadre de la baie de Nice, une image -présentant une trottinette et un vélo- accompagnée du message suivant : « Voilà, comme ça pas de jaloux, avec un vélo et une trottinette #BMW, et en plus un beau ciel bleu (smileys) cette fois ci. @BMW Group France favorise toutes les mobilités

Ces messages ne sont pas susceptibles de constituer un manquement à la Recommandation « Automobile » de l’ARPP.

Tout d’abord, ces messages ne sont pas constitutifs d’une publicité. Il ne peut être contesté que le premier message posté par Vincent Salimon, sur son compte personnel, un dimanche soir à 21h37, n’a pas été publié dans le cadre de l’activité commerciale de la société BMW France dans le but de promouvoir la fourniture du véhicule présenté. Cette communication ne peut être considérée comme destinée à permettre à un client potentiel de se faire une opinion sur le véhicule présenté. Il n’y est exprimé aucun point de vue sur le véhicule. Elle ne comporte aucune allégation concernant le véhicule et ne fait la promotion ni du véhicule, ni de la marque BMW.

De plus, le message qui accompagne cette photographie montre que l’intention de communication n’est pas publicitaire. Il s’agit d’un message de bonne humeur et de douceur, qui se veut réconfortant en présentant de belles images dans une période difficile.

La photographie valorise bien plus le paysage, l’opération de la Ville de Nice « #I Love NICE », que le véhicule lui-même.

Vincent Salimon ne fait que relayer une photographie qu’il a appréciée.

La photographie retweetée n’émane pas des comptes officiels de BMW France, mais d’un concessionnaire qui les a réalisées avec l’autorisation de la Ville de Nice ainsi qu’en atteste l’arrêté municipal ci-joint. Vincent Salimon n’a fait que republier cette photographie.

D’autre part, le véhicule n’était pas en contravention avec les règles du code de la route : le stationnement du véhicule photographié sur l’espace piéton a été autorisé par arrêté municipal de la Ville de Nice en date du 13 janvier 2021. Les conditions de déplacement du véhicule aux fins de réalisation de ce tournage ont été encadrées par ledit arrêté afin de sécuriser l’opération et d’avertir les autres usagers. Le véhicule était donc présenté dans un lieu ouvert, par dérogation de l’autorité municipale, à la circulation et respectait les impératifs de sécurité.

En outre, le second message publié par Vincent Salimon, cette fois-ci en sa qualité de Président du Directoire de BMW France, avait, face à l’agressivité de certains commentaires, pour seul objectif de calmer des réactions, parfois excessives, en rappelant le fort engagement de la société BMW dans la mobilité durable et son adhésion à la promotion des mobilités actives dans l’esprit de la loi d’orientation des mobilités.

L’annonceur souligne également que l’examen des photographies concernées permet de constater que seule une personne faisant preuve d’une attention particulière ou qui connaît très bien la ville de Nice était en mesure de réaliser que le véhicule était présenté sur un espace piéton. Il est par ailleurs tout à fait impossible, sans connaître la configuration des lieux, de savoir que cet espace n’est accessible qu’en franchissant une piste cyclable. Le caractère instantané du message sur Twitter, à une heure relativement tardive un dimanche soir a, de toute évidence, nuit à une interrogation qui aurait naturellement été celle de la société, quant à l’environnement de cette prise de vue, s’il s’était agi d’une communication publicitaire de la société BMW toujours soucieuse du respect des règles déontologiques de l’ARPP.

L’annonceur prend néanmoins bonne note de la saisine du Jury qui lui a permis de prendre encore davantage conscience de la nécessité de renforcer sa communication interne sur le bon usage des réseaux sociaux de la part de l’ensemble de ses équipes.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la compétence du Jury

Le Jury rappelle qu’en vertu des articles 2 et 3 de son règlement intérieur, il lui appartient de se prononcer sur le respect des règles déontologiques par tout « message publicitaire », commercial ou non commercial, à l’exclusion des messages de nature politique ou syndicale.

Constitue un message publicitaire tout contenu porté à la connaissance du public par une personne publique ou privée ou pour son compte, et qui vise à assurer la promotion d’une marque que celle-ci exploite, d’un produit ou d’un service qu’elle propose, de cette personne ou d’une personne qui lui est liée, ou encore d’une action qu’elle mène ou d’une cause qu’elle défend. Le caractère promotionnel, qui se distingue du caractère purement informationnel, s’apprécie notamment au regard de la nature de la communication, de l’objet sur lequel elle porte, des termes employés, de la mise en scène ou des visuels utilisés et des incitations que le message comporte explicitement ou qu’il induit. Le message publicitaire peut présenter un caractère commercial et constituer, le cas échéant, une « communication commerciale » au sens du préambule du code de communications « ICC Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale, ou ne revêtir aucun caractère commercial, notamment lorsqu’il promeut une politique publique.

En l’espèce, le Jury constate que le message a été diffusé sur un réseau social de M. Vincent Salimon, qui est président du Directoire de BMW Group France mais n’utilisait pas un des comptes officiels de BMW France. Le visuel émanait d’un concessionnaire.

Le Jury relève toutefois que le message fait la promotion d’un véhicule BMW sur le compte du principal dirigeant de la marque, peu important à cet égard que le cliché émane d’une autre source, dès lors que ce dirigeant en a rediffusé le contenu.

Le Jury considère, en second lieu, que les contenus mis en cause constituent une publicité dès lors qu’ils font la promotion du véhicule Série 4, mis en valeur par la photographie et par le texte « Merci à BMW & VilledeNice de nous envoyer un peu de couleur en cette période grisâtre. »

Le Jury est donc compétent pour connaître des plaintes dont il a été saisi, qui sont recevables au sens de l’article 12 de son règlement intérieur.

3.2 Sur la conformité aux règles déontologiques invoquées

Le Jury rappelle que la Recommandation « Automobile » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose, dans son point 4 intitulé « Code de la route », que :

« La publicité ne doit pas mettre en scène, dans des conditions normales d’usage, des véhicules en contravention avec les règles du code de la route ou les impératifs de sécurité ».

Le Jury considère que cette règle déontologique, qui a pour objet d’éviter toute incitation à utiliser un véhicule dans des conditions contraires aux exigences qu’il mentionne, fait obstacle, en principe, à ce que la publicité représente un véhicule arrêté ou stationné en méconnaissance des articles R. 417-9 à R. 417-13 du code de la route, notamment, en vertu du 6° du III de l’article R. 417-10 de ce code, sur une voie ou un espace réservé aux piétons. Cette prohibition ne vise, selon ses propres termes, que le véhicule se trouvant en « conditions normales d’usage ». Tel n’est pas le cas, notamment, s’il se trouve dans un endroit physiquement inaccessible à un véhicule circulant normalement, si la mise en scène présente un caractère manifestement irréaliste ou fantastique, ou s’il ressort des éléments visuels utilisés que ce véhicule constitue un simple objet d’exposition temporaire (présence d’un podium, d’un socle, de barrières ou de poteaux de guidage entourant le véhicule…).

Dans le cas où les responsables d’une publicité envisagent de représenter un véhicule automobile en conditions normales d’usage dans un lieu qui, en raison notamment de la présence de bâtiments ou de monuments caractéristiques, est identifiable par tout ou partie du public vers lequel la publicité est diffusée, il leur appartient de s’assurer préalablement que ce lieu est normalement ouvert à la circulation d’un tel véhicule. La circonstance que le véhicule serait exceptionnellement autorisé à stationner ou à circuler en un tel lieu, pour les besoins de la réalisation de la publicité, ne saurait justifier sa représentation dans la publicité, afin de ne pas inciter la généralité des automobilistes à emprunter des voies ou des espaces normalement réservés aux piétons.

En l’espèce, le Jury relève que la publicité en cause représente un véhicule Série 4 stationné sur le front de mer de Nice, sur le trottoir sud du quai Rauba Capeu, lieu clairement identifié par la sculpture « I LOVE NICE », qui constitue un espace piéton interdit à la circulation automobile. Aucun élément de la photographie utilisée ne donne à penser que ce véhicule ne serait pas garé en conditions normales d’usage et, en particulier, qu’il constituerait un simple objet d’exposition temporaire. Il résulte en outre de ce qui a été dit précédemment que la circonstance qu’un arrêté municipal a spécialement autorisé le stationnement de ce véhicule pour les besoins de sa promotion – ce que la publicité critiquée ne rappelle d’ailleurs pas – est sans incidence sur l’application du point 4 de la Recommandation « Automobile » dès lors que cette publicité peut inciter des automobilistes à se garer au même endroit voire à s’inspirer de cette présentation pour y photographier leur propre véhicule, sans bénéficier d’une autorisation équivalente.

En conséquence, le Jury est d’avis que cette publicité méconnaît les dispositions du point 4 de la Recommandation « Automobile » de l’ARPP.

Avis adopté le 5 mars 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Leers, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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