Avis JDP n°199/12 –  PLATEFORME DE TRADING EN LIGNE

Décision publiée le 21.06.2012
(Révision de la décision 186/12- 188/12)

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de demande de révision,

– après avoir entendu les représentants de l’annonceur, de la société de trading en ligne plaignante et de l’Autorité des marchés financiers,

– et après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits et la procédure :

Par une décision n°186/12-188/12, délibérée le 9 mars 2012, le Jury de Déontologie Publicitaire, à la suite de plaintes émanant d’une société de trading en ligne et de l’Autorité des marchés financiers (AMF), s’est prononcé sur la question de la conformité aux règles déontologiques en vigueur, de publicités en faveur d’une société qui propose aux particuliers des services de « trading » sur le marché des changes.

Ces publicités se présentaient de la manière suivante :

Les bannières :

Un rectangle noir comportant un bouton vert sur lequel est inscrit « oui » à côté d’un bouton rouge sur lequel est inscrit « non ». Au dessus, figure la phrase « Risquer 100 euros pour gagner 3 000 euros en tradant sur le Forex ? » ; en dessous apparaît le nom de l’annonceur avec une zone de clic marquée par des flèches ;

Trois barils de pétrole empilés avec la mention « DEAL DU JOUR » suivie en caractères plus petits de «  Une expérience unique, avec 100 € seulement vous pouvez trader avec un compte de 40 000 € », puis dans un cartouche bleu « Obtenez le ici > » ;

Photo d’un jeune homme et une jeune femme souriants, accompagnée du texte : « Vous auriez pu faire 1 500 € en 5 jours … Cela aurait pu changer votre style de vie ? », puis dans dans un cartouche bleu « Apprenez en plus ici > » ;

Photo d’un jeune homme souriant, accompagnée du texte : « Nicolas a fait 3 500 € en un mois en tradant avec XXX », puis dans dans un cartouche bleu « Cliquez ici pour en savoir plus > »

Des coupures de billets de banque, accompagnés de l’accroche suivante : « Retraite à 35 ans ? Devenez un vrai TRADER en apprenant tout sur le marché du Forex ».

Elle renvoie vers le site de la société annonceur.

Photo d’une jeune femme souriante accompagnée du texte : « Tu peux devenir trader ! Apprends le marché du forex pour devenir un vrai trader ! », puis dans un cartouche bleu «Demande ton E-book + ta formation gratuite maintenant ». En tous petits caractère dans une bande de couleur marron figure en caractères blancs la mention «  Trader le Forex / les CFds comporte des risques considérables ».

Les publicités par pages

Trois pages d’accueil de site internet sont dénoncées par l’AMF : la première avec la mention « C’est ce qu’on appelle une semaine réussie ! Un investissement de 200 euros s’est transformé en 1 200 euros en moins de 5 jours !(…) Inscrivez vous aujourd’hui pour recevoir votre guide gratuit et commencez à bénéficier du marché du Forex » ; la seconde comporte le texte suivant : « Vous aussi vous pouvez trader ! Rejoignez les autres traders XXX et commencez à tirer profit du marché mondial des devises. Avec XXX démarrez en toute sécurité avec notre programme de formation unique conçu pour les débutants. (…) Inscrivez-vous aujourd’hui pour recevoir votre guide PDF et votre formation gratuitement » ; la dernière affiche le texte « Devenez un vrai trader ! Demandez votre guide du « trader pro » aujourd’hui ! Profitez de l’offre unique XXX et comprenez comment trader sur le marché même si vous n’avez jamais tradé auparavant. Ce kit d’apprentissage vous expliquera le marché du Forex , le marché le plus liquide, dynamique et lucratif du monde (…) »

Ces trois pages comportent toutes les trois en note de bas de pages, inscrites en petits caractères les mentions suivantes : « XXX est le nom commercial de XXX (Cyprus) Ltd. autorisée et régulée par la Commission des titres et des changes de Chypre (Cyprus Securities and Exchange Commission CySEC sous le numéro de licence 143/11.

Le marché des devises (« Forex ») et les contrats sur différences (« CFD ») comportent un degré élevé de risque et peuvent ne pas convenir à tous les investisseurs. Le degré élevé d’effet de levier peut autant jouer entre (sic) votre faveur qu’en votre défaveur. L’effet de levier peut conduire à des gains et des pertes. Avant de décider de négocier des devises et / ou des CFD, vous devez être conscient de tous les risques associés aux transactions Forex et aux CFD, et demander conseil à un conseiller financier indépendant si vous avez des doutes. La possibilité existe que vous pourriez subir une perte de tout ou partie de votre investissement initial et donc vous ne devriez pas investir l’argent que vous ne pouvez pas vous permettre de perdre. Les informations contenues sur cette page sont à des fins de publicité et de marketing uniquement et ne doivent en aucune façon être interprétées, explicitement ou implicitement, directement ou indirectement, comme des conseils en investissements, recommandations ou suggestions d’une stratégie de placement à l’égard d’un instrument financier de quelque manière que ce soit. Les CFD sont des instruments financiers dérivés, dont le prix est dérivé du prix de l’actif sous-jacent ou un contrat auquel se réfère le CFD (pour les devises, matières premières, indices, actions … etc .) Les instruments financiers dérivés et les marchés associés peuvent être très volatiles. Les prix des CFD et des instruments sous-jacents peuvent fluctuer rapidement et sur (sic) de manière importante et peuvent refléter des évènements imprévus ou des changements de conditions, qui ne peuvent être contrôlés par le client ou par XXX. Les prix indiqués ou les informations peuvent changer selon les conditions du marché. Lorsque vous investissez ou les CFD libellés dans une monnaie autre que celle de l’État dans lequel vous résidez, le rendement peut augmenter ou diminuer en raison des fluctuations des devises. Toute indication des performances passées ou des simulations de performances passées inclus (sic) dans une annonce publiée par XXX n’est pas un indicateur fiable des résultats futurs (etc…) »

La décision déclarant ces publicités non-conformes à la fiche de doctrine « Publicité des produits financiers » a été communiquée le 26 mars 2012 à la société annonceur qui a adressé, le 16 avril suivant, une demande en révision sur le fondement de l’article 22 du Règlement intérieur du Jury.

2.Les arguments des parties

Sur la révision 

 La société annonceur fait valoir que la procédure ayant abouti à la décision du 9 mars 2012 n’est pas conforme aux règles énoncées au chapitre D du règlement intérieur du JDP et, d’autre part, qu’il existe des éléments nouveaux dont le Jury n’avait pas eu connaissance lors de sa décision, ces éléments devant conduire à une décision de rejet des plaintes.

Sur le fond

La société plaignante soutient que la publicité de la société annonceur ne respecte pas la fiche de doctrine « Publicité des produits financiers – Publicité pour les produits financiers permettant de s’exposer sur le Forex, les indices boursiers, les cours des matières premières avec un effet de levier ». Elle conteste le caractère « clair » et « détaillé » des informations contenues sur le site internet de l’annonceur concernant les risques. En effet, la quasi-totalité des informations et documents sont en langue anglaise, ajoutant une difficulté supplémentaire de compréhension aux clients non bilingues.

Elle ajoute que l’« Avertissement à haut risque » qui n’est disponible sur le site qu’en langue anglaise, précise que le client utilise l’effet de levier pour ses investissements avec l’annonceur ; que dans le cas de trading sur Forex ou CFD, des pertes significatives peuvent être subies par le client ; que les clients peuvent perdre leur apport initial servant de couverture à leurs investissements sur marge.

Selon elle, les avertissements indiquant que l’investissement sur marge est aussi profitable qu’il peut générer des pertes, que les investissements sur marge entrainent de plus hauts niveaux de risques que des investissements directement passés sur les marchés sous-jacents, que pendant certaines périodes de temps, la volatilité des marchés peut entrainer l’impossibilité pour le client de clôturer ses positions, déterminer la valeur au marché de ses investissements ou son exposition globale au risque, sont insuffisamment claires.

Si aucune des parties à l’investissement ne peut ni agir sur une position ouverte, ni déterminer sa valeur, ni son risque, comment clôturer cet investissement en faisant en sorte que le client ne subisse aucune perte ? Cela semble impossible et peut donc engager le client sur des pertes bien supérieures aux montants détenus initialement sur son compte.

Même si la société se targue de maitriser la marge du client en ne faisant pas utilisation de l’appel de couverture (ou appel de marge, renflouement par le client de son compte devenu débiteur et ne supportant donc plus les couvertures nécessaires), la position ne pouvant ni être évaluée, ni être clôturée peut entrainer des pertes substantielles et plus importantes que l’apport initial.

Le document « Accord de Trading » lui aussi uniquement disponible en anglais, fait plusieurs fois mention de paiements dus par le client, de frais ou de situation de « défaut » qui laissent à penser que la société annonceur, bien qu’elle indique ne pas avoir de client en situation débitrice et que cela est même impossible chez elle, ait toutes les armes juridiques nécessaires pour faire face à des situations de clients débiteurs. Ainsi, l’article 9.1-d évoque les cas où le client serait dans l’incapacité de payer une dette.

La société plaignante ajoute que c’est nier la réalité que de clamer que la coupure des positions clientes dès que le solde du compte atteint zéro est une assurance absolue contre le risque de pertes supérieures aux dépôts initiaux. Non seulement l’annonceur se couvre, dans ses documentations fondant la relation contractuelle avec les clients, contre les risques de positions clientes débitrices, mais il est clair que la politique de coupure à zéro, mise en avant par l’annonceur, entraine des situations dans lesquelles les clients amènent des fonds supplémentaires pour servir de couverture et ainsi garder leurs positions ouvertes. Logiquement, il y a donc des risques de pertes supérieures à l’investissement initial.

Enfin, il est légitimement possible de remettre en question le caractère équilibré des publicités et campagnes marketing de l’annonceur lorsque les termes « vrai traders », « deviens trader » sont ainsi martelés laissant croire aux clients, même avertis par la suite, que l’activité de « trader » est facilement accessible en lisant quelques pages et en participant à des séminaires de quelques dizaines de minutes.

La société annonceur fait valoir qu’elle est une société d’investissement chypriote réglementée par CySEC et qu’elle ne doit pas être confondue avec une autre société de même groupe qui est domiciliée en Hongrie qui est courtier et propose des opérations à risque, mais ne fait pas de publicité en France.

Elle  utilise des avertissements sur les risques à la fois clairs et visibles pour chaque bannière, lesquelles indiquent que « les transactions sur le Forex et/ou les CFD incluent des risques considérables ».

Ses bannières et ses annonces publicitaires renvoient à des pages d’accueil qui fournissent des informations supplémentaires et plus détaillées concernant les avertissements sur les risques. Elles sont claires, équilibrées et véridiques.

Elle formule une mise en garde supplémentaire qui mentionne expressément à la page de renvoi « chaque transaction citée est sélectionnée à partir de transactions réelles réalisées avec succès mais ne constitue pas un indicateur fiable pour les transactions passées, présentes ou futures de tous les clients ».

La société annonceur ajoute que la décision du JDP est principalement fondée sur le fait que les risques financiers encourus par les investisseurs seraient susceptibles de dépasser leur investissement.

Cette affirmation est inexacte et procède d’une appréciation totalement erronée de la réalité technique telle qu’elle avait pourtant été explicitée dans sa lettre du 19 mars 2012.

Tout d’abord, une mise en garde supplémentaire sur les risques encourus accompagne désormais les pages d’accueil auxquelles les bannières et les publicités de l’annonceur qui est ainsi conçue : « chaque transaction citée est sélectionnée à partir de transactions réelles réalisées avec succès mais ne constitue pas un indicateur fiable pour les transactions passées présentes ou futures de tous les clients. ».

En revanche, à l’inverse de ce qui est prétendu dans la décision du Jury, un client ne peut pas perdre davantage d’argent qu’il n’a investi dans un compte pour garantir ses transactions sur le Forex. Elle explique à ce sujet qu’elle a mis en place, par un logiciel qui lui est propre, un mécanisme permettant de mettre automatiquement fin à toutes les opérations, lorsque le compte du client est à zéro, précisément pour lui éviter un découvert.

Cette règle est définie à la section 6.18 du règlement intérieur de l’annonceur qui dispose que :

« 6.18 : lorsque le niveau de marge atteint zéro, XXX met automatiquement fin à toutes les opérations au prix offert ».

La société fournissant une assistance technique à la société propriétaire du journal d’information, fait observer qu’elle n’a pas d’autres éléments ou arguments à exposer autres que ceux déjà formulés lors de la séance du 9 mars

L’ARPP confirme l’analyse développée dans le cadre de la décision du 9 mars 2012.

L’Autorité des Marchés Financiers (AMF), représentée à la séance, indique qu’il est impossible d’entrer en contact avec la société domiciliée à Chypre et qui n’est présente en France que par sa vitrine internet.

Elle précise qu’elle a reçu un certain nombre de plaintes d’investisseurs français démontrant qu’il est possible de perdre davantage de fonds que ceux qui ont été investis sur un compte de l’annonceur, plaintes, qui n’étaient pas présentées lors du premier examen du dossier, et n’ont été produites qu’au moment de la séance, sans être soumises à la contradiction de la société annonceur. Dans la mesure où elles n’avaient pas pu être examinées et discutées préalablement à la séance par la société mise en cause, le Jury a refusé qu’elles lui soient communiquées.

3.Les motifs de la décision du Jury

 Sur la conformité de la procédure

 L’article 22 du règlement intérieur du JDP précise que tout annonceur, agence, média ou plaignant peut demander à celui-ci la révision de la décision prise à son encontre, en cas de survenance d’éléments nouveaux, non connus du Jury à la date de sa décision et/ou dans le cas où la procédure suivie n’a pas été menée conformément au chapitre D du règlement.

 La société annonceur fait valoir que dans ses observations du 21 février 2012 répondant aux plaintes qui lui avaient été communiquées, elle avait demandé à être entendue et que tel n’a pas été le cas, puisqu’elle n’a pas reçu de convocation à la séance. Elle soutient que ce procédé constitue une violation de l’article 14 du Règlement intérieur du Jury de déontologie.

Il résulte de la lecture de la décision que les plaintes ont été examinées dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur. Cette disposition figurant au chapitre D -Procédure, précise que pour les cas relevant d’un manquement flagrant aux règles professionnelles ou se rattachant manifestement à des cas déjà jugés plusieurs fois, une procédure simplifiée peut être proposée. Cette disposition ajoute que dans ce cas, une lettre est adressée aux responsables de la publicité les informant de la plainte, de ce que la violation à une règle déontologique paraît constituée et que la procédure se fera sans audition, à moins qu’ils ne demandent expressément, dans un délai de quinze jours à réception de la lettre, la tenue d’une audience.

La lettre de communication des plaintes à la société annonceur contenait ces précisions.

La lecture de la lettre adressée par cette dernière permet de constater qu’elle est rédigée en anglais et qu’après six pages d’arguments de défense, il est indiqué que si le Jury maintenait son examen en séance de cette affaire, elle demandait à être convoquée et entendue.

Cette phrase n’a pas été prise en compte par le Jury qui a délibéré sur la seule base des arguments de défense communiqués par la société annonceur, mais sans que celle-ci soit entendue.

La procédure n’a donc pas été conforme aux articles 12 et 14 du règlement intérieur.

Il convient en conséquence de réviser la décision et, d’examiner à nouveau la plainte au regard des publicités telles qu’elles existaient lors du dépôt des plaintes, ainsi que des arguments que la société annonceur a pu exposer lors de la séance de révision.

Sur les publicités en cause

Les deux plaintes qui portent sur les publicités de la même société et se présentent de manière identique en faveur des investissements et/ou des services de formation proposés par cette société sont jointes et feront l’objet d’une seule décision.

A titre liminaire, le Jury rappelle qu’aux termes de la mission qui lui est confiée, consistant à examiner la conformité des messages publicitaires au regard des règles déontologiques édictées par les trois professions du secteur publicitaire, il importe peu qu’un plaignant soit concurrent de l’annonceur, dès lors que seule la question du respect de la déontologie est en cause. Son règlement intérieur, qui précise à l’article 2 que le Jury peut être saisi par toute personne physique ou morale, ne comporte aucune limitation quant à la qualité des plaignants.

Le Jury rappelle encore que la Fiche de doctrine « Publicité des produits financiers » de l’ARPP qui a été adoptée le 27 mai 2011 par le Conseil d’administration de cette Autorité et fait l’objet, depuis, d’une diffusion auprès des adhérents et d’une publication sur son site internet dans la rubrique « Règles déontologiques » dispose que :

2-1 Transparence

2-1-1 Identifications de l’annonceur et de l’autorité de régulation concernée

« L’annonceur à l’origine de la publicité doit être clairement identifié ou identifiable. Cette identification doit être lisible dans des conditions normales de lecture et facile d’accès pour tout consommateur.

La publicité doit permettre au consommateur d’identifier, directement ou indirectement, l’autorité de régulation nationale (ou ARN) qui a officiellement habilité l’annonceur à proposer le type de produits ou services dont il fait la publicité.

2-1-2 Clarté, loyauté et véracité de la publicité

  1. b) Équilibre de la publicité

« Le contenu de la publicité et des promesses annoncées doit être véridique et répondre au principe de loyauté.

En ce sens, l’ensemble de la publicité doit être équilibré entre, d’une part, la présentation des performances (gains, rendements y compris sous forme visuelle ou graphique) du produit ou service et, d’autre part, les risques inhérents à la souscription de ce dernier.

Cet équilibre de la publicité, recommandé par divers régulateurs européens, implique la présence, dans toute publicité, quel que soit le support de diffusion utilisé, d’une information claire, intelligible et parfaitement lisible et/ou audible sur les risques propres à l’activité ou au(x) produit(s) visé(s).

Lorsque la présentation de ces risques se traduit à l’écrit par une mention, celle-ci devra se distinguer, par tous moyens, des autres informations (et, notamment, ne pas être accolée aux autres mentions) sauf impossibilité technique liée au format et, à l’oral, un énoncé audible devra se distinguer clairement de toutes autres informations.

Dans tous les cas, la publicité ne peut laisser penser que le consommateur ne prend aucun risque et/ou que son risque est limité. ».

Sur les bannières

Les bannières sont une forme de publicité particulière appelant par un message accrocheur à se rendre sur le site de l’annonceur qui mêle une publicité et une offre de service.

Les bannières mises en ligne par la société annonceur et retranscrites ci-dessus s’inscrivent dans ce mécanisme.

Les bannières étant de petite surface, il n’est pas possible d’y mentionner un grand nombre d’informations, ce que le Jury admet.

Dans ces conditions, et dans la mesure où ces messages sont de nature à inciter à consulter le site de l’annonceur, il est sans gravité qu’à ce stade, celui–ci ne soit pas identifié ni que l’autorité de régulation dont il dépend, ne soit pas précisée.

Le Jury observe cependant que les messages diffusés par les bannières comportent toutes des montants de gain ou de surface d’investissement qui peuvent être importantes pour certains consommateurs et constituent des propositions particulièrement tentantes dans le contexte de crise financière actuel et les difficultés y afférentes.

Il observe aussi que sur l’une d’entre elles, la société annonceur a réussi à inscrire la mention « Trader le Forex / les CFds comporte des risques considérables », démontrant ainsi qu’il est possible de procéder de la sorte.

Dans la mesure où les bannières comportent un message d’offre particulièrement attractive, la précaution d’équilibre doit s’appliquer dès ce stade de la publicité et l’annonceur doit donc veiller à ce que, sur ces messages, figure au moins une mention afférente aux risques des investissements en cause.

Sur les pages publicitaires

A titre liminaire, le Jury relève qu’il n’a, en l’état des éléments qui lui ont été fournis, pas de raison de mettre en doute l’affirmation de la société annonceur selon laquelle lorsque les sommes investies au moyen d’un compte ouvert auprès d’elle deviendraient insuffisantes à garantir la totalité des pertes, les opérations sont automatiquement arrêtées au moyen d’un logiciel qu’elle aurait spécifiquement fait élaborer dans cet objectif.

Cette affirmation qui implique que la personne détentrice d’un compte chez elle, qui investirait sur le Forex, peut perdre la totalité de son investissement, mais pas davantage, est reprise dans l’article 6.18 de son règlement intérieur.

Il ressort de cette constatation que la circonstance selon laquelle un placement sur le Forex, opéré auprès de la société annonceur domiciliée à Chypre, n’est, en l’état des éléments dont dispose le Jury, pas susceptible d’entraîner de perte supérieure à la somme investie.

Sur ce point, il n’est pas possible de retenir, ainsi qu’y invite la société plaignante, que dans le cas où une personne ayant perdu sa mise de fonds ouvrirait un nouveau compte qui, à nouveau, serait débiteur en raison de nouvelles pertes, celle-ci perdrait alors davantage que son investissement initial. En effet, la perte de la somme initialement investie constitue un avertissement des risques encourus par les placements sur le Forex et un nouveau placement accompli, en dépit de cet avertissement, est fait en connaissance de cause.

Il n’en demeure pas moins, cependant, qu’en dépit du logiciel mis en place par la société annonceur, les pertes des placements sur le Forex opérés par son intermédiaire, peuvent être de la totalité du montant de la somme investie, ce qui, pour certaines personnes, peut entraîner des conséquences particulièrement dommageables.

Cette précision étant apportée, le Jury doit examiner les publicités en cause, telles qu’elles existaient au moment du dépôt des plaintes. Il ne peut donc prendre en considération les modifications opérées depuis lors.

Les messages délivrés par les pages dénoncées par l’AMF concernent soit des formations rapides pour devenir trader, soit des invitations à investir immédiatement sur le Forex ou tout autre produit comportant un « effet de levier ».

Il résulte de la consultation des pages suivant les offres de formation que celles-ci comportent d’ailleurs aussi des offres à un investissement immédiat. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé, les investissements en cause comportent des risques importants de pertes.

Le Jury observe que les pages en cause comportent des mentions en note de bas de page, qui permettent d’identifier la société annonceur et l’autorité de régulation dont elle dépend.

Ces notes précisent aussi en caractères gras que « Le marché des devises (« Forex ») et les contrats sur différences (« CFD ») comporte un degré élevé de risque et peuvent ne pas convenir à tous les investisseurs ».

Le reste de la note de bas de page est plus précis sur les risques encourus et détaille les raisons de ces risques. Cependant, ces mentions figurent en caractères si petits qu’ils n’attirent pas l’attention de l’éventuel futur investisseur et elles sont inscrites dans une mise en forme de paragraphes particulièrement dense et compacte de nature à décourager le lecteur de s’y intéresser.

Ces avertissements présentent, de plus, toujours le gain avant la perte.

Dans ces conditions, s’ils sont incontestablement présents, les avertissements n’apparaissent, sur le plan des exigences déontologiques, pas suffisamment proportionnés ni au regard des possibilités de gains énoncées dans le corps des publicités, ni au regard des risques encourus qui peuvent s’étendre au moins à la totalité de la somme investie.

Enfin, s’agissant des formations à devenir « trader », le Jury observe qu’elles ne comportent aucune réserve ni sur les connaissances et qualités nécessaires pour se lancer dans cette activité risquée, ni sur le fait que quelques jours de formation ne permettent d’acquérir que quelques unes des connaissances permettant de l’exercer avec sécurité.

L’argument soutenu par la société annonceur et selon lequel l’activité de « trader » ne nécessiterait pas de compétences particulières en dehors d’une certaine vigilance à l’actualité et de quelques connaissances que ses formations permettent d’acquérir, n’apparaît pas convaincant. L’actualité récente permet, en effet, de garder en mémoire l’importance des pertes que l’activité des traders est susceptible d’entraîner. De plus, si la connaissance de certains mécanismes peut permettre à certaines personnes de se lancer avec succès à titre personnel dans le « trading », il n’en demeure pas moins que cette activité comporte, ainsi qu’il a été précisé ci-dessus, des risques financiers importants et que sa maîtrise réclame un certain niveau d’études spécifiques d’une durée de plusieurs années, ainsi que le démontrent les sites des écoles de commerce spécialisées en cette matière et consultables librement sur internet.

En conséquence, le Jury considère que les publicités en cause contreviennent aux règles déontologiques préconisant l’équilibre des publicités en matière d’investissements financier.

4.La décision du Jury

– La décision n° 186/12 et 188/12du 9 mars 2012 est annulée ;

– Cette annulation sera mentionnée sur le site du JDP et la décision sera retirée ;

– Les plaintes sont fondées ;

– Les publicités en faveur de la société annonceur contreviennent aux règles déontologiques relative à l’équilibre entre le message publicitaire et les risques encourus rappelées dans la disposition 2-I-2, b. de la Fiche de doctrine « Publicité des produits financiers » ;

– La présente décision sera communiquée à la société annonceur, à la société plaignante, à l’Autorité des marchés financiers, à la société propriétaire du journal d’information ainsi qu’à la société fournissant une assistance technique à cette dernière ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP ;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de veiller à ce que ces publicités ne soient en l’état plus diffusées.

Délibéré le 1er juin 2012, par Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM Benhaïm, Carlo, Lacan et Leers.