Avis JDP n° 437/16- APPLICATION MEDICALE – Plaintes fondées

Avis publié le 1 décembre 2016
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  •  et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, les 11 et 12 septembre 2016, de vingt plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une vidéo publicitaire diffusée sur Internet en faveur d’une application téléphonique permettant la mise en relation de médecins.

Cette publicité présente plusieurs hommes en blouse de médecins, se succédant ou se regroupant dans une salle d’examen médical et s’interrogeant devant une femme dont on ne voit que les jambes nues et écartées, pour une consultation gynécologique. Le dernier homme arrivé dans la pièce prend, avec son téléphone portable, une photo de l’entrejambe de la patiente, sans lui demander son avis, afin de recevoir un diagnostic via l’application vantée par la publicité en cause ; les autres médecins le rejoignent et paraissent satisfaits d’avoir trouvé la réponse à leurs interrogations.

Le texte accompagnant ces images est « X, le réseau d’entraide des médecins enfin sur votre portable ».

2. La procédure

Un courrier recommandé avec avis de réception du 5 octobre 2016 a été adressé à la société afin de l’informer des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Le courrier mentionnait également que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Le recommandé a été retourné au Secrétariat du Jury, le 27 octobre 2016, avec la mention « Non réclamé ».

Un deuxième envoi a été effectué le même jour, par mail. La société n’a pas transmis d’observations ni demandé à être entendue lors d’une séance du Jury.

3. Les arguments échangés

– Les plaignants considèrent que cette publicité est dégradante pour l’image de la femme et ne respecte pas la dignité de la femme représentée comme un objet.

Certains plaignants ajoutent que, de plus, seuls les hommes sont des médecins, ce qui contribue à renforcer le stéréotype de genre.

– La société annonceur n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » (anciennement « Image de la personne humaine ») de l’ARPP dispose en son point 2 que :

« 2-1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2-2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la publicité en cause met en scène une femme que l’on devine être un objet de curiosité ou d’interrogation pour les médecins qui l’examinent.

La position de la femme, dont seules sont visibles les jambes écartées et dont l’intimité est soumise ainsi à l’examen d’une assemblée d’hommes, qui commentent son état sans s’adresser à elle et prennent une photo de son entrejambe sans lui demander son avis, est humiliante et dégradante. Elle cautionne ainsi une image des femmes comme étant inférieures aux hommes – ce qui est encore renforcé par le fait que les médecins, donc les « sachants », sont tous des hommes.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les points 2.1, 2.2 et 2.3 de la Recommandation précitée.

Avis adopté le 4 novembre 2016 par Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM. Carlo, Lacan et Leers.