Avis n° 559/19 – ALIMENTATION SPECIALISEE – Plainte fondée

Avis publié le 4 avril 2019
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 3 novembre 2018, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’un dépliant publicitaire en faveur de la société annonceur, pour promouvoir son produit, une volaille.

Le document publicitaire est un dépliant constitué d’une page de format A4 en papier glacé plié en quatre qui promeut la vente de volailles, proposées sous différentes formes, entières ou en morceaux, dans différents emballages.

Le dépliant montre successivement :

– la volaille entière, enserrée dans un filet noir, de même texture qu’un bas résille, et présentée sur une main de femme, aux ongles vernis, portant un gant en résille noir ;

– l’image d’une femme, sur fond noir, les lèvres maquillées de rouge, portant une veste noire décolletée, un chapeau noir avec des plumes, dont les ongles sont vernis et portant un gant noir en résille.

Les textes accompagnant ces visuels sont « Beautiful, elegant and very well-raised… », « Let yourself be surprised by her tenderness and sensuality… », « X – Poulette de caractère by X », « A smooth and unrivaled flavour dedicated to the connoisseurs ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant considère que cette publicité est offensante, violente et ouvertement sexiste. Elle joue sur l’ambigüité du mot « poule », « cocotte », se référant à la prostituée parisienne. La femme est ici hyper sexualisée, comparée à des morceaux de viande. Comme s’il était normal de la détailler et de la consommer comme on mangerait une poule pour les fêtes de Noël. Il ajoute que cette publicité tourne également en dérision les violences faites aux femmes.

– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 18 janvier 2019, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Elle n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :

« 1.1. La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.

2.1. La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme. »

Le Jury relève que le document publicitaire en cause est un dépliant constitué d’une page de format A4 en papier glacé plié en quatre qui promeut la vente de volailles, et qui montre successivement :

– la volaille entière, soit recouverte d’un carton noir rappelant la forme d’un plastron, soit enserrée dans un filet noir, de même texture qu’un bas résille, et présentée sur une main de femme, aux ongles vernis, portant un gant en résille noir ;

– l’image d’une femme, sur fond noir, les lèvres maquillées de rouge, portant une veste noire décolletée, un chapeau noir avec des plumes, dont les ongles sont vernis et portant un gant noir en résille.

Les textes accompagnant ces visuels sont « Beautiful, elegant and very well-raised… », « Let yourself be surprised by her tenderness and sensuality… », « X – Poulette de caractère by X », « A smooth and unrivaled flavour dedicated to the connoisseurs ».

Le Jury relève que la femme sur ce dépliant est représentée de manière à reprendre exactement les mêmes codes que ceux utilisés pour présenter la volaille faisant l’objet de la publicité, puisqu’elle est vêtue d’une veste noire qui fait écho au plastron noir de l’un des poulets, et de gants en résille, tout comme l’une des volailles apparaît enserrée dans un filet de résille.

Par ailleurs, les slogans utilisés jouent sur le fait que le terme « poulette », utilisé pour désigner la volaille (« A pullet called Black », « poulette de caractère by X »), renvoie également à la femme.

En outre, les slogans « Beautiful, elegant and very well-raised » et « let yourself be surprised by her tenderness and sensuality », sont apposés près de la photographie de la femme, avec un sous-entendu de nature sexuelle souligné par la résille, le maquillage prononcé, la veste échancrée. Ces slogans sont volontairement ambigus pour pouvoir s’appliquer également à la volaille, à laquelle la femme est, de nouveau, assimilée.

Cette instrumentalisation de l’image de la femme, considérée comme une volaille ou comme un objet sexuel, porte atteinte à sa dignité.

En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions précitées de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP.

Avis adopté le 8 mars 2019 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.