Avis JDP n°444/17 – JOAILLERIE – Plaintes fondées

Avis publié le 22 février 2017
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu la représentante de l’association Les Chiennes de garde, ainsi que de la société annonceur, présents à la séance,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, les 20 et 22 novembre 2016, de deux plaintes émanant de particuliers, ainsi que d’une plainte de l’association Les Chiennes de garde, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée en affichage dans le métro parisien, par un joaillier, pour une montre pour femme.

Le visuel publicitaire présente une femme, se tenant de profil, le regard tourné vers l’objectif, accoudée à un meuble, une main portée à sa bouche, l’autre tenant un verre de lait. Seul le haut de son corps nu est visible. Elle porte à son poignet la montre de la marque.

Les textes accompagnant cette image sont relatifs au modèle de montre présenté et aux différents points de vente de la société.

2. Les arguments échangés

– Les plaignants énoncent que cette publicité, qui utilise sans justification la nudité de la femme, est sexiste.

La représentante de l’association les Chiennes de garde a indiqué que la publicité avait cessé dès que la société annonceur avait été informée des plaintes et qu’il convenait de lui en donner acte. Elle a ajouté que la promotion d’un produit par la présentation d’une femme dénudée propageait les stéréotypes de femme objet et contribuait ainsi à leur ancrage social ainsi qu’à leur banalisation.

– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 2 décembre 2016, des plaintes dont copies lui ont été transmises, et des dispositions dont la violation est invoquée.

Lors de la séance, son dirigeant a exposé que ces plaintes étaient les premières qu’il avait reçu en quinze ans de campagnes publicitaires. Il a indiqué que la ligne commerciale de la marque ne s’inscrivait pas dans la représentation de la nudité, mais de la mise en valeur du bijou, et exposé que la photo critiquée était issue de photos prises sur le tournage d’un film publicitaire. Il a par ailleurs expliqué que la campagne avait été retirée dès qu’il avait été informé des plaintes.

– La société qui a affiché la campagne, a indiqué que cette campagne a été affichée sur 300 faces sur les quais du métro et des gares du 7 au 20 novembre 2016.

Elle a fait observer que la publicité porte sur un produit destiné aux femmes et qu’il était donc logique qu’une femme soit représentée. Elle a précisé que le produit et la marque évoquent l’univers du luxe, que la société annonceur a fait le choix de rendre accessible à une majorité par le prix. L’utilisation du décor est en accord avec cet univers.

Par ailleurs, l’afficheur a exposé que ni l’attitude ni la posture de la jeune femme n’ont un caractère choquant et ne portent atteinte à la dignité de la femme. Selon elle la nudité n’est pas évidente à la seule vue du bras et du dos, lesquels sont découverts dans de nombreuses robes de soirée.

La société d’affichage en a conclu que ce visuel ne présente pas la femme de manière avilissante et aliénante ni ne la réduit à la fonction d’objet, l’intention étant au contraire de sublimer l’image de la femme.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

« 2-1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2-2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la publicité en cause donne à voir une femme nue appuyée contre un meuble sur lequel son coude est appuyé, son avant-bras levé vers sa bouche porte une montre de la marque en cause. La position adoptée permet de constater que le modèle est nu, ce que ne conteste d’ailleurs pas l’annonceur.

La représentation d’une femme nue pour promouvoir un objet, fût-il de joaillerie, constitue une objectivation du corps des femmes qui réduit celles-ci à cette fonction et porte ainsi atteinte à leur dignité, sans qu’il soit nécessaire que la position adoptée soit dégradante ou avilissante.

Le Jury prend acte du retrait de la publicité dans un délai rapide à compter du moment où l’annonceur a eu connaissance des plaintes.

Compte tenu de ces éléments, le Jury est donc d’avis que la publicité en cause n’est pas conforme aux recommandations sus-visées.

Avis adopté le vendredi 13 janvier 2017 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Benhaïm, Carlo, Depincé, Lacan et Leers.