Avis JDP n° 549/18 – DISCOTHEQUE – Plainte fondée

Avis publié le 7 décembre 2018
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 22 octobre 2018, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de deux publicités diffusées sur Internet et par affichage, en faveur d’une discothèque, pour promouvoir un événement intitulé « La nuit de la suce ».

Le premier visuel publicitaire en cause présente une femme assise sur une cuvette de toilettes, vêtue d’une robe noire, une culotte rose baissée sur ses mollets et tenant une sucette qu’elle lèche. Le texte accompagnant cette image est : « Vendredi 19 octobre – Suce moi je suis délicieuse – X La nuit de la suce – Distribution de sucettes – Ce soir on suce – Toute la nuit – La soirée gourmande par excellence ».

Le second présente une femme, vêtue d’un haut noir très décolleté, portant une sucette à sa bouche, la tête penchée en arrière. Le texte accompagnant cette image est : « Vendredi 19 octobre – X – La nuit de la suce – S**k me I’m delicious Mix by DJ Fun ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant considère que ces deux publicités sont dégradantes, avilissantes pour la femme, réduite ici à un objet sexuel, et qu’elles contribuent à entretenir la culture du viol.

– La société annonceur a, par courrier recommandé avec avis de réception du 26 octobre 2018, été informée de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Son représentant fait valoir que, comme à l’accoutumée, les publicités en cause avaient pour vocation d’informer et susciter la participation aux soirées à venir dans la discothèque, qui est un endroit festif où les gens viennent pour décompresser et où la détente est de mise, loin de tout protocole.

Il précise que ces affiches faisaient la promotion d’une soirée à thème comme celles organisées toutes les semaines (soirée Blanche, soirée Pinky Laydies, soirée Tentation, Soirée Chic and Choc, Soirée Disco, Soirée Kitsch, Soirée Girls Power, Soirée Winter, Soirée Sextoys, Soirée Célibataires, Soirée Ange ou Démon…). En l’espèce, il s’agissait de distribuer des sucettes tout au long de la soirée.

Le représentant de la société ajoute qu’il n’a pas créé ces affiches qui ont été extraites d’internet après une requête « nuit de la suce » et ont donc déjà été utilisées par d’autres discothèques.

Il indique qu’il n’y avait aucune intention de provoquer, encore moins l’intention de « pousser au viol ou donner une image dégradante de la femme » comme l’indique la plainte dont les termes employés sont disproportionnés. Il souligne que cette soirée a accueilli une part importante de la gente féminine dans le public et que l’ambiance y était « bon enfant ».

« La Nuit de la Suce » devait donc être entendue sous un ton humoristique et au second degré.

Toutefois, la société annonceur regrette d’avoir offensé les personnes qui ont pu être affectées par l’interprétation au premier degré de l’image et du message.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :

« 1.1. La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.

2.1. La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet ».

Le Jury relève que les publicités en cause montrent, à l’appui de la « nuit de la suce » organisée par la boîte de nuit annonceur, deux jeunes femmes léchant des sucettes, l’une, assise sur la cuvette des toilettes, sa culotte rose descendue sur les chevilles, l’autre, revêtue d’une robe noire très échancrée montrant largement sa poitrine, la tête penchée en arrière. Ces visuels sont accompagnés, respectivement, des textes suivants : « Suce-moi je suis délicieuse – La nuit de la suce – Distribution de sucettes – Ce soir on suce ! Toute la nuit – La soirée gourmande par excellence » et « La nuit de la suce – S**k me I’m delicious ».

Les jeunes femmes figurant sur ces affiches, montrées en train de sucer des sucettes, avec des bouches très maquillées et en petite tenue, sont présentées comme des objets sexuels et les textes accompagnant ces images font référence à des sous-entendus de nature sexuelle.

Le Jury estime que ces deux visuels publicitaires instrumentalisent, pour promouvoir une soirée dans une boîte de nuit, l’image et le corps de la femme, réduite à la fonction d’objet sexuel, et portent de ce fait atteinte à sa dignité et à la décence.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que les publicités en cause ne respectent pas les points précités de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP.

Avis adopté le 9 novembre 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Lenain, MM. Acker, Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.