Avis JDP n°17/09 – PRODUITS D’ENTRETIEN – Plainte rejetée

Décision publiée le 16.07.2009

Plainte rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu successivement Mme X, plaignante, les représentants de l’annonceur, de l’agence de communication, de l’afficheur et de l’ARPP,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence de l’ARPP et des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 27 mars 2009, d’une plainte émanant de Mme X, contestant la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée par voie de presse, d’affichage et de télévision, par l’annonceur, en faveur d’une lessive.

En presse et affichage, la publicité est déclinée en deux visuels représentant deux bidons de lessive sur lesquels apparaît une étiquette comportant, notamment, la mention « Lessive écologique » ; à côté des bidons, figurent les indications « Nouveau », « … Eco-efficacité » « Tensio-actifs d’origine végétale et 100% biodégradables », « Efficace même en eau froide ». L’accroche publicitaire est pour l’un des visuels « L’écologie, c’est le moment d’en parler moins et d’en faire plus », pour l’autre « On ne change pas le monde avec une lessive mais on peut y contribuer ». Un troisième message se présente sous forme d’un texte publicitaire intitulé « Notre engagement pour une lessive plus écologique et efficace », ce texte présente les caractéristiques dites d’« éco-efficacité » du produit comme résultant de ce que « 100 % des tensio-actifs (agents lavants) [sont] d’origine végétale et 100 % biodégradables ; la formule [est] dans son ensemble bio dégradable à 97,5 % ; la garantie de la performance de lavage, sur la base de tensio-actifs d’origine végétale pour vous proposer une lessive très efficace et qui respecte mieux l’environnement ». Le tout renvoie à l’adresse d’un site Internet dédié.

La campagne publicitaire télévisée comporte deux films : le premier intitulé « Femme nature » présente une jeune femme attablée, sur fond de décor de terrasse verdoyante et qui prononce le texte suivant : « Pour moi, l’environnement c’est important …chaque petit geste y contribue …si on s’y met tous on peut faire bouger les choses », une voix-off masculine, sur fond de présentation du produit indique « …, aux tensio-actifs d’origine végétale et 100% biodégradables, efficace même en eau froide…on ne change pas le monde avec une lessive mais on peut y contribuer », le tout renvoyant sur un site Internet de l’annonceur, dédié au développement durable ; le second intitulé « Mère de famille » présente une jeune femme attablée, sur fond de décor de cuisine, prononçant les phrases suivantes : « L’écologie j’y suis très sensible…j’ai déjà acheté des produits qui sont respectueux de l’environnement… » une voix-off masculine, sur fond de présentation du produit indique « … aux tensio-actifs d’origine végétale et 100% biodégradables, efficace même en eau froide […] quand l’écologie est aussi efficace, on peut tous s’y mettre».

2.Les arguments des parties

La plaignante soutient que la publicité ne respecte pas les principes déontologiques applicables en matière d’écologie et de développement durable, sur plusieurs points.

Tout d’abord en ce que les messages revendiquent un caractère écologique injustifié sans s’appuyer ni sur un label officiel, ni sur le respect d’un cahier des charges ou l’audit d’un tiers indépendant.

Ensuite, en ce que le caractère végétal et biodégradable du tensio-actif ne peut suffire à justifier le caractère écologique du produit, puisque « le tensio-actif n’est qu’une petite partie du produit » et que « la lecture de l’étiquette nous informe que la lessive (…) contient plusieurs substances allergènes parfumantes (…) ainsi que des phosphonates composés qui participent à l’eutrophisation des milieux aquatiques et qui sont faiblement biodégradables ».

Elle ajoute que de nombreuses lessives sont aujourd’hui efficaces même à froid.

Enfin, elle dénonce le sigle en forme de feuille utilisé par les messages, qui évoque indûment l’écolabel européen lequel impose une limitation des substances dangereuses, une biodégradabilité accrue et une réduction des produits issus de la pétrochimie, sans que cela soit justifié pour la lessive en cause.

Le syndicat représentant les chaînes de télévision ainsi qu’un groupe de chaînes de télévision indiquent que la campagne télévisée a bénéficié d’avis favorables de l’ARPP au regard des dispositions des recommandations «Développement durable» et «Arguments écologiques» en vigueur au moment de l’examen préalable à la diffusion des spots.

La société afficheur fait valoir que conformément à l’article 4 de la Charte d’engagement pour une publicité éco-responsable, les visuels ont été transmis pour avis à l’ARPP préalablement à leur diffusion  et qu’ils ont obtenu un avis favorable. La campagne a été affichée dans le métro parisien du 12 au 18 janvier 2009 sur 200 supports de type 4m x 3m.

L’autre société afficheur soutient que les visuels critiqués n’enfreignent pas les dispositions déontologiques.

Le Groupe de presse A, le groupe d’édition B, groupe d’appartenance du quotidien d’information, le Groupe de presse C, ainsi que le groupe D, indiquent que cette publicité ne leur a pas semblé contrevenir aux Recommandations déontologiques de l’ARPP qui avait d’ailleurs conclu à sa conformité.

Le Groupe C ajoute que contrairement à ce que suggère la plainte, la présence d’un label officiel sur une publicité comportant des allégations environnementales n’est pas exigée, il indique que le dessin de feuille utilisé ne lui semble pas susceptible d’être confondu avec l’écolabel européen et fait enfin observer que la lessive de l’annonceur ne prétend pas détenir le monopole de l’efficacité en eau froide.

Le Groupe E, éditeur d’un magazine mensuel féminin, fait valoir que simple support de diffusion, il ne peut se prononcer sur le fond des griefs de la plainte. Il précise que de manière générale, le groupe refuse d’insérer dans ses publications toute publicité dont le contenu enfreindrait manifestement la loi, mais dès que cet examen s’avère négatif, il estime qu’il ne lui appartient pas d’exiger de l’annonceur la démonstration positive de la véracité et de la loyauté de son message publicitaire.

Présente lors de la séance du Jury, l’agence publicitaire ayant conçu la campagne, a exposé avoir respecté les dispositions déontologiques ainsi que les préconisations de l’ARPP au stade de l’avis préalable. Elle a indiqué avoir vérifié auprès de l’annonceur la véracité des affirmations de la publicité en cause.

L’ARPP précise qu’elle a été consultée préalablement à la diffusion de cette campagne, par l’agence de communication concernant les spots télévisés, les visuels affichage et presse, puis par l’autre agence de communication concernant le dernier message presse, enfin par l’afficheur concernant les affiches soumises dans leur état définitif, pour une diffusion imminente dans le métro.

En application des règles relatives au développement durable (Recommandations « Arguments écologiques » et « Développement durable »), et après consultation des informations transmises par l’annonceur concernant les différentes allégations environnementales mises en avant, l’ARPP a estimé que les différents messages composant la campagne publicitaire étaient diffusables en l’état.

Elle précise qu’elle n’est pas intervenue sur les mentions « Eco-efficacité » et « lessive écologique » s’agissant, pour la première, de la dénomination du produit qui fait l’objet d’un dépôt à titre de marque, pour la seconde, d’une inscription qui figure sous forme d’étiquette sur le conditionnement du produit tel qu’il est librement commercialisé en France et qui n’a pas été reprise à titre d’argumentaire publicitaire.

L’ARPP a considéré que les accroches « L’écologie, c’est le moment d’en parler moins et d’en faire plus « et « On ne change pas le monde avec une lessive mais on peut y contribuer » ne constituaient pas des promesses publicitaires excessives. Elle ajoute avoir recueilli un engagement écrit de l’annonceur concernant le caractère biodégradable des ingrédients composant la formule de la lessive. Cet engagement confirme que tous les tensio-actifs de la formule ont une origine végétale qui représente l’essentiel de la molécule et que tous les ingrédients du produit, en dehors des ingrédients minéraux et de l’eau, sont à 97,5% biodégradables, ces données étant fondées sur des tests scientifiques. En conséquence, elle a estimé que l’allégation «Tensio-actifs d’origine végétale et 100% biodégradables » était acceptable.

L’Autorité indique enfin s’être assurée qu’en application du point 2-7 de la Recommandation « Arguments écologiques », la publicité apporte des explications quant au bénéfice environnemental du produit, complétées par un renvoi vers un moyen de communication apportant toutes explications utiles (en l’espèce un site Internet dédié).

L’annonceur a répondu aux critiques de la plainte par des arguments qui seront décrits infra.

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que les Recommandations « Développement durable » et « Arguments écologiques » de l’ARPP applicables au jour de la décision disposent, notamment, que :

  • La publicité doit proscrire toute déclaration de nature à tromper directement ou indirectement le consommateur sur la réalité des avantages ou propriétés écologiques des produits ainsi que sur la réalité des actions que l’annonceur conduit en faveur de l’environnement ;
  • La publicité ne doit pas tromper le public sur la réalité des actions de l’annonceur en faveur du développement durable, ni sur les propriétés de ses produits et services en la matière ;
  • Toute allégation ou représentation publicitaire comme toute utilisation d’un signe ou d’un symbole dans la publicité doivent pouvoir être justifiées par l’annonceur ;
  • L’ampleur de la revendication d’une action en faveur du développement durable doit être proportionnée à l’étendue des actions réellement entreprises. Si l’effort de l’annonceur ne porte que sur un produit/service ou sur un ou des éléments limités, la publicité ne peut exprimer un engagement global ;
  • La publicité ne doit pas donner ou paraître donner une garantie totale ou complète d’innocuité dans le domaine de l’environnement, lorsque les qualités écologiques du produit ne concernent qu’un seul stade de la vie du produit ou qu’une seule de ses propriétés ;
  • Le choix des signes ou des termes utilisés dans la publicité, ainsi que des couleurs qui pourraient y être associées, ne doit pas suggérer des vertus écologiques que le produit ne possèderait pas ;
  • Toute publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale (…) La publicité ne saurait inciter, directement ou indirectement, à des modes de consommation excessive ou au gaspillage d’énergies et ressources naturelles. Elle ne saurait suggérer ou cautionner des agissements manifestement inconséquents ou irresponsables.

Ces Recommandations conduisent à considérer que si la déontologie publicitaire n’exige pas que le message constitue une information à caractère technique et scientifique, il existe toutefois, lorsque sont utilisés les arguments de l’écologie et du développement durable, une responsabilité particulière de l’annonceur, d’une part, de ne pas tromper le public sur la réalité des qualités du produit et des actions qu’il mène, d’autre part, de ne pas laisser envisager que le produit, dans sa fabrication et son utilisation, est sans dommage pour l’environnement, et enfin, de ne pas induire ou cautionner des comportements manifestement inconséquents ou irresponsables au regard de la préservation de l’environnement.

Les termes de la plainte rappelés ci-dessus conduisent à examiner si les affirmations contenues dans les messages en cause sont de nature à vanter de façon exagérée envers le public les vertus écologiques de ce produit et si l’utilisation d’un logo représentant une feuille stylisée peut engendrer une confusion dans l’esprit des consommateurs avec le label écologique européen.

Sur les formules utilisées

« Tensio-actifs d’origine végétale et 100% biodégradables »

La plaignante expose que les tensio-actifs ne représentent qu’une petite partie du produit, et que l’étiquette apposée sur le contenant mentionne que la lessive en cause contient plusieurs substances allergènes parfumantes ainsi que des phosphonates, composés qui participent à l’eutrophisation des milieux aquatiques et sont faiblement biodégradables.

L’annonceur fait valoir que les tensio-actifs sont les agents lavants principaux des lessives et constituent une grande partie de la formule de la lessive : 72,23 % pour la formule « éco-recharge » et 71.1 % pour la formule diluée. Grâce à leur structure, ils permettent notamment de détacher les salissures, de les entraîner et de les maintenir dans l’eau de lavage.

L’annonceur ajoute que l’affirmation selon laquelle les tensio-actifs sont biodégradables a été contrôlée au regard des normes imposées par le règlement européen n° 2004/648 relatif aux détergents. Il précise que la spécificité de ce produit réside dans le fait que les tensio-actifs utilisés dans cette formule vont au-delà des normes du règlement précité puisqu’ils sont entièrement, facilement et rapidement biodégradables tant en conditions aérobies (avec oxygène) qu’anaérobies (sans oxygène) et qu’aucun métabolite récalcitrant ne se forme au cours de ce processus lors de tests de simulation.

Le Jury relève que si la plaignante a initialement soutenu que les tensio-actifs ne constituent qu’une petite partie du produit, elle n’a, par la suite, pas contesté le caractère exact de la proportion de ceux-ci dans l’ensemble du produit. Elle n’a pas contesté non plus, ni que les tensio-actifs proviennent de ressources végétales, ni leur caractère biodégradable.

S’agissant de la portée de la mention, le Jury observe, d’une part, que les termes « 100% biodégradables » ne visent explicitement que les tensio-actifs du produit et non la lessive elle-même, d’autre part, que l’annonceur apporte sans être contredit les justifications de son allégation. Sur ce point la publicité n’enfreint donc pas les Recommandations de l’ARPP.

Par ailleurs, le fait que le produit contienne des substances allergènes est sans portée sur l’exactitude de la mention critiquée. Enfin, l’affirmation selon laquelle les phosphonates participent à l’eutrophisation des milieux aquatiques et sont faiblement biodégradables, qui est contestée, n’est pas démontrée.

« Efficace même en eau froide »

La plainte soutient que de nombreuses lessives sont efficaces même à froid et que l’annonceur ne saurait se prévaloir de cet avantage pour qualifier le caractère écologique de son produit.

L’annonceur indique que l’efficacité en eau froide de la formule du produit permet de diminuer sensiblement la consommation d’énergie liée à l’augmentation de la température de l’eau et qu’elle permet aussi d’amoindrir la consommation d’eau utilisée pour l’opération de prélavage qui devient inutile si la lessive est efficace.

Le Jury estime que cette revendication, dont la véracité n’est pas contestée, ne conduit pas à une présentation exagérée de l’action de ce fabricant pour la préservation de l’environnement.  Les termes dans lesquels elle est formulée n’induisent, en outre, pas que cette lessive serait la seule, ou la première, à comporter cet avantage.

Sur la qualification de «lessive  écologique » 

Le Jury constate qu’aucune disposition déontologique de l’ARPP relative au développement durable et aux arguments écologiques n’impose que la qualification « écologique » d’un produit soit certifiée par un label officiel, ou par le respect d’un cahier des charges particulier, ou encore par la production d’un audit d’un tiers indépendant. Une telle certification n’est pas non plus requise par les règlementations communautaire ou nationale.

Il observe de surcroît que l’absence de mention à un tel mode de certification, désormais connu des consommateurs, est, au contraire, de nature à alerter leur vigilance sur le degré de confiance qu’ils peuvent accorder à cette qualification affirmée par le fabricant dans sa publicité.

En l’état de la critique formulée et des éléments produits, le Jury estime que s’il n’existe pas de lessive totalement écologique, invoquer une telle qualification pour un produit dont la plus grande partie des composants sont biodégradables (97,5% selon les indications, non démenties, de l’annonceur) et dont les propriétés permettent une efficacité, non contestée, qui évite, d’une part, d’avoir à chauffer la température de l’eau, d’autre part, la mise en œuvre d’un cycle de lavage préalable, n’est pas de nature à tromper directement ou indirectement le consommateur sur les qualités de ce produit.

Sur le sigle utilisé

La plaignante relève enfin que le sigle utilisé sur le visuel de la publicité évoque indûment la fleur de l’écolabel européen, dont l’obtention impose une limitation de l’utilisation des substances dangereuses, une biodégradabilité accrue et une réduction des produits issus de la pétrochimie.

Le sigle contesté est constitué par le dessin d’une feuille. Il est associé à l’allégation selon laquelle 100% des tensio-actifs seraient d’origine végétale,

Le Jury considère que ce sigle n’apparaît pas de nature à créer une confusion avec l’écolabel européen qui représente une fleur dont le cœur est figuré par le « e » de l’Europe et les pétales constitués par douze étoiles. En outre, ce sigle qui ne figure pas sur le produit, ne se présente pas comme étant le signe d’un quelconque label et n’apparaît pas de nature à engendrer de méprise dans l’esprit du consommateur.

4.La décision du Jury

– La plainte est rejetée

– La présente décision sera communiquée à la plaignante, à l’annonceur, à l’agence de communication, aux afficheurs, et aux médias concernés, ainsi qu’au syndicat représentant les chaînes de télévision et au groupe de chaînes de télévision ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 10 juillet 2009, par Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, suppléant la présidente empêchée, Mme Drecq, et Ms Benhaïm, Carlo et Leers.