Avis JDP n°443/17 – ORGANISMES PUBLICS – Plaintes non fondées

Avis publié le 17 mai 2017
Plaintes non fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de l’association Juristes pour l’enfance, de l’agence de santé publique annonceur, de l’agence de communication et d’une des sociétés d’affichage et de l’ARPP, présents à la séance,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 20 et le 26 novembre 2016, de cinq plaintes émanant de particuliers et d’une plainte adressée par l’association Juristes pour l’enfance, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée par un organisme de santé publique, en affichage.

Cette campagne se compose de quatre affiches présentant chacune un couple d’hommes enlacés. Les textes accompagnant ces images sont « Pour la vie/ pour un week-end/ pour une fois » ou « Coup de foudre/ coup d’essai/ coup d’un soir » ou « Avec un amant/ avec un ami/ avec un inconnu » ou encore « S’aimer/ s’éclater/ s’oublier ».

La signature publicitaire présente au bas de chaque visuel est la suivante : « Les situations varient. Les modes de protection aussi. Préservatifs/PREP/TPE/TASTS/ DEPISTAGES. Sexe entre hommes : trouvez votre mode de protection sur sexsafe.fr ».

2. Les arguments échangés

– Les plaignants considèrent que cette campagne publicitaire est indécente et choquante, notamment pour les enfants, surtout en raison des slogans qu’ils estiment très provocateurs.

L’un d’entre eux considère qu’il s’agit de propagande pour des comportements sexuels dégradants, encourageant au vagabondage.

Une plaignante énonce avoir été profondément choquée par cette affiche, qui présente les relations sexuelles comme allant de soi, “avec un amant, avec un ami…”. Cette affiche visible par tous, et donc par de jeunes enfants et des adolescents, brouille les pistes en sous-entendant que leurs amis sont potentiellement des partenaires sexuels, ce qu’elle trouve choquant à un âge où l’amitié est une valeur importante.

La plaignante se dit également choquée par l’image de deux hommes dans une attitude explicite de tendresse amoureuse. Elle fait part de son incompréhension sur le fait que les pratiques sexuelles de minorités puissent être présentées comme une norme.

Selon elle, l’adresse du site internet qui figure sur les affiches ne peut qu’inciter les jeunes à consulter celui-ci, alors qu’il comporte des descriptions et explications qui ne leur sont pas destinées, ce qui constituerait ainsi une incitation à essayer ce type de relations sexuelles.

Elle estime enfin que cette campagne publicitaire, exposée au vu de tous, y compris des enfants et adolescents, est choquante vis-à-vis des jeunes en ce qu’elle détruit leur innocence et vis-à-vis des parents en ce qu’elle leur retire le droit à protéger leurs enfants.

Un autre plaignant estime que cette campagne est humiliante et stigmatisante pour les homosexuels, en induisant que les relations sexuelles avec des inconnus ou des amis seraient fréquentes et qu’elle donne une image dégradée de l’homosexualité contribuant à attiser les comportements homophobes.

L’association Juristes pour l’enfance expose que le message, par son libellé, incite à adopter un comportement sexuel à risque qui conduit à contracter des maladies graves telles que le VIH ou d’autres maladies à transmission sexuelles, alors qu’il est établi que les risques de contracter ces infections sont beaucoup plus élevées au sein de la population homosexuelle n’ayant pas de relation stable, multipliant les partenaires.

Elle fait observer sur ce point que le message le plus visible, écrit en lettres capitales, de grande taille et placé en évidence au centre de l’affiche est celui d’une multiplication de partenaires, de rapports sexuels survenant avec des partenaires occasionnels ou des inconnus, ce qui aggrave le facteur de risques.

Elle estime que de telles images sont gravement nuisibles à la santé publique et ne peuvent qu’amener à l’inverse du but poursuivi.

– L’annonceur a été informé, par courrier recommandé avec avis de réception du 2 décembre 2016, de la plainte dont copie lui a été transmise, et des dispositions dont la violation est invoquée.

Il a expliqué au cours de la séance que cette campagne répondait à une nécessité de santé publique par l’information sur la prévention des risques de contamination par le VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles. Il a précisé que les données disponibles montrent que les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, qu’ils soient homo ou bi sexuels, sont très majoritairement touchés par ces infections et que la part des jeunes de moins de 25 ans ne cesse d’augmenter, alors même qu’il existe à l’heure actuelle des moyens de prévention différents et diversifiés pour éviter ces situations. Son objectif était donc d’alerter les personnes concernées sur ces risques et ces possibilités et de les inviter à se renseigner.

Il a exposé qu’il a été décidé d’afficher les visuels dans des espaces fréquentés de tous, afin qu’un large public, qui ne fréquente pas forcément les lieux de rencontres entre homosexuels, puisse être touché.

Enfin, il a fait observer que les accroches, correspondant à diverses situations de relations entre hommes, répondent à l’objectif visé, que les visuels représentent tous des situations de tendresse et non de relations sexuelles et qu’ils sont décents. Il a ajouté que le message délivré, qui concerne particulièrement les hommes, n’est pas un message d’encouragement et qu’il ne cautionne pas la discrimination.

– L’agence de communication qui a réalisé la campagne expose que les plaintes des particuliers sont irrecevables en ce qu’elles sont anonymes, qu’elles n’indiquent ni le lieu de

résidence du plaignant, ni le lieu de constatation des faits litigieux, n’indiquent pas si le plaignant a ou non des enfants et ne comportent aucune indication permettant de connaître la qualité ou l’intérêt à agir des plaignants.

Concernant la plainte de l’association Juristes pour l’Enfance, elle expose que cette association n’a pas compétence pour défendre des intérêts collectifs, prérogative réservée au ministère public et que n’ayant pas communiqué ses statuts, elle ne démontre pas avoir un intérêt personnel et direct.

Sur l’absence de fondement

Sur la première plainte, datée du 20 novembre 2016, l’agence indique qu’elle n’exprime pas que son auteur aurait été troublé, ou choqué par la campagne de prévention, mais qu’elle dénonce « des comportements sexuels dégradants encourageant le vagabondage », ce qui ne correspond pas à la réalité de ces quatre affiches mais qui serait plutôt le reflet des préjugés du plaignant. Elle ajoute à ce sujet qu’aucune des photographies ne met en scène une attitude ou comportement sexuel dégradant.

L’agence explique aussi que l’objectif explicite de cette campagne est de promouvoir la diversité des outils de prévention.

Le choix des abribus est précisément un choix non-discriminant, plutôt que de s’inscrire dans les lieux dits « communautaires », cette campagne de prévention a pour but de s’adresser à tous et de toucher ainsi aussi bien les hommes « hors milieu » ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes que ceux qui fréquentent les lieux « communautaires ». Ce choix répond à l’impératif de santé publique, celui d’une communication responsable et non discriminante.

Par ailleurs, elle explique que la campagne a été réalisée en des termes et représentations modérés, et dans un esprit de responsabilité. La seule image d’un couple s’enlaçant n’est pas susceptible d’être contraire aux règles de la Recommandation relative à l’image de la personne de l’ARPP. Si elle choque certains, elle ne vise ni à imposer ni à condamner un choix de vie et de comportement sexuel au détriment d’autres choix.

Partant de là, cette campagne de prévention laisse chacun libre de son jugement. Elle laisse les parents libres de l’éducation sexuelle qu’ils souhaitent donner à leurs enfants, selon leur position et leur orientation.

Sur la plainte qui émane d’une personne vivant « en couple avec un homme », l’agence estime qu’elle procède d’une lecture extrêmement partielle des affiches. Elle fait observer que l’affiche citée par cette plainte porte les mentions « avec un amant, avec un ami, avec un inconnu (…) les situations varient, les modes de protection aussi ». Ni son visuel, ni les mots qui le connotent ne conduisent à un jugement négatif de tel ou tel comportement.

Cette affiche ne comporte, selon l’agence, aucune stigmatisation et c’est bien à tort, et par une mauvaise perception que le plaignant la considère comme dénigrante.

Elle ajoute que la référence à un comportement volage n’a rien d’illicite en soi. Les affiches litigieuses n’en font pas la promotion et s’abstiennent de tout jugement, positif ou négatif, à cet égard.

À cet égard, l’agence rappelle que selon les termes de la Recommandation Sécurité: Situations et comportements dangereux « « Dans l’hypothèse où l’un des objectifs affirmé de la communication est de promouvoir la sécurité ou la santé, il peut être légitime de mettre en scène une situation ou un comportement dangereux afin de le dénoncer. La dénonciation de

la situation ou du comportement dangereux doit être non équivoque, de manière à ne pas aboutir au résultat contraire. »

En l’espèce, l’objectif de santé publique est clairement exprimé par cette campagne. Le plaignant ne saurait soutenir que cette campagne de prévention serait équivoque, puisque c’est au contraire son caractère explicite qui est reproché.

S’agissant du renvoi aux sites, l’agence expose que le premier, créé en 2008 pour sa version actuelle, avec le soutien de l’Etat et des collectivités territoriales assure la mission de service public de fournir des informations générales et actualisées sur le VIH/sida et les infections sexuellement transmissibles (IST), de relayer les recommandations relatives à la prévention de la transmission du VIH/sida et des IST, de soutenir les personnes concernées et/ou leur entourage et enfin orienter les usagers vers les services de proximité les plus adaptés à leurs besoins (associations, professionnels de santé, réseaux, services administratifs, soins). Le second est géré par l’annonceur, destiné au grand public, aux professionnels de santé et, de manière générale, à toute personne recherchant, dans le cadre de ses activités professionnelles ou à titre personnel, des informations sur la prévention du VIH et des IST chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.

L’agence précise encore que la plainte du 26 novembre 2016 qui évoque la « pornographie » n’est pas fondée puisqu’aucune des affiches ne peut répondre à la définition donnée par le dictionnaire de l’Académie Française et qu’elle n’est en rien non plus indécente.

– L’une des sociétés qui a procédé à l’affichage des visuels concernés, explique que ceux˗ci sont, selon son analyse, conformes aux principes posés par le code ICC. Ils n’outragent pas les bonnes mœurs au sens donné au XXIème siècle, ne discriminent pas la communauté homosexuelle (qui est simplement ciblée car le message de prévention la concerne au premier chef du fait de la prévalence de la maladie dans cette communauté et de l’importance des comportements à risque chez les jeunes homosexuels, selon les études récentes). En outre, les comportements cités ne sont pas contraires à la loi et ne menacent pas l’ordre social.

La société d’affichage ajoute que les visuels sont également conformes aux principes de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP, l’image de ces couples, qui ne sont ni dénudés, ni dans une posture lascive ou suggestive, n’étant pas susceptible de choquer le public. D’autre part, la dignité des personnes apparaissant dans ces affiches n’est en rien dégradante ou humiliante et leur dignité n’est pas remise en cause.

Elle ajoute que ces visuels ciblent certes la communauté homosexuelle mais parce qu’elle est la première concernée à la fois par la maladie et par la prévalence des nouvelles contaminations et non du fait de son orientation sexuelle en tant que telle.

La société considère également que ces visuels sont conformes à la Recommandation « Enfant » de l’ARPP en ce que les termes utilisés reposent certes sur des parallèles avec des expressions populaires, mais pour mieux caractériser la diversité des modes de protection et de prévention.

Elle expose que ces visuels sont également conformes au principe de responsabilité sociale imposé par la Recommandation « Enfant ». Les situations présentées ne sont ni délictuelles ni antisociales. Elles promeuvent des règles de prévention qui sont au contraire favorables au corps social en limitant la propagation de l’épidémie. L’autorité parentale n’est pas remise en cause par une campagne qui met au contraire en avant la responsabilité individuelle et les valeurs de respect de l’autre et de la collectivité.

Enfin, selon la société d’affichage, ces visuels sont conformes aux principes de dignité et de décence en ce que les situations de couple ne sont pas présentées de manière agressive, violente ou vulgaire, ce qui pourrait être source d’angoisse ou de malaise.

– Une autre société d’affichage indique que rien dans ces affiches ne permet de conclure à l’interprétation selon laquelle les Recommandations « Image et respect de la personne » et « Enfant » seraient violées, car elles ne sont en aucun cas suggestives ou provocantes. Elles présentent simplement des hommes complices et entièrement habillés, sans aucune connotation sexuelle.

Elles s’adressent donc aux personnes homosexuelles, sans les stéréotyper. Elles ne tendent nullement à inciter à adopter des comportements sexuels encourageant au vagabondage et ne constituent en rien une atteinte à la liberté d’éducation et de conscience. Elles rappellent juste l’importance de se protéger et poursuivent un objectif de santé publique.

L’afficheur ajoute toutefois que, compte tenu des réactions que cette campagne pouvait susciter, elle avait décidé, avant d’afficher ces visuels, de les soumettre à l’ARPP. Le conseil de l’ARPP, reçu le 11 octobre 2016, a confirmé son analyse.

La société indique également que, d’après le site internet de l’annonceur : « En France, le VIH et autre infections sexuellement transmissibles (syphilis, gonorrhées, condylomes…) touchent de façon préoccupante les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. C’est pourquoi il faut renforcer la prévention auprès de cette population pour l’adaptation des comportements à la situation et la promotion des outils de prévention. »

– L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité indique avoir été interrogée, dans le cadre de sa mission de délivrance de conseils facultatifs, préalablement à la diffusion de cette campagne, par deux afficheurs membres de l’ARPP, une première fois, en août 2016, puis en octobre 2016. Dans les deux cas, sa réponse a consisté à délivrer un conseil favorable, sans restrictions, à ses adhérents.

Pour analyser le contenu de ce message, l’Autorité a logiquement pris en compte à la fois le propos du message, à savoir la sensibilisation du public à la prévention contre les maladies sexuellement transmissibles, et bien sûr l’émetteur de la campagne, représentant en l’occurrence les autorités de santé publique.

Par suite, la visualisation de couples enlacés, qu’ils soient indifféremment hétérosexuels ou homosexuels, doit répondre, de manière générale, aux exigences de décence imposées par le code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale.

Ces principes déontologiques sont retranscrits dans les Recommandations de l’ARPP « Image et respect de la personne » et « Enfant ». Ils visent à ne pas utiliser de messages susceptibles de choquer le public ou de porter atteinte aux plus jeunes.

La doctrine déontologique qui s’est imposée sur ce point, consiste à accepter de telles représentations de couples, à condition que la visualisation des corps demeure décente, que les postures ne soient pas hyper-sexualisées et que les propos soient non choquants pour le grand public, en particulier pour une diffusion dans des médias tels que l’affichage.

En l’espèce, l’ARPP n’a relevé aucun élément en ce sens, ni aucune représentation d’un couple homosexuel qui ne serait pas plus acceptable pour un couple hétérosexuel.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP renvoie en son préambule aux principes contenus dans le Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale selon lequel :

« Le respect de la dignité de la personne humaine est un principe universel.

«La communication commerciale doit proscrire toute déclaration ou tout traitement audio ou visuel contraire aux convenances selon les normes actuellement admises dans le pays ou la culture concernés.» (Article 2 du Code ICC).

«La communication commerciale doit respecter la dignité humaine et ne doit encourager ou cautionner aucune forme de discrimination, y compris celle fondée sur la race, l’origine nationale, la religion, le sexe, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle.» (Article 4, alinéa 1 du Code ICC).

«La communication commerciale ne doit pas sembler cautionner ou encourager des comportements violents, illicites ou antisociaux.» (Article 4, alinéa 3 du Code ICC).

Le Jury rappelle également que la Recommandation « Image et respect de la personne» de l’ARPP dispose, dans son point 1, que :

« La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence ».

« D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine »

Le point 2 de la Recommandation prévoit que :

2.3 « La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme. »

Enfin, la Recommandation «Enfant » de l’ARPP, renvoie dans son préambule à l’article 18 du code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale qui prévoit que la communication commerciale « ne doit comporter aucune déclaration ou aucun traitement visuel qui risquerait de causer aux enfants ou aux adolescents un dommage sur le plan mental, moral ou physique ».

Le Jury rappelle à titre liminaire qu’il n’est pas une juridiction et n’a pour mission que celle qui lui a été confiée par les professionnels de la publicité réunis au sein de l’Autorité de régulation de la publicité, celle de donner son avis sur le respect, ou non, par les publicités diffusées des Recommandations déontologiques que ces professionnels se sont données. Dans ce cadre il peut être saisi par toute personne qui estime que ces règles de déontologie n’ont pas été respectées. Il est, en conséquence, sans importance que les plaignants puissent ne pas être parents, ou que l’association Juristes pour l’enfance poursuive des objectifs qui ne relèveraient pas de la déontologie.

Par ailleurs, le Jury précise que les plaintes de particuliers sur la publicité en cause, qui lui ont été soumises, ne sont pas anonymes, ce qui constituerait une cause d’irrecevabilité de la plainte. Les noms et coordonnées des personnes ont été occultés par le secrétariat du Jury, afin d’assurer la liberté des plaintes sans risque qu’il en soit fait reproche aux personnes qui s’impliquent dans le respect de la déontologie publicitaire.

Le Jury observe que les affiches en cause montrent chacune une photo d’un couple d’hommes enlacés, sur laquelle a été appliquée un filtre de couleur. Au centre de la photo figure, décliné en lettres capitales blanches, l’énoncé de trois situations débutant par la même apostrophe. Pour la première affiche : « Coup de foudre/ coup d’essai/ coup d’un soir », pour la deuxième « Pour la vie/ pour un week-end/ pour une fois », pour la troisième « S’aimer/ s’éclater/ s’oublier », enfin, pour la quatrième « Avec un amant/ avec un ami/ avec un inconnu ».

Au bas de chaque affiche la signature publicitaire apparait en lettres de couleur sur fond blanc en ces termes : « Les situations varient. Les modes de protection aussi. Préservatifs/PREP/TPE/TASTS/ DEPISTAGES. Sexe entre hommes : trouvez votre mode de protection sur sexsafe.fr ». En dessous encore figurent les logos du ministère de la santé et de l’agence annonceur.

Le Jury observe que l’objectif de ces affiches est d’alerter les populations d’hommes de tous âges, mais plus particulièrement les jeunes, ayant des relations sexuelles entre hommes, sur les risques du VIH et des infections sexuellement transmissibles, de les informer sur l’existence de modes diversifiés de protection selon le type de relations dans lesquelles ils s’inscrivent et de sites leur permettant de compléter leur information.

Elles poursuivent le but de santé publique de parer les risques importants, qui peuvent être vitaux ou, à tout le moins, porteurs de conséquences graves pour l’avenir, encourus par ces personnes.

Compte tenu de l’importance de ces risques, l’agence annonceur, a légitimement cherché à toucher l’ensemble de la population concernée, parmi laquelle se trouvent des personnes qui ne se reconnaissent pas forcément comme homosexuelles, dans toutes les situations possibles, et dans des lieux qui ne sont pas seulement ceux de rencontres habituels de cette population.

Le Jury observe que les photos présentent toutes des postures qui expriment la tendresse, mais ne montrent aucune situation de relation sexuelle. Elles sont décentes tant dans l’habillement des personnes que dans leurs attitudes et le filtre de couleur leur donne, par ailleurs, un effet estompé qui permet à celui qui les regarde de le faire avec une certaine distance.

La déclinaison des situations qui apparait au milieu de l’affiche, appelle l’attention de toute personne qui peut se sentir concernée par le visuel, quelle que soit sa propre situation, à lire le message de prévention et d’information qui suit.

Ainsi, dans sa construction, chaque affiche répond à l’objectif de santé publique poursuivi.

Dans ces conditions, il n’apparaît pas que ces affiches, qui ne comportent aucun visuel contraire à la décence, soient incitatives à des comportements indécents, ou encouragent le « vagabondage » sexuel ou affectif. Le Jury observe sur ce point que si la situation de multipartenariat est citée, elle ne l’est que parmi d’autres, comme « pour la vie » et que les visuels, qu’ils soient pris indépendamment les uns des autres ou dans leur ensemble, ne présentent pas les hommes homosexuels comme plus volages ou moins responsables que le reste de la population, le fait d’envisager l’éventualité d’un multipartenariat, n’en faisant pas une généralité. En outre, la présentation du message de prévention en caractères plus petits que ceux de l’accroche est un parti pris visuel, qui permet d’appeler, en premier, l’attention des personnes ciblées, pour leur délivrer, ensuite, le message de prévention.

Par ailleurs, il ne peut être considéré, comme le soutient l’association Juristes pour l’enfance, que ces publicités incitent à des comportements à risques, puisqu’au contraire, ils alertent les personnes qui encourent ces risques de leur existence et les informent des différents modes de

prévention et de protection qui sont disponibles. Le fait d’aborder cette problématique n’étant en rien incitatif.

En outre, les adresses internet mentionnées sur les affiches critiquées sont celles de centres d’information et de prévention dont la diffusion répond à l’objectif recherché et n’incite nullement au voyeurisme, contrairement à ce que prétend l’un des plaignants.

Enfin, si des personnes et des parents se sentent heurtés par ces visuels qui correspondent pourtant à une réalité sociale, ils ne peuvent néanmoins soutenir qu’elle ne devrait pas être montrée, même dans un objectif de santé publique, alors que les risques encourus peuvent être, ainsi qu’il a été dit plus haut, particulièrement dommageables, notamment, pour des adolescents qui n’en seraient pas informés. La mission éducative des parents n’apparaît en rien altérée ni détournée par ces affiches, mais peut, au contraire, trouver à se déployer sur ces sujets.

Compte tenu de ces éléments, le Jury est donc d’avis que la publicité en cause est conforme aux recommandations déontologiques de l’ARPP.

Avis adopté le vendredi 13 janvier 2017 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Benhaïm, Carlo, Depincé, Lacan et Leers.