Avis JDP n°457/17 – AUTOMOBILE – Plainte fondée

Avis publié le 9 juin 2017
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 2 mars 2017, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité diffusée sur Internet.

Cette publicité présente le véhicule circulant, pendant une partie du film, sur le trottoir et la piste cyclable du pont Bir Hakeim à Paris.

Le texte accompagnant ces images est « Nous ouvrons la voie… en allant où personne n’est encore allé ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant considère que cette publicité qui montre un véhicule circulant en dehors de voies ouvertes à la circulation contrevient aux règles rappelées dans les bilans déontologiques de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

Il précise que la publicité visée s’inscrit dans un contexte où les cyclistes, piétons et personnes à mobilité réduite notent depuis quelques années une recrudescence des actes d’incivilités de la part de conducteurs de véhicules motorisés dans de nombreuses villes françaises : stationnement sur des pistes cyclables, trottoirs et passages piétons, dépassements dangereux, refus de priorité aux passages piétons et dans les aires réservées, utilisation de voies réservées….

Dans ce contexte, cette publicité contribue, selon lui, à banaliser les comportements dangereux et des incivilités quotidiennes dont sont victimes les usagers les plus vulnérables, en incitant au non respect du code de la route et des infrastructures qui leur sont dédiées, à travers un message qui mène à penser qu’une piste cyclable ou une aire piétonne est une voie carrossable comme les autres.

Il indique également que cette publicité vient à l’encontre des politiques que développent actuellement les pouvoirs publics, lesquelles visent à rééquilibrer l’espace urbain au profit des mobilités douces et à prévoir des zones réservées aux usagers vulnérables dans le but de pacifier la circulation urbaine, et de permettre ainsi à terme une meilleure cohabitation entre véhicules motorisés, non motorisés et piétons.

En montrant un véhicule se réappropriant ces espaces,  l’annonceur envoie le message aux automobilistes que la ville leur appartient et qu’ils peuvent reprendre la voirie dont on leur a retiré la jouissance exclusive.

Enfin, le spot publicitaire se met en contradiction avec les messages diffusés par les associations de sécurité routière qui incitent à un partage de la route entre tous les usagers et au respect des règles élémentaires de prudence.

Dans un argumentaire adressé le 8 avril 2017, il a ajouté que la publicité montrait également le véhicule évoluant dans des aires réservées aux piétons autour de la pyramide du Louvre.  L’annonceur et son agence de publicité, en diffusant ce film publicitaire, font preuve d’un manquement flagrant au devoir d’éducation des automobilistes là où ils devraient montrer l’exemple d’une conduite respectueuse et consciente des autres usagers de la route.

La société a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 3 avril 2017, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

La société  fait valoir qu’elle est particulièrement attachée au respect des  règles de déontologie et regrette que le film puisse y apparaître contraire. Par ce film, la société a souhaité représenter Paris et ses monuments dans une ambiance poétique, ésotérique, presque irréelle. Ainsi, l’intention de la société n’a jamais été d’encourager le public à une conduite dangereuse.

Cependant, consciente de l’émotion et de l’impact que ce film publicitaire a pu susciter, elle se propose de le modifier afin de le rendre conforme aux Recommandations de l’ARPP, en supprimant le marquage au sol de la piste cyclable située sous le pont Bir-Hakeim, en raccourcissant la scène figurant « un zèbre » pour que la longueur des plans du film montrant le conducteur tournant la tête vers la gauche soit très réduite et que soient coupées les images où le conducteur porte son regard vers l’arrière extérieur du véhicule.

3. L’analyse du Jury

Le Jury précise que la plainte initiale portait sur le seul visuel du véhicule circulant sur le pont Bir Hakeim à Paris, sans mentionner la circulation de la voiture dans les espaces piétons près de la pyramide du Louvre. L’ajout de cette séquence dans l’argumentaire adressé le 8 avril 2017 par le plaignant n’est pas recevable en ce qu’il étend le périmètre de la plainte après que celle-ci a été adressée à l’annonceur.

Le Jury rappelle que la Recommandation « Automobile » de l’ARPP prévoit que :

« En plus des dispositions législatives et réglementaires applicables, la publicité pour un véhicule de tourisme doit, sous quelque forme que ce soit, respecter les règles déontologiques suivantes :

La publicité ne doit pas …  donner à penser, dans les messages, que les qualités des véhicules en matière de sécurité active et passive permettent de transgresser les règles élémentaires de prudence qui s’imposent à tout conducteur ;

Elle ne doit pas mettre en scène, dans des conditions normales d’usage, des véhicules en contravention avec les règles du Code de la route ou les impératifs de sécurité ;

Elle ne doit pas susciter chez les conducteurs un comportement agressif, violent ou portant atteinte aux autres usagers de la route ».

D’autre part, la Recommandation « Sécurité – Situations et comportements dangereux » dispose :

– dans son préambule, que « Sauf  justification pour des motifs éducatifs ou sociaux, la communication commerciale ne doit comporter aucune représentation ni aucune description de pratiques potentiellement dangereuses ou de situations où la santé et la sécurité ne sont pas respectées, selon les définitions des normes nationales locales » ;

– et dans son point 1 « Principes généraux », que : « Les communications commerciales ne doivent pas mettre en scène des situations ou des comportements dangereux, susceptibles de l’être ou encore de nature à les encourager ».

Le Jury relève que le véhicule, présenté dans la publicité objet de la plainte, évolue dans une zone effectivement interdite à la circulation automobile, reconnaissable comme telle par le marquage au sol, très apparent, de la piste cyclable sous le pont de Bir Hakeim.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que ces images du film publicitaire montrant le véhicule circulant dans cette zone ne sont pas conformes aux dispositions des Recommandations de l’ARPP précitées.

Le Jury précise enfin qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur les corrections à apporter aux publicités qui lui sont soumises afin de les rendre conformes aux dispositions déontologiques. Il suggère en conséquence à l’annonceur de se tourner vers les services de l’ARPP afin d’obtenir les précisions qu’il demande.

Avis adopté le 28 avril 2017 par Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mme Drecq et MM. Benhaïm et  Lacan.