Avis JDP n°269/13 – AGENCES DE COMMUNICATION – Plainte fondée

Décision publiée le 30.08.2013
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– et, après en avoir délibéré dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 juin 2013, d’une plainte de l’Association Chancegal et de sa cellule de veille médiatique Alerte Sexisme 974, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur d’une agence de communication.

La publicité en cause, diffusée par voie de presse montre la photo d’une femme nue, se tenant de trois quart, sans que l’on puisse voir le haut de son visage.

Son dos porte l’inscription « Quand nous créons un concept nous créons un avenir ».

Sur ses fesses est apposé un « flash code » portant l’adresse du site internet de l’agence.

2.Les arguments des parties

 L’association plaignante fait valoir que cette publicité porte atteinte à la dignité de la personne humaine.

Elle précise que, créée en 2001, elle a pour mission de promouvoir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes à La Réunion dans les domaines de la vie professionnelle, quotidienne et citoyenne.

Elle indique que l’enquête nationale sur les violences envers les femmes à la Réunion, publiée  en 2003 par les services de l’Etat (DRASS de la Réunion et Département), constate que dans ce département  plus d’une femme sur cinq a subi au moins une forme de violence dans un espace public au cours des 12 derniers mois, soit plus qu’en Métropole, que les agressions physiques et surtout sexuelles dans l’espace public sont plus fréquentes, signe d’un espace public plus sexiste et que la violence conjugale y est plus élevée.

Concernant le contenu de la publicité, objet de la plainte, l’association relève tout d’abord, que la présence d’un corps de femme dénudé est sans rapport avec le produit, à savoir le talent d’une agence publicitaire  et que, de plus, cette publicité offre une représentation dégradante de la personne humaine en utilisant son corps comme support.

L’association explique avoir, déjà en 2012,  alerté l’annonceur sur le caractère sexiste d’une de ses  publicités selon les critères de la résolution européenne 1751, sans obtenir aucune réponse.

Selon cette association, la publicité enfreint deux des principes érigés par la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP : celui relatif à la représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine et celui selon lequel la publicité ne doit pas réduire la personne humaine et en particulier la femme à la fonction d’objet.

Elle fait valoir que le manquement est aggravé  par le caractère particulièrement ambigu du slogan qui, vante les vertus de l’exploitation du corps et laissant entendre que cette instrumentalisation constitue un moyen avant-gardiste et créatif d’être un publicitaire .et que, de plus l’annonceur est un professionnel reconnu de la publicité, membre de l’Association des Agences Conseils en Communication et dont le dirigeant est lui-même Président de la délégation outre-mer de l’AACC.

L’association indique avoir écrit à l’agence pour l’informer du caractère dégradant de sa publicité et proposer un dialogue constructif mais qu’elle n’a pas obtenu de réponse.

L’annonceur a été informé par courrier du 28 juin 2013 avec avis de réception de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée. Il a été également informé que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du JDP.

Avisé du courrier que lui a adressé le secrétariat du Jury, il n’a pas été le réclamer à la Poste. Il n’a donc  pas présenté d’observations.

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose :

Au point 1-3 que « D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures (…) etc., attentatoires à la dignité humaine ».

Au point 2-1 que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».

Le Jury relève qu’il n’existe aucun lien entre l’objet visé par la publicité et la représentation de la femme.

Par sa tenue dénudée, celle-ci est utilisée comme un faire-valoir pour promouvoir les produits offerts à la vente par l’annonceur.

En outre, le corps de la femme est considéré comme un simple objet sur lequel il est loisible d’écrire un slogan publicitaire.

Ce procédé constitue une instrumentalisation du corps de la femme la réduisant à la fonction d’objet et contrevient aux dispositions précitées.

4.La décision du Jury

– La plainte est fondée ;

– La publicité en cause contrevient aux points 1.3 et 2.1 de la Recommandation Image de la Personne Humaine ;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de prendre toutes mesures de nature à assurer le non renouvellement de cette publicité;

– La décision sera communiquée à l’association plaignante, à l’annonceur et au magazine concerné.

– Elle sera publiée sur le site du JDP.

Délibéré le 26 août 2013, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, MM. Depincé, Lacan et Leers.