ALLIOS – Internet – Plainte fondée

Avis publié le 20 février 2020
ALLIOS – 622/20
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société Allios et des associations France Nature Environnement et Bretagne vivante Sepnb,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 22 novembre 2019, d’une plainte émanant des associations Bretagne Vivante Sepnb et France Nature Environnement Pays de la Loire, lui demandant de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une plaquette publicitaire en faveur de la société Allios, pour ses peintures d’ombrage de marque Ombraflex.

Le document publicitaire en cause, disponible également sur le site internet de la société, intitulé « Ombraflex – peintures d’ombrage – La protection thermique de vos serres », utilise notamment les allégations suivantes : « Les peintures d’ombrage Ombraflex sont composées majoritairement d’éléments naturels. Elles participent activement à la préservation de l’environnement. », ou encore, pour plusieurs des produits présentés, la mention « biodégradable ».

2. Les arguments échangés

Les associations plaignantes estiment que les mentions « Les peintures d’ombrage Ombraflex sont composées majoritairement d’éléments naturels. Elles participent activement à la préservation de l’environnement » (page 3 de la brochure), et « biodégradable » (pour les produits Ombraflex light, Ombraflex standard, Ombraflex horticole, Ombraflex Gap, Ombraflex Reverso), ne respectent pas certaines des recommandations de l’ARPP sur le développement durable, pour plusieurs motifs.

En premier lieu, l’annonce figurant sur le site internet de la société comporte des allégations globales et non étayées concernant les actions qui seraient menées par la société pour la promotion du développement durable.

De plus, la mention « biodégradable » pour certains produits, et la mention générale « participe activement à la protection de l’environnement » ne sont pas significatives pour pouvoir être revendiquées par le producteur, ni d’ailleurs justifiées. En effet, la publicité ne mentionne pas précisément quel comportement a le produit dans l’environnement, c’est-à-dire en combien de temps il se dégrade et quel pourcentage de ses matières se dégradent dans l’environnement. Les associations relèvent en outre qu’en page 18 de la brochure est également proposé une application aéroportée (par avion ou hélicoptère) pour l’application de ces produits

Le vocabulaire de l’environnement, qui a été publié au journal officiel de la République française numéro 0087 du 12 avril 2009 page 6483 définit le terme de biodégradable comme applicable à « une substance qui peut, sous l’action d’organismes vivants, se décomposer en éléments divers dépourvus d’effet dommageable sur le milieu naturel. » Le consommateur peut donc comprendre d’une telle allégation qu’il peut l’abandonner ou laisser s’écouler un produit biodégradable dans l’environnement sans que cela n’ait de conséquence négative.

Pourtant, la consultation des fiches de sécurité des produits qui sont commercialisés dans la plaquette mettent en évidence des propriétés de certains des produits particulièrement négatifs pour l’environnement :

  • Ombraflex reversa et Ombrastop Reverso comportent l’indication H400 « très toxique pour les organismes aquatiques » ;
  • Ombrastop gel comporte l’indication H412 « nocif pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme » ;
  • comporte également l’indication H400.
  • Ombraflex GAP comprend les mentions H400 et H412.
  • Ombraflex Horticole, Ombraflex light et Ombraflex standard comprennent la mention H400
  • et H410 (« très toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme »).

La fiche de sécurité pour Ombraflex GAP et Ombraflex Reverso, mentionne par ailleurs qu’« Aucune donnée sur la dégradabilité n’est disponible, la substance est considérée comme ne se dégradant pas rapidement ». Pour Ombraflex Horticole, Standard et Light, en matière de biodégradabilité, seule est mentionnée l’information « Aucune donnée n’est disponible ».

Il est particulièrement abusif d’écrire dans une plaquette publicitaire que des produits comportant la mention H400, H410 ou H412 qui sont toxiques pour les organismes aquatiques « participent activement à la protection de l’environnement ». Non seulement l’annonceur n’explique pas les qualités en question, mais, en plus, lorsqu’on vérifie avec les données scientifiques disponibles la réalité des allégations revendiquées, elles s’avèrent fausses.

En outre, la mention « biodégradable » est accompagnée d’un logo vert représentant une petite feuille. Cela laisse croire que les produits disposeraient d’un tel label, alors qu’il n’existe pas de label « biodégradable ». Qui plus est la vérification de la fiche de sécurité met en évidence que les produits ne sont pas biodégradables. La publicité laisse également croire au consommateur qu’il peut utiliser son produit sans faire attention à d’éventuelles pollutions des eaux alors que la fiche de sécurité (information d’ordre scientifique) précise que certains des produits sont toxiques pour les organismes aquatiques.

Cette diffusion intervient dans un contexte où plusieurs pollutions par déversement de produits de dé-blanchiment de serres maraîchères ont causé d’importantes pollutions de cours d’eau.

Au surplus, le discours que véhicule la société Allios dans sa plaquette publicitaire est de nature à conforter les erreurs que font les représentants de la profession des maraîchers en affirmant « Le produit de dé-blanchiment, qui n’est pas systématique, est un produit à base d’eau et de soude hyper-diluée. Il est conçu pour pouvoir se déverser dans les eaux de surface ».

La société Allios indique tout d’abord que l’association Bretagne Vivante lui avait adressé un premier courrier daté du 2 septembre 2019 dans lequel elle posait des questions sur les mentions dans la documentation et demandait notamment d’adopter une information plus précise sur les conséquences possibles des produits sur l’environnement. L’annonceur lui a répondu par courrier daté du 4 octobre 2019 en indiquant notamment que les supports de communication allaient tenir compte des remarques formulées et être modifiés en ce sens. La société Allios s’étonne donc que l’association ait déposé plainte auprès du JDP dès le 22 novembre sans même lui laisser le temps de mettre en place les actions envisagées.

La société Allios s’interroge par ailleurs sur la compétence du JDP pour juger du contenu de cette communication sur les produits Ombraflex. En effet, il s’agit de produits à usage professionnel, uniquement destinés à des professionnels. Il ne s’agit donc pas d’une publicité à destination de consommateurs. Or les statuts modifiés de l’ARPP du 24 juin 2008 indiquent que l’association a pour but « de mener toutes actions en faveur d’une publicité loyale, véridique et saine, dans l’intérêt (…) des consommateurs et du public. » La communication sur les produits Ombraflex n’étant destinée qu’à des professionnels (en l’occurrence, des centrales d’achat et/ou des agriculteurs), les produits n’étant pas achetables par des particuliers, le JDP n’est pas compétent pour juger du contenu de cette documentation et la plainte qu’il a reçue de la part des associations Bretagne Vivante et France Nature Environnement Pays de Loire aurait donc dû être déclarée irrecevable.

Par ailleurs, la société Allios explique ne pas être « annonceur » au sens de la définition contenue dans la Recommandation Développement Durable de l’ARPP, ces règles déontologiques ne lui sont donc pas applicables, d’autant que le document s’adresse uniquement à des professionnels et non pas à des consommateurs ou au grand public. Ainsi, la communication n’est encadrée que par la Loi.

Sur le fond, l’association Bretagne Vivante a mélangé plusieurs choses dans les reproches qu’elle formule à l’encontre de la communication en cause.

L’entreprise Allios fait d’abord valoir qu’elle est une société familiale et française créée en 1949 et le dernier industriel français à fabriquer les produits d’ombrage dont il est question. Ces produits sont destinés à être mis en œuvre au printemps sur les serres agricoles afin de limiter l’échauffement à l’intérieur des serres en constituant une barrière contre les infrarouges et les U.V. Selon le type de produit, soit il s’éliminera avec les pluies automnales, soit il est nécessaire d’appliquer un produit pour le retirer. Cette protection sur les serres permet de réaliser des cultures maraîchères qui ne pourraient pas l’être si les serres n’étaient pas protégées.

Par ailleurs, la société respecte bien entendu la réglementation applicable à la fabrication des produits en question, et en particulier le règlement Européen n° 1907/2006 REACH.

Dans leur plainte, les associations Bretagne Vivante et France Nature Environnement Pays de Loire reprochent d’indiquer dans le support de communication sur les produits Ombraflex qu’il s’agit de produits éco-responsables.

L’annonceur tient à rappeler les différentes actions engagées depuis de nombreuses années pour une meilleure prise en compte de l’environnement lors de la fabrication et de l’utilisation des produits commercialisés. Ainsi, depuis plus de 15 ans, l’entreprise ne fabrique plus que des produits en phase aqueuse. Les produits étant composés à base d’eau, il est toutefois indispensable d’y incorporer un minimum de biocides afin d’empêcher le développement bactériologique en pot. Cette utilisation de biocide oblige le fabricant à faire apparaitre les phrases de risque citées par les associations dans leur plainte (mentions H400, H410 et H412) au sein des fiches de données de sécurité. Par ailleurs, le produit mis en œuvre étant dilué avec de l’eau entre 3 fois et 7 fois son volume, la quantité de produit biocide dans le produit final est ainsi négligeable (tout en étant indispensable). La présence des mentions à risque sur les fiches de données de sécurité ne saurait donc remettre en cause le fait que les produits sont éco-responsables puisque soumis à des contraintes techniques qui imposent l’utilisation des produits qui induisent ces mentions.

Bien que les fiches de données de sécurité mentionnent en partie 3 (substances isolées) les phrases de risque H400, H410 et H412, la partie 2 concernant le produit fini ne comporte pas de pictogramme prévu par le règlement CE n° 1272/2008 « CLP », les concentrations des produits en question étant inférieures aux seuils règlementaires. Les associations plaintives confondent l’obligation règlementaire de déclarer des substances et leur toxicité propre (pour une concentration de 100 %), avec la dangerosité pondérée du produit fini, définie par les règlements précités.

Les associations à l’origine de la plainte reprochent également l’utilisation de la mention « composés majoritairement d’éléments naturels ». Là encore, il a été répondu que les produits sont composés à 85% d’éléments naturels (eau et craie notamment), et même de 96% à 98% lorsqu’ils sont dilués au moment de leur mise en œuvre. Avec ces seuils largement supérieurs à la majorité, les produits sont composés majoritairement d’éléments naturels.

En outre, sur le reproche portant sur la mention selon laquelle la gamme de peintures participe activement à la préservation de l’environnement, il s’agit ici d’indiquer que l’utilisation du produit permet de réaliser des cultures maraîchères qui n’auraient pas pu être réalisées s’il n’avait pas été utilisé. Les cultures correspondantes auraient alors dû être importées d’autres endroits, avec les impacts environnementaux que cela engendre. Toutefois, l’annonceur reconnaît que sa communication n’était pas suffisamment précise ou étayée sur ce point et s’engage à y remédier dans son courrier du 4 octobre 2019.

S’agissant du terme « biodégrable » que les associations reprochent d’utiliser, il est le résultat d’essais normalisés réalisés par un laboratoire indépendant. Dès lors que des essais confirment la biodégradabilité des produits en question, et de façon très significative, il semble logique de pouvoir communiquer sur cet aspect. Une mention explicite figure dans les fiches techniques, librement téléchargeables depuis le site internet Ombraflex. S’agissant du logo figurant sur la documentation, il n’existe pas de logo officiel relatif à la biodégradabilité des produits, il s’agit là d’une information visuelle qui ne pourrait être confondue avec un quelconque label officiel, le logo étant simplement destiné à informer le lecteur de la biodégradabilité du produit conformément aux essais mentionnés ci-avant.

Sur le reproche de prévoir une application aéroportée des produits, il s’agit de la prise en compte d’une réalité puisque les maraîchers mettent en œuvre les produits d’ombrage de cette façon depuis de très nombreuses années. Dans un tel cas, s’il y a un impact sur l’environnement, il est essentiellement lié à l’application motorisée du produit, et non pas au produit lui-même. La société Allios ne saurait être tenue pour responsable des pratiques faites de ses produits par des utilisateurs professionnels.

Enfin, les associations évoquent des articles de presse relatifs à des pollutions des eaux par des produits de désombrage. Encore une fois, ce n’est pas le produit qui est mis en cause puisque les articles font bien apparaître que les bassins de rétention destinés à recueillir les eaux de pluie (contenant notamment notre produit) ont été déficients. Ce n’est donc pas lié à un défaut du produit, mais à un problème de rétention des eaux. En outre, il n’existe aucun lien établi entre ces accidents regrettables et notre produit, pouvant s’agir d’un produit concurrent. Ces incidents n’ont rien à voir avec une utilisation conforme du produit, dont la fiche technique indique clairement que les résidus de désombrage doivent être captés et que les eaux neutralisées ne doivent pas être rejetées dans la nature. Ces bonnes pratiques ne peuvent pas être ignorées de professionnels.

4. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle qu’aux termes des dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :

« 1.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable.

1.3. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées.

2.1.  Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose.

2.3. b) Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif.

3.1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées.

3.3. Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation ‘Mentions et renvois’ de l’ARPP.

3.4 Dans les cas où cette explicitation est trop longue pour pouvoir être insérée dans la publicité, l’information essentielle doit y figurer, accompagnée d’un renvoi à tout moyen de communication permettant au public de prendre connaissance des autres informations.

6.1. Les termes et expressions utilisées ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.

6.3. Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable…), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que ‘contribue à’.

7.1. Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable ».

En premier lieu, le Jury souligne qu’il est une instance associée au dispositif de régulation professionnelle de la publicité, telle que définie dans les statuts de l’ARPP. Celle-ci est une autorité indépendante des pouvoirs publics, administrée par les trois professions impliquées dans la production et la diffusion des campagnes publicitaires (annonceurs, agences et médias) qui s’est donné pour but de mener toute action en faveur d’une publicité loyale, véridique et saine, dans l’intérêt des consommateurs, du public et des professionnels de la publicité. L’article 3 du règlement intérieur du Jury précise que celui-ci est compétent pour traiter les plaintes portant sur des publicités, quel que soit le support de diffusion de la publicité et que les professionnels à l’origine du message soient ou non adhérents de l’ARPP. Le règlement intérieur du Jury ne limite pas son champ de compétence aux seules publicités adressées au grand public, et n’exclut donc pas de ce champ les publicités adressées aux professionnels. Le Jury s’est d’ailleurs déjà prononcé sur des publicités à l’attention de professionnels. Le Jury s’estime donc compétent pour donner son avis sur le document publicitaire relatif aux peintures d’ombrage Ombraflex.

En second lieu, le Jury relève que le document publicitaire en cause, diffusé sous forme de brochure et également disponible sur le site internet de la société, intitulé « Ombraflex – peintures d’ombrage – La protection thermique de vos serres », utilise notamment les allégations suivantes : « Les peintures d’ombrage Ombraflex sont composées majoritairement d’éléments naturels. Elles participent activement à la préservation de l’environnement », ainsi que, pour plusieurs des produits présentés, la mention « biodégradable ».

La mention selon laquelle les produits promus « participent activement à la préservation de l’environnement » est une allégation générale, non relativisée, qui ne fait l’objet d’aucune mention explicative dans le document en cause, ce qui contrevient aux points 3.1, 3.3 et 6.3 précités de la Recommandation Développement durable de l’ARPP. De plus, la réalité de cette allégation relative à des peintures d’ombrage n’est pas démontrée par l’annonceur, qui ne peut raisonnablement avancer que l’usage du produit, destiné à assombrir et rafraîchir les serres pour permettre un meilleur développement des cultures maraîchères, justifie l’affirmation d’une participation active à la préservation de l’environnement. Le Jury note que l’annonceur reconnaît lui-même que sa communication n’est pas suffisamment précise ni étayée sur ce point. Elle méconnaît ainsi les points 1.1, 1.3, 2.1 et 7.3 précités de la même Recommandation.

Les indications selon lesquelles certains des produits présentés seraient « biodégradables » manquent également de justification et d’explication dans le document publicitaire en cause, ainsi que, le cas échéant, d’un renvoi explicatif vers une ou des études qui attesteraient de la réalité du caractère biodégradable des produits promus. Ces mentions du document publicitaire méconnaissent donc également les points 1.1, 2.3 b), 3.3, 3.4, 6.1 et 7.1 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la campagne de publicité en cause méconnaît l’ensemble des points précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Le Jury prend acte toutefois des indications de l’annonceur, dans ses écrits et lors de l’audience, selon lesquelles le document de présentation des peintures d’ombrage Ombraflex a été retiré pour être modifié en tenant compte des observations formulées par les associations plaignantes.

Avis adopté le 16 janvier 2020 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Lenain, MM. Lacan, Leers et Lucas-Boursier.

Pour visualiser la plaquette publicitaire en faveur de la société Allios cliquez ici.