Avis JDP n°379/15 – FOURNISSEUR D’ENERGIE – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 14 octobre 2015
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu, d’une part, les représentants de l’association plaignante France Nature Environnement et d’autre part, les représentants de la société annonceur et de la maison d’édition ayant diffusé la publicité,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 23 juillet 2015, d’une plainte de l’association France Nature Environnement, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de plusieurs publicités diffusées par la société annonceur, sur Internet et en presse.

Les visuels Internet se présentent sous forme de bannières montrant un parc d’éoliennes en mer, accompagné des textes « X, partenaire officiel d’un monde bas carbone » ou « Tous mobilisés pour l’objectif 2° », et assorti du logo « Partenaire officiel – Paris 2015 » en référence à la Conférence de Paris sur le climat, dite COP 21.

Le visuel presse montre un barrage hydraulique et comporte le texte « X, partenaire officiel d’un monde bas carbone. Cette année, la Conférence de Paris pour le Climat se donne pour objectif de limiter à 2° le réchauffement de la planète. C’est l’objectif 2°. Parce que nous sommes tous concernés, parce que des solutions sont déjà à l’œuvre, parce qu’un monde décarboné est possible, nous pensons que si chacun s’engage, l’objectif 2° peut devenir une réalité. Nous faisons le choix de nous mobiliser et avec nous, tous ceux qui le souhaitent. X PARTENAIRE OFFICIEL DE LA COP 21 ». Au bas de l’annonce figurent la mention « Tous mobilisés pour l’objectif 2° » et le logo « Partenaire officiel – Paris 2015 ».

2. La procédure

La société annonceur et le titre de presse ayant diffusé la publicité ont été informés par courrier recommandé avec avis de réception du 12 août 2015 de la plainte dont copie leur a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Cette affaire qui devait être initialement examinée lors de la séance du Jury de Déontologie Publicitaire du 11 septembre 2015 a fait l’objet d’un report, à la demande de la société annonceur.

3. Les arguments échangés

– L’association France Nature Environnement précise à titre liminaire que sa plainte est recevable dès lors qu’elle met en cause une campagne qui fait la promotion de l’activité de la société, de sa contribution à la conférence des parties pour le climat ainsi que de sa contribution à un « monde bas carbone », et qui entre donc dans le champ de la publicité ou de la « communication commerciale » telle qu’elle est définie par le Code Consolidé de la Chambre de Commerce et d’Industrie.

L’association plaignante considère que les publicités litigieuses méconnaissent plusieurs dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité.

Sur l’utilisation de la formule « X, partenaire officiel d’un monde bas carbone » :

Les publicités en cause méconnaissent, selon l’association plaignante, le point 5.3 de la Recommandation selon lequel « La publicité ne doit pas attribuer aux signes, logos ou symboles une valeur supérieure à leur portée effective ». La société annonceur est partenaire et mécène de la Conférence des parties sur le climat qui se déroulera à Paris en décembre 2015, comme l’indique le site internet dédié à la conférence. Le partenariat, symbolisé par le logo apposé sur ces publicités, consiste en une aide financière ou en nature à l’organisation de la COP21. Mais il ne s’agit pas nécessairement d’un engagement pour l’entreprise de réduire ses émissions de CO2. Par conséquent, dans les publicités contestées, l’entreprise fait un lien abusif entre sa contribution financière à l’organisation de l’événement et un éventuel partenariat « officiel » pour un « monde bas carbone », formule vague et qui en tout état de cause supposerait la justification des activités effectivement menées par la société en vue de la lutte contre le réchauffement climatique. De plus la formule « X, partenaire officiel d’un monde bas carbone » apparaît dans une taille de police nettement plus grande que la formule inscrite à la fin du message « X, partenaire officiel de la COP 21 ».

En outre, aucun élément technique dans le message publicitaire ne permet de justifier ces propos, ce qui contrevient au point 6.3 de la Recommandation aux termes duquel : « Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que ‘contribue à’ ». France Nature Environnement observe que l’accroche « X, partenaire officiel d’un monde bas carbone » est de nature à induire le public en erreur.

Elle ajoute que le fait que cette allégation soit disproportionnée avec la réalité du partenariat viole également le point 1.1 relatif à la véracité des actions et le point 2.2 qui dispose que « Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion ».

Sur le reste du message :

La plaignante indique que le reste du message est marqué par le caractère particulièrement vague des actions revendiquées : « Tous mobilisés pour un monde sans carbone », « Nous faisons le choix de nous mobiliser et avec nous, tous ceux qui le souhaitent ».

Le message pourrait tout aussi bien émaner d’une ONG que de l’annonceur…  Ces allégations vagues et nébuleuses entrent directement en contradiction avec le point 6.5 de la Recommandation de l’ARPP.

La formulation « C’est l’objectif 2° » est, selon elle, également vague et contribue à induire le public en erreur en donnant l’image d’une entreprise vertueuse, sans expliquer les efforts entrepris afin de répondre à cet objectif. L’échéance de l’objectif en question n’est d’ailleurs pas précisée.

L’association plaignante soutient encore que la formulation « Parce qu’un monde décarboné est possible » est inexacte. L’objectif de limiter à 2° le réchauffement de la planète ne signifie pas que la planète sera ensuite « décarbonée » : le CO2 est en effet un composant indispensable à la vie sur terre, c’est l’excès de CO2 qui est l’une des causes du réchauffement climatique. Cette formulation fausse contrevient à un objectif plus général d’information et d’éducation environnementale du public et masque le fait que la limitation à 2° du réchauffement de la température mondiale ne signifie pas une absence de réchauffement climatique.

Elle fait observer qu’aucune explication technique ou scientifique n’est donnée pour corroborer les allégations de l’entreprise et aucun renvoi à un site internet n’apparaît afin de fournir des informations supplémentaires au public. Cette absence d’explicitation apparaît à l’association plaignante en contradiction avec les points 3.1, 3.2, 3.4 et 3.5 de la Recommandation de l’ARPP. Si une page sur le site internet de l’entreprise semble faire écho à cette publicité, les explications exigées par la Recommandation Développement durable de l’ARPP n’y figurent pas et la publicité en cause ne mentionne pas l’existence de cette page internet.

L’association FNE indique enfin que, pour convaincre le public que ses activités contribuent à l’objectif d’un « monde bas carbone » et justifier le fait qu’il est « partenaire d’un monde bas carbone », l’annonceur a choisi de mettre en avant dans ses visuels les deux énergies les plus propres et les moins polémiques possible : l’hydroélectricité et les éoliennes en mer. Or l’énergie hydraulique ne représente que 7% de la production d’électricité de l’entreprise et les autres énergies renouvelables mises en avant, 2% de la production d’électricité de l’entreprise. En utilisant pour le visuel de ses publicités deux modes de production d’électricité qui ne représentent que 9% de sa production totale, et en occultant délibérément le programme nucléaire qui contribue à 77% à la production de l’électricien, l’annonceur contribue à induire le public en erreur et ne rend pas compte de la réalité de ses activités, ce qui ne respecte pas :

  • les points 1.1 et 6.1 de la Recommandation de l’ARPP,
  • le point 1.3 qui prévoit que « Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées »,
  • le point 2.1 qui indique que « Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose »,
  • le point 2.2 selon lequel « le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. »
  • le point 7.1 aux termes duquel « Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient ».

– La société annonceur fait valoir tout d’abord que l’objet du message incriminé ne consiste pas en une quelconque promotion de ses activités de production d’énergie mais vise, compte tenu de la nature et de l’importance des enjeux, à mobiliser et à faire savoir qu’il se mobilise. Le message incriminé n’est donc pas une communication commerciale, ni un message publicitaire destiné à la promotion d’un service ou d’un produit. C’est une communication d’intérêt général en faveur du climat.

Elle précise qu’elle a souscrit, avec le Secrétariat Général chargé de la préparation et de l’organisation de la 21ème session de la Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, une convention aux termes de laquelle l’annonceur a été institué Partenaire Officiel de la COP 21. A ce titre et en application de cette convention, il est autorisé à se prévaloir de cette qualité sur tous ses supports de communication. L’attribution sélective de cette qualité de « Partenaire Officiel » ne concerne que les entreprises ou collectivités qui, au-delà de leur contribution à l’organisation de la COP 21, ont témoigné, de par leurs actions, d’un engagement significatif pour « un monde bas carbone » et d’une contribution à « l’objectif 2° », expression communément employée pour désigner l’objectif de limiter à 2°C le réchauffement de la planète. C’est dans ces conditions que la Charte d’Utilisation du visuel « Partenaire Officiel » rappelle que « le Gouvernement français souhaite mobiliser le secteur privé, offrir la possibilité à des entreprises de contribuer à l’organisation et à la visibilité de Paris 2015 sous certaines modalités, et leur permettre de valoriser leur engagement ». Les représentants de la société annonceur font par ailleurs valoir qu’elle est surveillée et renouvelle ses certifications régulièrement.

« Partenaire Officiel de la COP 21 », l’annonceur est nécessairement « Partenaire Officiel d’un monde bas carbone ». L’entreprise est donc légitime à témoigner de son engagement en vue de l’atteinte de cet objectif commun et à le revendiquer comme prioritaire.

Sur la prétendue violation des règles déontologiques de l’ARPP et de la Recommandation développement durable :

La société annonceur précise que l’objet même de la COP 21 est bien la lutte contre le changement climatique, avec pour objectif un maintien du réchauffement de la planète en deçà de 2°C, et à ce titre, la promotion des actions destinées à une réduction des émissions de CO2 en vue d’un « monde bas carbone ». Tout partenaire à quelque titre que ce soit de la COP21 est partenaire de l’objet qu’elle se fixe. La formule « Partenaire officiel d’un monde bas carbone », dans ce contexte et pour ce type de message, ne contrevient donc à aucune des dispositions de la Recommandation Développement Durable, et n’excède en rien « les limites auxquelles la stylisation et la simplification d’un message publicitaire conduisent nécessairement » (Avis JDP-96/11). Quant à l’expression « monde décarboné », elle traduit non pas le souhait d’éliminer toute émission de gaz carbonique, mais un objectif de neutralité, où les quantités de carbone émises seraient identiques aux quantités de carbone captées.

Quant à la mention « Tous mobilisés pour l’objectif 2°C », l’expression « objectif 2° » est communément employée par l’ensemble des acteurs, institutionnels ou non, dont notamment le Secrétariat Général de la COP 21, ou encore le vice-président du GIEC, qui l’a utilisée pour le titre de son livre « Le Défi Climatique / Objectif : 2°C ! ». Cette expression est devenue aujourd’hui un terme de ralliement et l’objectif 2°C a été relayé par de nombreux articles dans la presse nationale. Ainsi l’annonceur ne fait que reprendre dans cette communication une expression connue et largement utilisée. Enfin, ici encore, les contraintes propres au message publicitaire autorisent l’emploi de ce type de formule.

L’annonceur ajoute qu’aucune des formules employées dans le message ne suppose, pour conforter sa clarté ou sa véracité, d’« explication technique ou scientifique » particulière, s’agissant d’un message dont le seul propos est de souligner la mobilisation de l’entreprise. Au surplus le Jury a déjà eu l’occasion, dans un avis du 3 juillet 2015, de rappeler qu’un message publicitaire reposant sur un simple constat factuel ne supposait pas qu’il fasse référence à des études ou travaux scientifiques pour l’étayer. Il en est de même pour le message incriminé, qui n’a pas pour but la promotion d’un produit ou d’un service, mais l’affirmation par l’annonceur de sa mobilisation en vue de l’atteinte d’un objectif qui n’est pas réservé à tel ou tel, mais qui bien au contraire doit être le plus largement partagé.

L’annonceur, outre son partenariat officiel avec la COP 21, a entrepris de multiples actions en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique (tables rondes, cycles de conférences, appels à projets, etc.). Il est renvoyé notamment au Document de référence 2014 (accessible sur Internet) : « Grâce à son parc de production constitué d’une part importante de nucléaire (72 913 MW, soit 54 %) et d’énergies renouvelables, incluant l’hydraulique (28 265 MW, soit 21 %) faiblement émetteur de CO2, le groupe X s’engage à rester l’électricien de référence dans la lutte contre le changement climatique et dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. (…) Pour lutter contre le changement climatique, le Groupe investit dans des moyens de production à faible ou sans émissions de CO2, dont les énergies renouvelables (…) et le nucléaire, et vise une production à 75 % non émettrice de CO2à l’horizon 2020 (pour une capacité brute totale installée d’environ 160 GW). Le Groupe s’engage également à réduire ses émissions indirectes, par exemple celles de ses immeubles tertiaires, grâce à une gestion adaptée du bâti et à la mobilisation des salariés. Depuis 2011, X publie annuellement le bilan de ses émissions de gaz à effet de serre, incluant également les émissions indirectes, allant ainsi au-delà de ses obligations légales (article 75 de la loi Grenelle 2). Ce bilan couvre l’ensemble des activités de X, de la fabrication du combustible à la production, jusqu’au fonctionnement de l’entreprise. »

Enfin, concernant le grief qui lui est fait « d’occulter délibérément [dans les visuels] le programme nucléaire qui contribue à 77% à la production de l’électricien », l’annonceur indique qu’il n’a pas de sens au regard du message incriminé, dont le propos n’est pas de présenter ses services et produits, ni de procéder à un examen comparé. En outre, l’électricité produite par une centrale nucléaire est, précisément, sans émission de CO2 – ce que le Jury a déjà eu l’occasion de rappeler (Avis JDP 373/15 du 3 juillet 2015). Le Jury a également souligné « qu’il n’est nulle part fait obligation à l’annonceur de présenter dans chaque publicité l’ensemble de ses activités ». De plus, la contribution de l’annonceur à une réduction du facteur carbone est systématiquement rappelée par les experts, son parc nucléaire (peu émetteur en CO2) contribuant de façon très significative à maintenir le facteur carbone moyen européen à des valeurs relativement basses (cf. Rapport PWC décembre 2014 page 12). Les représentants de l’annonceur soulignent qu’il, premier électricien de la planète, a l’un des taux les plus bas d’émission de carbone par kilowatt/heure produit.

La société annonceur soutient qu’elle est donc légitime à se déclarer partenaire d’un monde bas carbone et le choix des deux visuels est cohérent avec le message.

– La maison d’édition, où est paru la publicité en cause, indique s’associer pleinement, en tant que support, aux observations de la société annonceur. Son représentant fait valoir que la campagne en cause n’est pas une campagne de publicité au sens strict, visant à promouvoir des produits ou services, mais un visuel de communication institutionnelle, mettant en avant le partenariat de l’annonceur avec un événement relevant de la coopération inter-étatique internationale dans le domaine de la protection de l’environnement. Il ne s’agit donc ni d’une communication commerciale ni d’un message publicitaire mais d’un message visant à sensibiliser et mobiliser autour d’un enjeu qui participe de l’intérêt général.

Sur l’utilisation de la formule « X, Partenaire Officiel d’un monde bas carbone » :

La maison d’édition indique que l’objectif de la COP 21 est de trouver un nouvel accord international sur le climat afin de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2°C. Il s’agit ainsi de lutter contre le réchauffement climatique et, à ce titre, de promouvoir toutes les actions destinées à une réduction des émissions de CO2 en vue d’un « monde bas carbone ». Il est clairement précisé sur le site de la COP 21 que les entreprises mécènes de cette conférence sont celles « déjà engagées dans une dynamique de lutte contre le dérèglement du climat ». Les entreprises partenaires sont « celles dont les activités sont compatibles avec l’esprit de la conférence » et dont la participation doit permettre d’assurer un « haut niveau d’exigence environnementale ». C’est le cas de celles qui ont obtenu la qualité de « Partenaire officiel » de la COP 21, telles que l’annonceur. Les entreprises partenaires officiels de la COP 21 sont dès lors partenaires de l’objectif de ladite conférence du fait de leur mobilisation. Pour reprendre les termes de l’annonceur : être « Partenaire officiel de la COP 21 » implique nécessairement le fait d’être « Partenaire officiel d’un monde bas carbone ».

Dans ces circonstances, la plaignante ne peut raisonnablement soutenir que « l’apposition du logo indique uniquement que l’entreprise participera financièrement à l’organisation de la COP 21 », étant par ailleurs rappelé que les contributions des partenaires officiels peuvent être « des dons en nature ou des contributions financières ».

Elle ajoute que la plaignante porte manifestement un jugement de valeur sur la formule « Partenaire Officiel d’un monde bas carbone » en estimant que l’annonceur « aurait pu relativiser le message en énonçant par exemple son souhait de contribuer à un monde avec moins de carbone ». Cette opinion subjective n’est pas de nature à caractériser une violation de la Recommandation. Le grief formulé se situe sur un terrain idéologique. C’est en réalité un procès en illégitimité qui est fait par la plaignante à l’annonceur.

La formule en cause n’excède pas, selon elle, « les limites auxquelles la stylisation et la simplification d’un message publicitaire conduit nécessairement ».

Sur les autres éléments du message :

Les expressions « Tous mobilisés pour un monde bas carbone » et « Nous faisons le choix de nous mobiliser et avec nous, tous ceux qui le souhaitent » se veulent fédératrices et mobilisatrices à l’égard des lecteurs qui sont concernés par la lutte contre le réchauffement climatique, grande cause nationale de l’année 2015 dont la COP 21 est l’expression concrète. Elles ont pour finalité de susciter une réaction des lecteurs sur une question d’intérêt général, et relèvent du vocabulaire employé dans le cadre de la COP 21 et de la lutte contre le réchauffement climatique.

L’expression « Objectif 2° » est fréquemment utilisée pour évoquer la problématique du réchauffement climatique. L’annonceur pouvait donc légitimement utiliser l’expression « c’est l’objectif 2° » alors qu’il est partenaire officiel de la COP 21 et qu’il s’est mobilisé contre le réchauffement climatique. Le Jury a d’ailleurs déjà eu l’occasion de retenir qu’un annonceur pouvait faire état de sa contribution aux objectifs du Grenelle de l’environnement, dans un Avis JDP 34/09 du 21 décembre 2009.

L’expression « monde décarboné » est utilisée par de nombreux acteurs publics et privés qui l’ont vulgarisée. Elle est souvent employée en lien avec l’objectif de maintenir le réchauffement terrestre en deçà de 2°C.

Enfin, contrairement à ce que soutient la plaignante, les expressions en cause, dont l’objet est d’évoquer l’engagement et le partenariat de l’annonceur, ne nécessitent pas d’explication technique ou scientifique.

Sur les visuels utilisés :

La maison d’édition fait observer que les visuels sont en corrélation avec le message institutionnel de mobilisation autour d’un objectif environnemental. Celui-ci fait état de l’engagement de l’entreprise dans la lutte contre le réchauffement climatique et de sa qualité de partenaire officiel de la COP 21. Le fait que l’énergie nucléaire ne soit pas représentée sur le visuel relatif à un « monde bas carbone » n’est pas de nature à remettre en cause la possibilité pour l’annonceur de faire état de son engagement à limiter les émissions de CO2, étant rappelé que la production d’électricité au sein d’une centrale nucléaire n’est pas émettrice de CO2.

Pour toutes ces raisons, la maison d’édition estime qu’elle était fondée en qualité de support à exécuter les ordres d’insertion dont elle était destinataire de la part de l’annonceur.

4. L’analyse du Jury

Sur la recevabilité de la plainte :

Selon le code consolidé de la Chambre de commerce et d’industrie internationale (dit code ICC), la publicité se définit comme « toute forme de communication commerciale pratiquée par les médias, habituellement en échange d’un paiement ou d’une autre contrepartie de valeur ». Le même code précise que la « communication commerciale » s’entend de « toute forme de communication produite directement par un professionnel de la communication ou en son nom et destinée principalement à promouvoir un produit ou à influencer le comportement des consommateurs ».

En l’occurrence, le Jury estime que les visuels mis en cause, qui valorisent le partenariat officiel de l’annonceur au sein de la COP 21, ont pour but de mettre en valeur son action et, le cas échéant, d’influencer le comportement des consommateurs de plus en plus sensibles aux problématiques environnementales. Il ne revêt donc pas un caractère purement informatif, mais promotionnel, et constitue ainsi une publicité pouvant faire l’objet d’une plainte devant le Jury.

Sur la conformité aux règles déontologiques :

L’association plaignante renvoie à plusieurs points de la Recommandation « Développement durable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) et reproche aux publicités incriminées de ne pas les respecter.

Le Jury rappelle que cette Recommandation dispose notamment que :

« 1.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable. »

« 3.3. Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation Mentions et renvois de l’ARPP. »

« 3.4. Dans les cas où cette explicitation est trop longue pour pouvoir être insérée dans la publicité, l’information essentielle doit y figurer, accompagnée d’un renvoi à tout moyen de communication permettant au public de prendre connaissance des autres informations. »

« 6.5. Le vocabulaire technique, scientifique, ou juridique, peut être utilisé s’il est approprié et compréhensible pour les personnes auxquelles s’adresse le message publicitaire. »

En premier lieu, le Jury relève que les communications en cause visent à promouvoir, non pas des activités de production d’énergie de l’annonceur mais la mobilisation de l’entreprise dans le cadre de la COP 21, en faveur des objectifs de lutte contre le réchauffement climatique ainsi que de limitation de la production de gaz carbonique, et qu’étant partenaire officiel de la COP 21, l’entreprise peut légitimement se prévaloir de cette qualité sur tous ses supports de communication. Toutefois, dans les communications en cause, se trouvent à la fois mentionnés, d’une part, le constat factuel et objectif selon lequel l’annonceur est « partenaire officiel de la COP 21 » et d’autre part, une formulation subjective selon laquelle il est également « partenaire officiel d’un monde bas carbone ». Or l’objectif d’un « monde bas carbone », qui est certes l’un des objectifs officiellement poursuivis par la COP 21, ne peut être assimilé à une structure ou une personne avec laquelle pourrait se nouer un « partenariat officiel ». En outre, l’expression « monde bas carbone » ne fait l’objet d’aucune explication qui en éclairerait le sens et la portée. Ainsi la publicité en cause opère un glissement sémantique en passant de la notion de « partenaire de la COP 21 » à celle de « partenaire d’un monde bas carbone » qui est une notion plus vaste mais aussi plus floue au regard de ce que peut être l’action réelle de l’annonceur. Cette imprécision n’est compensée par aucune indication ou renvoi à un site qui détaillerait les engagements pris par l’entreprise, dans le cadre de son partenariat avec la COP 21, en termes de réduction des émissions de CO2 et qui permettrait ainsi d’éclairer les cibles de la publicité.

Compte-tenu de ce qui précède, le Jury estime que l’expression « X, partenaire officiel d’un monde bas carbone » est susceptible d’induire le public en erreur sur la réalité écologique des actions de l’annonceur, en méconnaissance du point 1.1 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, et qu’elle n’est pas non plus conforme aux points 3.3, 3.4 et 6.5 précités de cette Recommandation, faute de donner suffisamment de précisions sur les engagements pris par l’entreprise, dans le cadre de son partenariat avec la COP 21, en termes de réduction des émissions de gaz carbonique. Le Jury estime plus généralement que s’il est compréhensible que l’annonceur n’ait pas souhaité alourdir les messages délivrés par des précisions techniques, celles-ci pourraient facilement être explicitées dans un site qui détaillerait les actions menées par l’annonceur en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Dans cette mesure, l’expression « X, partenaire officiel d’un monde bas carbone » n’est pas conforme à l’exigence de clarté qui découle du point 3 de la même Recommandation.

Le Jury relève, en revanche, en deuxième lieu, que la formulation « C’est l’objectif 2° » s’appuie sur un objectif connu et largement relayé par les médias. La revendication de la société annonceur d’adhérer à cet objectif ne nécessite pas qu’elle décrive les moyens par lesquels elle participe à ce qu’il soit atteint.

En troisième lieu, le Jury estime que la formulation « Parce qu’un monde décarboné est possible » n’est pas ambiguë dans la mesure où elle traduit, avec les limites inhérentes à la communication publicitaire, l’objectif de capter autant de carbone qu’il en est produit.

Enfin, le grief tiré de ce que les visuels utilisés ne montrent que deux types de production d’électricité – barrage hydroélectrique et éoliennes en mer  – et ne se réfèrent pas à l’électricité d’origine nucléaire, n’est pas non plus fondé dans la mesure où, d’une part, le Jury constate qu’il n’est pas contesté par les associations plaignantes que la production d’électricité au sein d’une centrale nucléaire n’est pas directement émettrice de CO2 et où, d’autre part, ainsi qu’il l’a déjà précisé dans de précédents avis, les règles déontologiques n’imposent pas à l’annonceur de présenter dans chaque publicité l’ensemble de ses activités.

Le Jury précise enfin que l’annonceur n’est pas privé de la possibilité de faire la promotion de son engagement en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Il lui appartient seulement de veiller au respect des règles déontologiques édictées par la profession.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 2 octobre 2015 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Lieber, vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM. Benhaïm, Carlo, Lacan et Leers.