Avis JDP n° 421/16 – CENTRE AUTO OCCASIONS – Plaintes fondées

Avis publié le 18 octobre 2016
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant les dossiers de plaintes,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, les 23 et 24 juin 2016, de deux plaintes de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur le site d’une chaîne de télévision, en faveur d’un constructeur automobile, pour promouvoir son offre de véhicules d’occasion.

Cette publicité met en scène un repas de famille, le père se levant et s’adressant à son beau-père en déclarant : « Paul, vous savez je suis très heureux avec votre fille : elle est intelligente, elle est belle et elle m’a donné de merveilleux enfants. Mais, après tant d’années j’ai besoin de changement. Je veux quelque chose de nouveau. Et comme nous nous entendons si bien, je souhaitais vous demander : puis-je vous rendre Sara et me marier avec votre plus jeune fille Claudia à la place ? ».

Un texte écrit présente les différentes conditions de l’offre. La voix-off précise : « Votre partenaire … reprend votre X, peu importe la raison ».

2. Les arguments échangés

– Les plaignants énoncent que cette publicité est sexiste et insultante à l’égard des femmes présentées comme une voiture que l’on échange et qu’elle fait également la promotion du divorce et de l’infidélité conjugale.

– La société annonceur a été informée par courrier recommandé avec avis de réception du 7 juillet 2016 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir que selon elle, l’humour dans le traitement du message et des personnages, devait permettre d’en percevoir le caractère décalé, tournant presque en dérision le discours prononcé par le personnage principal (ainsi qu’en atteste l’attitude des autres personnages, effarés).

Ce film lui semblait être, de ce fait, sans ambiguïté au regard du contexte déontologique et notamment de la Recommandation Image de la personne humaine. Elle indique avoir été confortée dans son appréciation par l’avis définitif positif rendu par l’ARPP au moment de sa diffusion.

L’annonceur affirme regretter l’impact négatif de ce film. Soucieux de ne pas créer plus de polémiques et afin de montrer son attachement aux valeurs de déontologie publicitaire, il a pris la décision de le retirer et d’en cesser définitivement la diffusion dès le 8 juillet.

– Le Syndicat National de la Publicité Télévisée fait valoir que, conformément à la procédure d’avis préalable dans le cadre de l’autodiscipline mise en place depuis 1990 par l’interprofession publicitaire, sur délégation du CSA, ce film a été diffusé dans la mesure où il a reçu un avis favorable de l’ARPP sans commentaire.

– L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité a indiqué, par écrit, être intervenue sur cette campagne dans le cadre d’un avis préalable délivré en juin 2016 sur le film définitif.

Lors de l’examen du spot, qui lui a été soumis dans sa version finalisée, prête à être diffusée, l’ARPP a considéré que celui-ci n’était pas contraire aux dispositions déontologiques en vigueur.

L’Autorité tient à rappeler qu’elle est, de façon générale, particulièrement vigilante quant à l’exploitation de l’image de la femme en publicité et s’attache à faire respecter les principes déontologiques inscrits dans sa Recommandation Image de la personne humaine.

En l’espèce, une attention particulière a été portée à l’application de la règle selon laquelle il est interdit de « réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».

Le principe de cette campagne, qui joue sur un décalage humoristique évident entre le repas très solennel d’une famille à l’apparence traditionnelle, et les propos inattendus et improbables tenus par l’un des personnages à propos de son épouse, ne lui a pas semblé contraire à ces dispositions.

Si le parallèle entre le service de voitures d’occasion promu dans le spot et la demande de changement d’épouse lui est bien apparu volontaire, la construction du message et sa mise en scène, sur un mode totalement absurde, rend également, selon l’ARPP, ce film publicitaire acceptable pour la majorité du public.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose en son point 2/1 que : « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet. »

Le Jury relève que la publicité mise en cause utilise une mise en scène par laquelle un homme propose à son beau-père de lui « rendre » sa fille pour pouvoir épouser la sœur de celle-ci. Ce scénario a pour but de montrer que si un homme ne peut changer de femme, il peut malgré tout changer son automobile (si elle est de la marque) lorsqu’il en est lassé.

Si cette publicité est construite sur un mode humoristique et décalé évident, il n’en demeure pas moins qu’il présente au premier degré les femmes comme des objets dont il serait plus commode de pouvoir se débarrasser selon son bon vouloir. Elle joue par ailleurs sur un stéréotype patriarcal fondé sur l’incapacité des femmes, le beau-père étant finalement propriétaire de ses deux filles et décisionnaire de leur sort.

Ainsi bien que le message véhiculé puisse être mis à distance grâce à l’exagération de la mise en scène et son côté absurde, il repose sur une image des femmes présentées dans une position d’infériorité vis-à-vis des hommes laquelle est dégradante.

En conséquence, la publicité de la société annonceur pour son service de substitution de voiture ne respecte pas la disposition précitée de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP.

Le Jury prend toutefois acte de ce que la société a retiré le film dès que les plaintes lui ont été communiquées.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 16 septembre 2016 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Lieber, vice-Présidente, Mmes Drecq et Moggio, MM. Depincé, Lacan et Leers.