Avis JDP n° 445/17 – ARTICLES CULINAIRES – Plaintes non fondées

Avis publié le 22 février 2017
Plaintes non fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu l’un des plaignants et le représentant de l’agence de publicité,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, les 7 et 10 novembre 2016, de deux plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée, en affichage, dans le métro parisien, par la société annonceur, pour annoncer l’ouverture d’un point de vente à Paris.

Ce visuel se présente en 2 parties séparées diffusées côte à côte. La partie gauche présente deux cocottes rouges, côte à côte, vues de dessus, dont les couvercles sont dotés, au centre, d’une poignée ronde noire, et un poêle noir, de forme triangulaire allongée, situé au-dessous, par l’ouverture duquel on aperçoit un feu en train de brûler. La disposition de ces éléments compose une forme anthropomorphe. Le texte accompagnant cette image est « Découvrez le concept store le plus chaud de Paris ». L’autre visuel annonce l’ouverture du concept store et des produits disponibles avec l’image de catégories d’articles (cocottes, poêles, barbecues).

2. Les arguments échangés

– Les plaignants énoncent que cette publicité, qui utilise le corps de la femme comme un objet, est sexiste et dégradante pour la femme, réduite à l’image de ses organes sexuels, et associée à la cuisine.

Lors de la séance, la plaignante présente a exposé que la représentation dégradée de la femme en publicité était fréquente au point de devenir insupportable. Elle estime que le visuel représente les attributs sexuels de la femme pour illustrer un univers domestique et qu’il réduit les femmes à ce rôle social. Elle oppose que si la représentation de l’affiche peut être interprétée différemment, par exemple comme un visage, cela n’en rend pas pour autant son interprétation moins admissible ou digne de considération.

– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 2 décembre 2016, des plaintes dont copies lui ont été transmises, et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son représentant fait observer que sa stratégie d’affichage était soit simple (uniquement le panneau de droite, annonçant l’ouverture du magasin) soit double. Aucune publication n’a donc été effectuée sous forme du seul panneau de gauche, comme indiqué par erreur dans l’un des courriers.

Il explique que la société est spécialiste de la fonte et de l’émaillage, qu’elle fabrique des poêles, des cheminées et inserts, des barbecues, des planchas et des cocottes en fonte. Elle est donc spécialiste du chauffage, d’articles de cuisson en plein air et d’articles culinaires destinés à la confection de plats chauds et mijotés.

Le nouveau concept store est un concept unique à Paris. Il est entièrement dédié au chaud et spécialement équipé, sur un plan technique, de cheminées. Il permet ainsi une exposition des poêles et inserts en fonctionnement. C’est pour cette raison que le slogan « le concept store le plus chaud de Paris » a été retenu.

L’annonceur ajoute que la campagne de communication a été diffusée pendant l’hiver, qui correspond à une période d’intense activité de la société. La publicité représente donc un poêle à bois et deux cocottes en fonte émaillée. Ce poêle est un produit phare de la société depuis bientôt dix ans. Selon lui, ces articles sont judicieusement positionnés sur l’affiche, sous la forme d’une évocation d’un visage géant, les deux casseroles et le poêle formant deux yeux, un nez (arrête du poêle) et une bouche (le foyer), devant interpeller les usagers du métro sinon susciter leur attention. Certains y auraient vu la représentation d’un masque africain, voire d’un Moaï (statue de l’île de Pâques).

Pour l’annonceur, faute de contenir la moindre représentation d’un corps de femme, il est inconcevable que cette publicité puisse véhiculer une image de femme objet. Son représentant se dit choqué par les propos définitifs contenus dans les plaintes, quant aux intentions supposées qui seraient les siennes lors de la diffusion de cette publicité. Il estime que les interprétations données dans les plaintes sont subjectives, l’un des plaignant voyant d’ailleurs le poêle comme une forme phallique alors que l’autre y trouve la représentation d’un vagin.

Il expose qu’il ne s’agit que d’un poêle à bois procurant de la chaleur tout en permettant la vision du feu, sous la forme d’un spectacle et qu’il est difficile de reconnaître dans cet objet un organe sexuel.

Selon l’annonceur, s’il fallait y voir une représentation du corps humain, la publicité contiendrait alors une pointe d’humour sur la sensualité, ce qui n’est une évocation ni du corps de la femme ni de l’homme. Elle ne réduirait pas les personnes humaines à la fonction d’objet mais évoquerait simplement une certaine sensation de bien-être similaire à celle d’une soirée au coin du feu.

– La société afficheur, indique que cette campagne a été affichée dans le métro sur 450 faces de 2 m² du 2 au 8 novembre 2016.

La société d’affichage regrette que certains voyageurs aient pu être choqués de cette représentation.

Selon elle, dans le premier visuel, le positionnement du poêle et des deux cocottes en fonte, qui sont des produits de la gamme, représente un visage avec deux yeux illustrés par les cocottes en fonte, un nez et une bouche illustrés par le poêle et la flamme. Le jeu de mot utilisé « Découvrez le concept store le plus chaud de Paris » porte sur une caractéristique des produits représentés, qui ont pour fonction de chauffer.

La portée du visuel invoquée par les plaignants paraît excessive et contestable en ce qu’elle pourrait condamner de nombreux visuels dès lors qu’on leur attribue un second sens particulièrement subjectif que la majorité du public et en particulier le jeune public n’y

trouvera pas. L’afficheur ajoute ne déceler dans ces visuels aucune représentation dégradante de la femme explicite ou implicite.

En outre, le premier visuel a été affiché systématiquement côte à côte avec le second. Seul le second visuel sur l’ouverture du magasin a été affiché isolément. La première affiche ne peut donc être analysée sans la seconde. Elle ajoute que les produits représentés sur le premier visuel sont des produits vendus dans le magasin dont l’ouverture est annoncée.

En conséquence, la société d’affichage estime que les critiques formulées par les plaignants sont disproportionnées par rapport à ce qu’elles croient être l’intention de l’annonceur et que ces visuels ne contreviennent pas à la Recommandation Image et respect de la personne.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

« 2-1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2-2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la publicité en cause est présentée sur deux panneaux. Sur le premier figurent deux cocottes rondes de couleur rouge, dotées d’une poignée centrale ronde de couleur noire, vues de dessus, et un poêle triangulaire, allongé, dans lequel brûle un feu ; l’autre annonce l’ouverture d’un nouveau magasin et présente les différents types de produits proposés à la vente.

Si, sur le premier panneau, la disposition anthropomorphique des éléments (les deux cocottes et le poêle) peut rappeler un visage, elle peut aussi être vue comme une représentation stylisée d’un corps de femme. Le slogan qui l’accompagne, « Découvrez le concept-store le plus chaud de Paris », invite, en jouant sur l’ambigüité et le double sens, à y voir davantage un corps stylisé qu’un visage.

Toutefois, les deux interprétations sont objectivement possibles, et quoiqu’il en soit il s’agit d’une représentation non figurative, surréaliste, qui utilise les produits vendus par la marque et qui a été diffusée accompagnée de l’autre affiche annonçant l’ouverture du magasin.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité en cause demeure acceptable au regard des dispositions de la Recommandation précitée.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 13 janvier 2017 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Benhaïm, Carlo, Depincé, Lacan et Leers.