Avis JDP n°456/17 – PRESTATAIRES DE SERVICE / ACCESSIBILITE – Plainte fondée

Avis publié le 6 juillet 201
Plainte fondée

  • Le Jury de Déontologie Publicitaire,
  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu la représentante de la société annonceur, présente à la séance,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 7 février 2017, d’une plainte émanant d’un professionnel exerçant une profession libérale, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’un courrier publicitaire diffusé par une société, en faveur du « pack d’accessibilité » qu’elle propose aux entreprises et établissements recevant du public.

Le document publicitaire en cause, intitulé « Déclaration d’accessibilité obligatoire (ERP) » se présente sous la forme d’une lettre au format A4, à l’entête de l’entreprise et rappelant au destinataire les obligations prévues par la réglementation en matière de déclaration obligatoire relative à l’accessibilité.

Dans ses développements la lettre en cause indique notamment que : « X assiste les entreprises et établissements recevant du public (ERP) dans leur obligation réglementaire relative à l’accessibilité pour tous », puis en caractères gras « …il est encore possible d’éviter certaines sanctions en régularisant au plus vite le dépôt de votre déclaration », « Afin de déterminer la catégorie de votre ERP, veuillez vous connecter à l’adresse … munis de votre numéro de Siren… », suivi des coordonnées et du numéro Siren de l’entreprise.

2. La procédure

La société Agefac a été informée de la plainte, dont copie lui a été transmise, et des dispositions dont la violation est invoquée, par courrier recommandé avec avis de réception du 3 avril 2017.

Cette affaire qui devait être initialement examinée lors de la séance du Jury de Déontologie Publicitaire du 28 avril 2017 a fait l’objet d’un report, à la demande de l’annonceur.

3. Les arguments échangés

– Le plaignant explique exercer la profession de psychologue et avoir été destinataire de cet envoi proposant un service de diagnostic payant alors que celui-ci se trouve gratuitement sur le site gouv.fr. Il estime que cette publicité entretient le doute sur l’origine « officielle » du document.

– La représentante de l’annonceur explique que sa société est une société commerciale créée en 2015 ayant pour objet d’assister les exploitants d’établissements recevant du public (dits ERP) dans le cadre de leurs démarches de mise en conformité avec leurs obligations règlementaires en matière d’accessibilité au public de leur établissement, codifiées à l’article L. 111-7 du code de la construction et de l’habitation, tel que modifié par l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014.

Elle expose que si les obligations déclaratives qui pèsent sur les ERP sont différentes selon leur situation, l’absence de déclaration dans les délais prévus est passible de sanctions, de même que la non-conformité à l’obligation d’accessibilité. En vue de la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation, elle propose un autodiagnostic gratuit permettant d’établir l’éligibilité d’un établissement à cette démarche. Elle accompagne ensuite les ERP qui le souhaitent en leur proposant ses services à distance, à travers un « Pack Accessibilité », qui comprend la réalisation d’un état des lieux au travers d’un diagnostic complet afin de vérifier la conformité ou non-conformité de l’établissement au regard des dispositions réglementaires en vigueur, ainsi que la constitution du dossier à déposer auprès de l’administration compétente.

Elle indique qu’elle exerce une activité d’accompagnement des ERP exclusivement de 5ème catégorie. Il s’agit des établissements recevant un nombre restreint de personnes, en particulier des boutiques de proximité (boulangers, fleuristes, coiffeurs) ou des cabinets médicaux et paramédicaux (médecins, pharmaciens, vétérinaires) et, de manière générale, des cabinets de professions libérales, des commerçants, des artisans.

Sur le contexte de dépôt de la plainte

La société indique qu’elle exerçait autrefois sous une enseigne différente et qu’elle a été victime de contrefaçon, ainsi que son site internet, ce qui a semé le doute dans l’esprit des consommateurs et l’a obligée à fermer son premier site internet et à prendre diverses mesures (modification de son nom commercial, dépôt d’actions en contrefaçons, alerte de ses clients).

Sur la pratique commerciale et l’envoi du courrier

La société annonceur précise qu’elle se fait connaître en envoyant un courrier de prospection aux ERP qu’elle a identifiés comme étant de 5ème catégorie. Ce courrier se contente de viser la réglementation en vigueur et d’expliquer que la société a développé une offre payante — ceci est expressément précisé — d’accompagnement des ERP de 5ème catégorie dans leurs démarches.

Il ressort expressément du courrier en cause que l’annonceur exerce une activité commerciale. Le nom même de la société, mentionné sur le courrier, ne prête pas à confusion : ni son nom commercial ni son acronyme ne renvoient à un organisme public déjà existant.

Son logo, réalisé par un graphiste, n’est ni semblable ni assimilable à celui d’un organisme public: les pictogrammes utilisés sont libres de droit et le logo est de couleur bleue et ne reprend ni les symboles (Marianne, drapeau) ni le code couleur des organismes publics. La société précise en outre sur tous ses courriers sa qualité de société commerciale et son numéro de Siren, ne laissant place à aucun doute concernant sa nature juridique. Elle précise qu’elle ne s’est jamais fait passer pour un service de l’État et a toujours rendu à ses clients les services demandés. Elle souligne qu’à ce jour, 483 sociétés commerciales sont inscrites aux différents registres du commerce et des sociétés en France sous le nom « Agence Française » et ce, de façon parfaitement légale.

La société expose encore qu’elle mentionne expressément dans le courrier objet de la plainte le service qu’elle propose, à savoir un « Pack accessibilité » – termes qui indiquent clairement qu’il ne s’agit pas d’une aide gratuite, ni obligatoire, mais d’un service développé pour répondre au besoin des clients, que seule une société commerciale est susceptible d’offrir. L’utilisation de l’expression « à moindre coût » vise bien des prestations payantes et met l’accent sur les tarifs compétitifs pratiqués par la société sur le marché. Enfin, elle fait observer qu’aucun paiement n’est demandé dans ses courriers, qui sont des courriers de prospection classiques.

La société indique, de plus, que le courrier objet de la plainte n’est pas un courrier administratif mais un courrier de prospection commerciale, identifiant précisément tant son auteur que les services proposés.

Elle fait observer que :

– le démarchage commercial s’effectue exclusivement par courrier ;

– la souscription au service proposé s’effectue par le biais d’un bon de commande signé, comme tout contrat, indiquant clairement et expressément le prix de la prestation ;

– le paiement n’est requis qu’à l’issue de la prestation, contrairement à la quasi-totalité des sites commerciaux en ligne.

Dans ces conditions, le courrier adressé au plaignant n’a rien de trompeur, ne fait figurer aucun prix ni aucune demande de règlement et procède à un rappel des obligations légales en matière d’accessibilité, de façon loyale, en visant le texte légal correspondant, permettant ainsi à chaque consommateur de s’y rapporter.

Sur la recevabilité

La société fait valoir que la plainte émane manifestement d’un professionnel exerçant en groupe au sein d’un cabinet de psychologie. Or contrairement à l’article 12 du règlement intérieur du Jury, la plainte est anonymisée et ne permet pas d’identifier son auteur, ce qui lui aurait pourtant permis de faire remonter les éléments relatifs audit dossier.

Le plaignant relate ensuite des faits postérieurs à la réception du courrier. A première lecture, il ressort des termes de la plainte que son auteur n’est pas lui-même en mesure de préciser exactement les éléments justifiant de la saisine du JDP. En effet, le JDP ne se prononçant que sur le contenu du message « publicitaire », les développements de la plainte concernant la conversation téléphonique — dont aucune preuve n’est apportée — entre le plaignant et l’annonceur ne sauraient être pris en compte dans l’analyse de la plainte et du courrier annexé.

Elle oppose, enfin, que les motifs de la plainte reçue sont pour le moins laconiques.

4. L’analyse du Jury

À titre liminaire, le Jury précise qu’il n’est pas une juridiction et que les avis qu’il rend concernent le respect des règles de déontologie par les publicités diffusées auprès du public. Ces règles de déontologie sont celles issues du code de la Chambre de commerce internationale et celles contenues dans les Recommandations prises par les représentants des annonceurs et des professions de la publicité réunis en association au sein de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

En matière de loyauté, l’appréciation du Jury qui ne conduit à aucune sanction et ne relève que de la déontologie, peut être plus stricte que celle d’une juridiction.

Sur la recevabilité de la plainte

Le Jury précise que la plainte qui lui a été adressée n’est pas anonyme, ce qui constituerait une cause d’irrecevabilité, mais que le nom et les coordonnées de la personne plaignante ont été occultés par le secrétariat du Jury, afin d’assurer la liberté des plaintes sans risque qu’il en soit fait reproche aux personnes qui s’impliquent dans le respect de la déontologie publicitaire.

Par ailleurs la plainte précise que la publicité « comporte un numéro Siret et se présente un peu comme un document « officiel » mentionnant les sanctions en cas de non déclaration et mises aux normes. Elle présente l’obligation d’un diagnostic et de la mise aux normes et qu’elle s’en charge ». Ces précisions permettent de comprendre que la plainte porte sur une présentation de la publicité comme un document officiel indiquant une obligation de faire une déclaration dont le défaut est passible de sanctions et susceptible de conduire les destinataires à penser qu’ils se trouvent dans l’obligation de répondre à l’invitation de l’auteur de la lettre pour accomplir le diagnostic et les travaux de mise aux normes.

Le Jury rappelle en outre que dans la lettre de transmission de la plainte, il a été indiqué à l’annonceur que les dispositions applicables à celle-ci étaient celles contenues dans le code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale, en particulier les points relatifs à la véracité et la loyauté.

Il observe encore que l’imprécision de la plainte, invoquée par la société, ne l’a pas empêchée de développer ses explications sur les points soulevés par cette plainte et qui sont au cœur du débat sur le respect des Recommandations déontologiques de l’ARPP.

Enfin, le Jury rappelle qu’il ne peut se prononcer que sur les mentions du document publicitaire et non sur des déclarations que l’annonceur aurait pu faire dans le cadre de communication téléphoniques avec le plaignant.

Sur le contenu de la plainte et son caractère fondé

Le Jury rappelle qu’il résulte des dispositions déontologiques, notamment celles contenues dans le code de la Chambre de commerce internationale relatives à la publicité loyale et véridique que :

« Article 3 – Loyauté

La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs.

Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération. »

L’article 5 de ce même code dispose que :

« Véracité – La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse.

La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne : des caractéristiques du produit qui sont essentielles, ou en d’autres termes, de nature à influencer le choix du consommateur, telles que la nature, la composition, la méthode et la date de fabrication, le domaine d’utilisation, l’efficacité et les performances, la quantité, l’origine commerciale ou géographique, ou l’impact sur l’environnement ;….»

Le Jury observe que le message publicitaire critiqué se présente sous la forme d’une lettre adressée sous l’en-tête « nom de la société ». Elle est intitulée en caractère gras « DECLARATION d’ACCESSIBILITE OBLIGATOIRE (ERP) » et elle est libellée dans les termes qui suivent :

« X assiste les entreprises et établissements recevant du public (ERP) dans leur obligation réglementaire relative à l’accessibilité pour tous.

Un très grand nombre d’ERP ont déjà soumis leur déclaration d’accessibilité avant la date butoir du 27 septembre 2015. X vous rappelle que depuis cette date et en l’absence de déclaration, les entrepreneurs et gestionnaires d’établissements s’exposent à des sanctions pénales et pécuniaires prévues par l’article L. 152-4 du code de la construction et de l’habitation.

Néanmoins il est encore possible d’éviter certaines sanctions en régularisant au plus vite le dépôt de votre déclaration.

Pour répondre aux contraintes et difficultés que représente la mise en conformité, X a mis en place une solution complète en ligne le Pack d’accessibilité. Celui-ci ne nécessite aucune ressource ou intervenant externe (architecte, comptable, expert) et accompagne rapidement les ERP à moindre coût jusqu’à la déclaration définitive. (…)

Afin de déterminer la catégorie de votre ERP, veuillez vous connecter à l’adresse www.agefac.org munis de votre numéro de Siren et du code d’accès ci-dessous ;

[suivent le n° SIREN de l’entreprise et un code d’accès chiffré]

(…)

Si votre ERP a déjà fait l’objet d’une déclaration relative aux obligations réglementaires en matière d’accessibilité, veuillez ne pas tenir compte de ce courrier ».

Ce texte est suivi de trois notes de bas de page, dont une rappelle que les sanctions encourues sont de 45 000 euros portée à 225 000 euros pour les personnes morales et peines d’emprisonnement de 6 mois en cas de récidive, et de l’adresse de correspondance. Puis, sous un trait final, figurent les références suivantes inscrites en caractère de taille réduite :

« Nom de la société – adresse postale et site internet – contact@.org- », mentions suivies du numéro SIREN de la société et d’un numéro CNIL.

Le Jury observe que la société annonceur introduit dans ce courrier une ambiguïté sur son statut. Elle se présente en effet par sa dénomination comme une « agence française », ce qui peut facilement être interprété comme signifiant qu’elle est un organisme public. Son statut de société n’apparaît que dans sa dénomination inscrite en dernière ligne de note de bas de page, la mention SAS étant, selon elle, propre à indiquer sa nature de société. Cependant, ce sigle n’est interprétable que pour les personnes averties des questions de désignation de sociétés, qui ne représentent pas une majorité du public, même professionnel. Le numéro Siren qui suit n’est, pour la même raison, pas suffisamment explicite pour faire comprendre que l’auteur de la lettre est bien une société privée ce qui n’apparaît dans aucun des développements du texte.

Cette confusion est au surplus entretenue par la terminaison de l’adresse électronique que s’est donnée la société Agefac en « .org » qui accentue l’idée que celle-ci est un organisme public.

Ainsi que le développe la société annonceur, il n’est en rien interdit à une société commerciale d’utiliser une dénomination d’« agence française », ainsi qu’une terminaison d’adresse en « .org ». Il n’en demeure pas moins que ces éléments accentuent l’idée que la société annonceur n’est pas une société privée de nature commerciale ce qu’ainsi qu’il vient d’être relevé, elle ne précise pas dans son texte et ne laisse pas apparaître.

Enfin, la lettre mentionne le numéro Siren du destinataire et lui attribue un code d’accès, ce qui renforce l’idée que son auteur, qui dispose des numéros Siren des entreprises, est un organisme de nature publique.

Par ailleurs, plusieurs éléments de cette lettre concourent à lui donner un caractère comminatoire.

Tout d’abord le rappel du caractère obligatoire de la déclaration d’accessibilité qui, s’il correspond à une réalité, introduit d’emblée l’idée qu’une obligation n’a peut-être pas été respectée par la société destinataire de la lettre, et peut générer une source d’inquiétude. Ce caractère comminatoire est ensuite renforcé par le rappel des sanctions pénales auxquelles sont exposées les personnes qui ne remplissent pas leur obligation de déclaration puis, éventuellement, de mise aux normes, qui sont sévères puisqu’elles peuvent aller jusqu’à 225 000 euros d’amende et 6 mois d’emprisonnement en cas de récidive.

Une telle information peut être parfaitement utile et positive pour les établissements recevant du public. Cependant, cette indication, ainsi formulée par un organisme dont la nature exacte n’apparaît pas et qui, au contraire, laisse penser qu’il est une agence de l’État, est de nature à faciliter les confusions sur l’obligation de devoir s’adresser à l’annonceur.

Ce risque de confusion est encore accru par la phrase finale du texte inscrite en gras et selon laquelle « Si votre ERP a déjà fait l’objet d’une déclaration relative aux obligations réglementaires en matière d’accessibilité, veuillez ne pas tenir compte de ce courrier », qui induit a contrario que si l’ERP n’a pas déjà effectué la déclaration relative aux obligations en matière d’accessibilité, son responsable doit tenir compte du courrier et donc s’adresser à l’annonceur, qui pourtant n’est rien d’autre qu’une société commerciale offrant une prestation d’accompagnement qui n’a rien d’obligatoire.

Compte tenu de ces éléments, le Jury est d’avis que la publicité en cause n’est pas conforme aux dispositions combinées des articles 3 et 5 du code de la Chambre de commerce internationale (code ICC) précités. Il est sans portée à cet égard que cette publicité ne se présente pas comme une facture ou ne comporte pas d’indication d’une obligation de payer.

Avis adopté le vendredi 2 juin 2017 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Moggio, MM. Benhaïm, Depincé, Lacan et Leers.